
Des manifestants sortent en courant des bureaux du Congrès népalais (parti de centre-gauche) en flamme le 9 septembre 2025 à Katmandou ( AFP / Prabin RANABHAT )
Des centaines de manifestants en colère ont incendié mardi le Parlement népalais, dans la foulée de la démission du Premier ministre KP Sharma Oli au lendemain de manifestations contre le blocage des réseaux sociaux et la corruption qui ont fait 19 morts.
"Des centaines de personnes ont investi l'enceinte du Parlement et mis le feu au bâtiment principal", a indiqué à l'AFP un porte-parole du secrétariat de l'institution, Ekram Giri.
Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent un épais panache de fumée enveloppant le bâtiment, au coeur de la capitale Katmandou.
Malgré le couvre-feu instauré au début de la matinée, des groupes de jeunes manifestants sont descendus dans les rues de Katmandou et s'en sont pris toute la journée aux bâtiments publics et aux résidences de dirigeants politiques.

Un incendie sur une route lors de violentes manifestations le 9 septembre 2025 à Katmandou ( AFP / Prabin RANABHAT )
Un groupe de protestataires a réussi à s'emparer des armes à feu de policiers chargés de protéger le complexe gouvernemental de Singha Durbar, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le domicile du Premier ministre, âgé de 73 ans, a lui aussi été incendié, selon un photographe de l'AFP.
A la mi-journée, le chef du gouvernement a annoncé sa démission "afin que des mesures puissent être prises en vue d'une solution politique", a-t-il écrit dans une lettre au président népalais.

Un manifestant crie des slogans lors d'une protestation devant le Parlement à Katmandou le 8 septembre 2025, dénonçant le blocage des réseaux sociaux et la corruption par le gouvernement ( AFP / PRABIN RANABHAT )
"Le gouvernement est tombé, les jeunes ont gagné et pris le contrôle du pays", s'est réjoui un manifestant, Sudan Gurung, "l'avenir est à nous".
Des protestataires, principalement de jeunes hommes, ont été vus brandissant le drapeau national tout en tentant d'échapper aux canons à eau déployés par les forces de sécurité.
Des manifestants ont ciblé les biens de politiciens et des bâtiments gouvernementaux, tandis qu'une vidéo publiée en ligne (que l'AFP n'a pas pu vérifier) semble montrer des manifestants frappant l'ancien Premier ministre Sher Bahadur Deuba du Congrès népalais, un soutien du gouvernement de M. Oli.
L'aéroport de Katmandou est resté ouvert mais des vols ont été annulés en raison d'une moindre visibilité due à la fumée des incendies, a déclaré son porte-parole, Rinji Sherpa.
La manière dont la situation va évoluer dans les prochains jours demeure incertaine.
Mardi soir, dans un communiqué, le président Ramchandra Paudel a exhorté "tout le monde, y compris les manifestants, à coopérer pour une résolution pacifique de la situation difficile du pays" et "lancé un appel à toutes les parties pour qu'elles fassent preuve de retenue (..) et qu'elles entament des négociations".
Ashish Pradhan, analyste au sein de l'International Crisis Group a fait écho à ce propos, appelant à un "arrangement transitoire au plus vite qui inclura des figures qui restent crédibles auprès des Népalais, en particulier auprès des jeunes".
Balendra Shah, un ingénieur de 35 ans devenu rappeur et élu maire de Katmandou en 2022 et vu comme une figure populaire dans la transition à venir, a appelé sur Facebook les gens à "faire preuve de retenue" après la démission de M. Oli.
Il a invité la jeune génération à "prendre les rênes du pays. Soyez prêts!".
Lundi, la police a ouvert le feu sur des milliers de manifestants qui défilaient dans les rues de Katmandou pour exiger la fin du blocage des réseaux sociaux ordonnée quatre jours plus tôt et dénoncer la corruption des élites du pays.
Au moins 19 personnes ont été tuées, dont 17 dans la seule capitale, plusieurs centaines d'autres blessées, selon un bilan officiel.
- "Responsabilités" -
En soirée, le chef du gouvernement avait ordonné le rétablissement des réseaux sociaux et l'ouverture d'une enquête "indépendante" sur les conditions de l'intervention de la police.
Mais la colère de la population n'est pas retombée.
Chef du Parti communiste népalais, M. Oli conclut ainsi une carrière politique de plus de 60 ans, marquée notamment par la longue guerre civile qui a ensanglanté le Népal jusqu'à l'abolition de la monarchie en 2008.
Elu pour la première fois Premier ministre en 2015, il a été réélu en 2018, renommé brièvement à la tête du gouvernement en 2021, puis réinvesti en 2024 à la tête d'une coalition parlementaire incluant notamment le centre droit.
Sa démission est intervenue après celles de trois autres ministres, dont celui de l'Intérieur.

Des manifestants affrontent la police anti-émeute lors d'une manifestation devant le Parlement à Katmandou le 8 septembre 2025 ( AFP / PRABIN RANABHAT )
Le gouvernement avait annoncé jeudi le blocage des réseaux sociaux en application d'un arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême.
Parmi les plateformes bloquées figuraient Facebook, X, Youtube ou Linkedn, au grand dam de plusieurs millions d'usagers.
Motivées initialement par le blocage, les manifestations de lundi ont largement viré à la dénonciation de la corruption des autorités, dans un pays à l'économie ralentie et au fort taux de chômage.
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