
Un drapeau israélien endommagé à Gaza
par Alexander Cornwell
Le cabinet de sécurité israélien a approuvé dans la nuit de jeudi à vendredi un projet visant à prendre le contrôle de la ville de Gaza, quelques heures après que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exprimé son intention d'occuper militairement la totalité de l'enclave palestinienne.
Tsahal va "se préparer à prendre le contrôle de la ville de Gaza tout en fournissant de l'aide humanitaire à la population civile hors des zones de combat", ont déclaré les services de Benjamin Netanyahu dans un communiqué publié dans la nuit à l'issue de la réunion du conseil de sécurité.
Cette annonce a aussitôt valu à Israël une nouvelle salve de condamnations internationales, alors que la stratégie de Benjamin Netanyahu à l'égard de Gaza faisait déjà l'objet de vives critiques, aussi bien dans son pays qu'à l'étranger.
Le chancelier Friedrich Merz a annoncé que l'Allemagne, alliée européenne clé d'Israël, refuserait jusqu'à nouvel ordre de nouvelles exportations d'armements susceptibles d'être utilisées à Gaza par Israël - une mesure que Berlin avait déjà adoptée par le passé sans effet sur le cours de la guerre.
"La décision du gouvernement israélien d'intensifier encore son offensive à Gaza est une erreur, et nous l'exhortons à la reconsidérer immédiatement", a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer dans un communiqué.
Il semble que certains pays fassent pression sur Israël plutôt que sur le Hamas, dont l'attaque meurtrière contre Israël en 2023 a déclenché la guerre, a déclaré de son côté à Reuters l'ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee.
En Israël, les familles d'otages détenus à Gaza et les dirigeants de l'opposition ont fustigé la décision de Benjamin Netanyahu qui, selon eux, met la vie des otages en danger.
Pour le chef de l'opposition Yair Lapid, envoyer des forces israéliennes dans la ville de Gaza serait un désastre qui va à l'encontre des recommandations des responsables militaires et de sécurité.
Il a accusé les ministres d'extrême droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich d'entraîner Benjamin Netanyahu dans une guerre prolongée qui causera la mort d'otages et de soldats.
FORCES ARABES
Pour tenter d'atténuer les critiques, Benjamin Netanyahu a déclaré sur Fox News avant la réunion de son conseil de sécurité qu'Israël n'avait pas l'intention d'annexer Gaza, dont l'armée israélienne s'était retirée en 2005, ou de gouverner le territoire sur la durée.
Il a suggéré que l'enclave palestinienne soit gouvernée par des forces arabes, une fois le Hamas totalement défait, sans donner plus de détails.
Interrogé sur le projet qu'aurait Benjamin Netanyahu de confier la gouvernance de Gaza à des "forces arabes", un responsable jordanien a déclaré à Reuters que les pays arabes "ne soutiendraient que ce que les Palestiniens auront approuvé et décidé", ajoutant que la sécurité à Gaza devrait à l'avenir être confiée aux "institutions palestiniennes légitimes".
Toute décision du cabinet de sécurité doit par la suite être approuvée par l'ensemble du gouvernement, dont la prochaine réunion pourrait ne pas avoir lieu avant dimanche, ont déclaré deux sources gouvernementales.
"LE COEUR DE GAZA"
L'armée israélienne affirme contrôler environ 75% de la bande de Gaza. Selon Amir Avivi, général de brigade israélien à la retraite, cette proportion passerait à 85% si l'armée prenait le contrôle effectif de la ville de Gaza.
"(La ville de Gaza) est le cœur de Gaza. C'est véritablement le centre du gouvernement. Elle a toujours été la plus forte et, même aux yeux du Hamas, sa chute équivaudrait quasiment à la chute du Hamas".
Selon les médias israéliens, 900.000 personnes vivent désormais dans la ville de Gaza, dont beaucoup ont été déplacées par l'armée.
Le Hamas a qualifié les déclarations de Benjamin Netanyahu de "coup flagrant" porté au processus de négociation et la décision de son cabinet de sécurité de "crime de guerre".
"Les plans de Netanyahu visant à intensifier l'agression confirment sans aucun doute qu'il cherche à se débarrasser de ses captifs et à les sacrifier", a ajouté le groupe dans un communiqué.
Le Hamas détient encore 50 otages dont une vingtaine est présumée en vie. La plupart des otages libérés jusqu'à présent l'ont été à la suite d'efforts diplomatiques. Des pourparlers en vue d'un cessez-le-feu qui aurait pu permettre la libération d'autres otages ont échoué en juillet.
CONDAMNATIONS INTERNATIONALES
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, comme de nombreux dirigeants étrangers, a exhorté Israël à réexaminer sa décision d'avancer dans la ville de Gaza.
Pour Antonio Costa, président du Conseil européen, une telle opération devrait avoir des conséquences sur les relations entre Israël et l’Union européenne.
L'Arabie saoudite, puissance régionale qui refuse de normaliser ses relations avec Israël sans la création d'un État palestinien, a condamné toute tentative d'occupation de Gaza.
La Maison blanche n'a pour le moment fait aucun commentaire. Le président Donald Trump a refusé mardi de dire s'il soutenait une prise de contrôle totale de Gaza par Israël.
Après bientôt deux ans de guerre, l'enclave palestinienne a été entièrement dévastée par les bombardements et sa population, déplacée à plusieurs reprises par les combats, est au bord de la famine, alors que selon les propres responsables des services de sécurité israéliens, le Hamas ne constitue plus une menace.
(Alexander Cornwell et Steven Scheer à Jérusalem, avec la contribution de Nidal al-Mughrabi au Caire, Suleiman Al-Khalidi à Amman et Hatem Maher au Caire; version française Jean Terzian, Tangi Salaün et Kate Entringer, édité par Nicolas Delame)
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