L'exploitation des grands fonds, riches en ressources stratégiques, constitue un nouvel enjeu du secteur de l'extraction minière. Les industriels assurent pouvoir réduire leur impact, mais les promesses se heurtent aux réalités techniques.

Les nodules polymétalliques sont des concrétions minérales nichées entre 4000 et 6000 mètres de fond, dont la formation prend des millions d'années (illustration) ( AFP / WILLIAM WEST )
Un nouveau Far West au fond des océans? Les futures règles internationales de l'extraction minière en haute mer pourraient inclure des objectifs de remise en état des fonds marins, mais pour les scientifiques, la restauration des écosystèmes détruits n'est pour l'instant qu'un mirage.
Les grands fonds marins, parmi les dernières zones sauvages de la planète, sont convoités par certains industriels et Etats impatients de pouvoir exploiter des ressources riches en minerais stratégiques, notamment pour la transition écologique.
Si les industriels assurent pouvoir minimiser l'impact de leur collecte, les défenseurs des océans alertent depuis des années sur les dangers pour les écosystèmes.
Sur ce point, les conclusions du projet scientifique DEEP REST, présentées cette semaine à Kingston, en Jamaïque, en marge de la réunion de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui doit établir les futures règles de l'extraction minière, sont sans équivoque.
"Si nous enlevons les nodules des fonds marins, nous ne savons pas ce que nous perdons, seulement que nous l'aurons perdu à jamais", estime ce consortium rassemblant 15 centres de recherche européens. "La restauration ne peut pas encore être utilisée comme un moyen de gestion des habitats touchés".
"Pour l'instant, toutes les opérations de restauration que nous avons tentées au sein de notre projet DEEP REST étaient sur du court terme. Et ce qu'on a observé, c'est que dans le temps imparti, c'est-à-dire en quelques années, les écosystèmes ne récupèrent pas", explique à l'AFP sa coordinatrice Jozée Sarrazin, de l'institut français Ifremer.
"S'il y a une restauration possible, elle prendra énormément de temps, et pour l'instant on n'a pas les données pour pouvoir dire si ça sera 100 ans ou 1000 ans", poursuit-elle. Malgré la pression, le froid, l'obscurité totale, le manque de nourriture, les grands fonds marins sont loin d'être déserts. Le nombre d'espèces qui y vivent est pour l'instant inconnu , estimé jusqu'à plusieurs millions.
Nodules artificiels
Les champs de nodules du Pacifique abritent ainsi une faune très variée, comme des éponges, des coraux mous ou des anémones de mer qui "existent seulement à cet endroit parce qu'ils ont besoin de la surface dure du nodule pour s'attacher", a expliqué cette semaine Matthias Haeckel, chercheur à l'institut allemand Geomar, en présentant à Kingston les résultats du projet MiningImpact.
Aspirer les nodules, en propageant des sédiments qui vont ensuite recouvrir une zone tout autour, réduit les densités de population, la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes, selon les résultats de MiningImpact.
Et "pour faire bref, à la fin, on parle de temps de récupération de milliers d'années", a mis en garde le chercheur allemand. Sans parler des nodules eux-mêmes qui ont mis des millions d'années à se former par la précipitation de minéraux autour de fragments comme une dent de poisson ou un coquillage.
Quelques expériences de restauration ont été menées ou sont en cours. Par exemple, "nous avons créé des nodules artificiels en argile des fonds marins et les avons placés sur différents sites" à environ 4.500 mètres de profondeur, explique à l'AFP Sabine Gollner, biologiste à l'Institut royal néerlandais pour la recherche marine.
"Mais si vous prenez en compte la lente croissance dans les fonds marins, les lents processus, il faudra un certain nombre d'années pour découvrir si c'est efficace et à quel degré", poursuit-elle.
Quant aux amas sulfurés --autre type de dépôts minéraux présents dans des cheminées qui recrachent de l'eau de mer réchauffée par le magma dans des zones de dorsales océaniques-- leur restauration semble encore plus hypothétique.
Ces sortes de geysers sous-marins foisonnent d'une biodiversité étonnante et unique. "Si nous extrayons les amas sulfurés près des cheminées actives, nous savons ce que nous perdons et nous devons empêcher cette perte", insiste le consortium DEEP REST.
Malgré tout, Sabine Gollner estime qu'il est bon que cette question de la restauration soit évoquée dans le futur code minier négocié par les Etats membres de l'AIFM. Mais en posant des limites. Par exemple, une entreprise "ne devrait pas être autorisée à utiliser cet argument pour miner une plus grande zone", plaide-t-elle.
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