par Samia Nakhoul et Maya Gebeily
La Russie a fustigé cette semaine les nouveaux dirigeants de la Syrie lors d'une réunion à huis clos aux Nations unies, a appris Reuters de deux personnes au fait de la question, Moscou ayant alerté sur la montée des djihadistes dans le pays et comparé les violences sanglantes contre les alaouites au génocide au Rwanda.
Ces critiques émises en privé à l'encontre du gouvernement islamiste installé à Damas par la principale faction rebelle ayant chassé Bachar al Assad du pouvoir en décembre dernier interviennent alors que Moscou tente de préserver deux bases militaires russes importantes situées sur la côte syrienne, dans le nord-ouest du pays, là même où des milliers de membres de la minorité alaouite ont été victimes d'exactions la semaine dernière.
Le Kremlin, qui a soutenu Bachar al Assad avant que celui-ci ne fuie le pays pour se réfugier en Russie, a appelé mardi à l'unité de la Syrie et déclaré que Moscou était en contact avec d'autres pays sur le dossier.
Mais les commentaires effectués au cours d'une réunion d'information au Conseil de sécurité de l'Onu, réclamée conjointement par la Russie et les Etats-Unis, ont été beaucoup plus acerbes, selon les sources, mettant en lumière la stratégie de Moscou dans sa volonté de maintenir son influence en Russie.
D'après les sources, l'émissaire russe auprès des Nations unies, Vassily Nebenzia, a comparé les assassinats sectaires et ethniques au génocide au Rwanda en 1994, quand des centaines de milliers de Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés par des extrémistes Hutus menés par l'armée et une milice rwandaises.
Vassily Nebenzia a déclaré aux participants à la réunion que "personne" ne s'était opposé aux assassinats survenus en Syrie, ont rapporté les sources.
Interrogé par Reuters sur la véracité des propos rapportés, l'émissaire russe a répondu : "Je dis ce que je veux lors de consultations à huis clos, sur la base que rien ne sort de ces consultations fermées".
Ce double langage peut être une manière pour Moscou d'affûter sa position, a commenté Anna Borshchevskaya, experte de la Russie au Washington Institute, à propos des raisons pour lesquelles Moscou se montrait plus critique en privé que dans ses commentaires publics.
"Ils veulent rétablir leur influence en Syrie et ils cherchent un moyen. S'ils commencent à critiquer publiquement le gouvernement, cela ne mènera à rien", a-t-elle dit.
"La Russie veut également apparaître comme une grande puissance, équivalente aux Etats-Unis, et résoudre des crises au côté des Etats-Unis. Donc travailler en privé avec les USA sur ce dossier leur offre des bénéfices supplémentaires", a-t-elle ajouté.
Selon les personnes au fait de la question, Vassily Nebenzia a dénoncé la décision des nouveaux dirigeants syriens de dissoudre l'armée et de réduire massivement le nombre de fonctionnaires, avertissant du risque d'un nouveau "scénario à l'irakienne" - une référence aux violences sectaires ayant secoué pendant des années l'Irak à la suite de la chute de Saddam Hussein et du démantèlement des institutions publiques du pays.
Le président syrien par intérim Ahmed al Charaa a déclaré cette semaine dans un entretien à Reuters vouloir notamment préserver les "relations profondément stratégiques" de Damas avec Moscou.
Au cours de la réunion à huis clos, la Russie a exprimé également sa préoccupation que des combattants "terroristes" étrangers jouent un "rôle destructeur" en Syrie, ont rapporté les sources.
(Samia Nakhoul et Maya Gebeily, avec Michelle Nichols aux Nations unies; version française Jean Terzian; édité par Augustin Turpin)
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