
Outre la transmission du contrat d’assurance-vie, la donation-partage constitue un outil pertinent pour organiser une transmission de patrimoine de son vivant, tout en préservant l’équité entre les frères et sœurs. ( crédit photo : Getty Images )
Sommaire:
- Michel et Anne ont un fils atteint d’un handicap cognitif sévère
-
Un patrimoine confortable, bâti tout au long de leur vie professionnelle -
Handicap: le droit commun prévoit une fiscalité spécifique - Le contrat d’assurance-vie: un outil souple et fiscalement avantageux
- Anticiper et protéger avec le mandat de protection future
-
La donation-partage pour préserver l’équilibre familial - Le tableau récapitulatif créé par Michel et Anne
Michel et Anne ont un fils atteint d’un handicap cognitif sévère
Michel et Anne, respectivement 63 et 61 ans, ont trois enfants. Élise, 35 ans, est professeure des écoles à Rennes et mère de deux petites filles. Thomas, 32 ans, est ingénieur à Paris. Sa compagne est enceinte et ensemble, ils commencent à bâtir un patrimoine immobilier. Le cadet est Julien, 28 ans, atteint d’un handicap cognitif sévère, impactant fortement son autonomie. Il travaille quelques heures par semaine dans un atelier protégé, mais est inapte à gérer seul un budget, des démarches administratives ou la logistique du quotidien. Julien vit au domicile parental. Il perçoit l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) et bénéficie d’un suivi médical régulier.
Michel et Anne en ont bien conscience: Julien restera dépendant toute sa vie de soins médicaux et d’un soutien financier, administratif et juridique et médical. Mais alors, quelles dispositions prendre pour veiller à ce que Julien ne manque de rien une fois qu’ils ne seront plus là? Comment préserver l’équilibre familial en tenant compte de Thomas et Élise?
Un patrimoine confortable, bâti tout au long de leur vie professionnelle
Michel, ancien cadre dans le secteur bancaire, et Anne, infirmière à la retraite, ont bâti un patrimoine confortable. Ils possèdent:
- Une résidence principale estimée à 300.000 euros à Angers,
- Un portefeuille financier de 350.000 euros logé pour l’essentiel dans des contrats d’assurance-vie,
- Une épargne liquide de 50.000 euros.
Ce capital solide est le fruit de décennies de travail. Il doit désormais être transmis avec une grande précaution. En effet, le couple craint que la seule solidarité publique soit insuffisante à aider Julien, s’ils venaient à décéder. Ensemble, Michel et Anne cherchent les meilleures solutions pour préserver leur fils vulnérable de l’incertitude financière et de l’absence de cadre juridique clair pour le protéger. Ils souhaitent également protéger leurs ainés, en évitant que toute la charge financière et organisationnelle repose uniquement sur eux à l’avenir.
Handicap: le droit commun prévoit une fiscalité spécifique
Avant même de chercher des pistes élaborées, il est important de connaître ce que prévoit le droit commun pour protéger les personnes en situation de handicap. L’objectif est simple: leur garantir des ressources suffisantes, compte tenu des charges souvent importantes et liées à leur manque d’autonomie.
Concrètement, un abattement supplémentaire de 159.325 euros s’applique pour eux, en matière de droits de succession et de droits de donation. Pour être éligible, l’enfant doit justifier de sa situation par une décision administrative (reconnaissance par la MDPH, perception de l’allocation aux adultes handicapés, pension d’invalidité…). Le critère retenu est l’impossibilité de travailler normalement dans des conditions de rentabilité suffisantes, une définition large qui couvre de nombreux cas.
Exemple
Dans une succession classique, chaque enfant bénéficie d’un abattement de 100.000 euros sur la part reçue par chacun de ses parents. Quand l’un des enfants est reconnu en situation de handicap, il profite de 159.325 euros supplémentaires. Autrement dit, il peut percevoir jusqu’à 259.325 euros sans payer le moindre droit de succession, soit plus du double de l’avantage consenti aux autres enfants.
Cet abattement renforcé crée un socle protecteur. Toutefois, pour Michel et Anne, il ne suffit pas: leur fils cadet aura besoin d’un capital dédié et sécurisé, pouvant être mobilisé à tout moment. C’est là qu’intervient le contrat d’assurance-vie, un outil souple et fiscalement avantageux. Il leur permet d’aménager avec précision la transmission et de renforcer encore l’effet de cette fiscalité spécifique.
Le contrat d’assurance-vie: un outil souple et fiscalement avantageux
Pour Michel et Anne, le contrat d’assurance-vie constitue l’un des instruments les plus efficaces pour protéger leur fils cadet et pour aménager une réelle équité familiale. En effet, ce produit d’épargne présente un double intérêt:
- Un régime fiscal favorable. En plus de l’abattement de droit commun, un dispositif spécifique vient protéger davantage encore les personnes handicapées: elles bénéficient d’un abattement supplémentaire de 159.325 euros. Pour rappel, l’abattement de droit commun est le suivant: pour les versements réalisés avant les 70 ans du souscripteur, chaque bénéficiaire perçoit jusqu’à 152.500 euros sans frais.
A retenir
Concrètement, une personne handicapée peut recevoir 311.825 euros sans aucune fiscalité via un contrat d’assurance vie transmis. Cet avantage fiscal exceptionnel vise à compenser ses besoins accrus en matière d’autonomie, de soins ou d’accompagnement.
- Une grande liberté dans la clause bénéficiaire. Michel et Anne peuvent librement désigner leur fils handicapé comme bénéficiaire principal de leur contrat d’assurance-vie. En cas de décès, Julien reçoit seul les fonds épargnés. De plus, ils peuvent aménager la rédaction de la clause bénéficiaire pour tenir compte de la situation particulière de leur fils cadet. Exemple: ils prévoient des versements échelonnés ou la mise en place d’une gestion sous mandat, pour que les sommes épargnées soient gérées par un expert. Ils peuvent aussi envisager un adossement à un mandat de protection future pour éviter la dilapidation des fonds par Julien. Autre possibilité à la disposition de Michel et Anne: ajouter une clause dite à «options» ou à «niveaux», stipulant qu’en cas de décès de Julien, le capital revient automatiquement à ses frères et sœurs. Cela évite de figer définitivement le patrimoine.
En résumé
Exemple
Michel et Anne pourraient attribuer leur résidence principale et 200.000 euros à leur fils cadet, tout en compensant auprès de leurs deux autres enfants. Pour cela, plusieurs possibilités: procéder via des soultes de montants équivalents voire envisager un legs futur à leurs petits-enfants pour anticiper l’évolution du patrimoine familial.
Le contrat d’assurance-vie offre à Michel et Anne un cadre à la fois souple, fiscalement optimisé et adaptable aux besoins spécifiques de leur fils, tout en préservant la possibilité d’équilibrer la transmission entre les trois enfants.
Un point de vigilance retient l’attention de Michel et Anne: la clause bénéficiaire doit être minutieusement rédigée, en prenant soin de préciser qui doit gérer le capital transmis, et comment. Leur conseiller patrimonial leur propose de mettre en place un mandat de protection future.
Anticiper et protéger avec le mandat de protection future
Assurer la sécurité financière d’un enfant handicapé est insuffisant. Il est indispensable pour Michel et Anne d’anticiper plus. Ils veulent choisir qui prendra les décisions au nom de leur fils quand ils ne seront plus là. C’est précisément le rôle du mandat de protection future, créé par la loi du 5 mars 2007. Ce dispositif permet aux parents de désigner à l’avance une personne de confiance (un frère, une sœur, un proche voire un professionnel), chargée de gérer à la fois les intérêts patrimoniaux et personnels de l’enfant handicapé.
Le mandat offre plusieurs avantages majeurs:
- Il évite d’avoir recours à une tutelle judiciaire, souvent longue, coûteuse et perçue comme intrusive.
- Il peut être limité à la gestion des biens ou inclure également la prise de décisions personnelles concernant la santé, le logement ou la scolarité.
- Il est établi par acte notarié et offre donc une protection maximale, notamment pour la gestion des biens immobiliers. Un simple mandat sous seing privé reste possible pour des actes moins complexes.
Dans ce cadre, Michel et Anne peuvent mandater leur fille aînée, assistée d’un notaire, pour gérer les revenus financiers et le patrimoine immobilier de leur fils cadet. Il faut alors préciser que les décisions concernant les questions de santé doivent être prises selon un avis médical. Ce mécanisme garantit une continuité de la prise en charge, en limitant les risques de conflits familiaux et en préservant la sécurité de l’enfant sur le long terme.
La donation-partage pour préserver l’équilibre familial
Outre la transmission du contrat d’assurance-vie, la donation-partage constitue un outil pertinent pour organiser une transmission de patrimoine de son vivant, tout en préservant l’équité avec ses frères et sœurs et donc en réduisant les risques de conflits entre héritiers. Concrètement, Michel et Anne peuvent attribuer une part plus importante du patrimoine à leur enfant handicapé (par exemple, un portefeuille financier), tout en compensant vis-à-vis des autres enfants via des soultes. Ce sont des versements d’argent ou d’autres biens équivalents pour équilibrer la valeur globale.
Un aspect stratégique supplémentaire réside dans la donation-partage transgénérationnelle, qui permet d’impliquer directement les petits-enfants. Dans des familles où certains enfants sont déjà financièrement indépendants, cette méthode offre la possibilité de répartir les biens sur plusieurs générations, tout en limitant les effets de l’inflation patrimoniale ou les tensions entre héritiers.
Sur le plan fiscal, l’avantage est double:
- Chaque enfant bénéficie d’un abattement de 100.000 euros par parent, renouvelable tous les 15 ans. Pour Michel et Anne avec trois enfants, cela représente jusqu’à 600.000 euros transmis en franchise de droits lors d’une seule opération.
- En cas d’enfant handicapé, l’abattement spécifique de 159.325 euros s’ajoute, ce qui permet de dédier une partie significative du patrimoine à sa protection financière, sans fiscalité excessive.
Le tableau récapitulatif créé par Michel et Anne
Pour Michel et Anne, la meilleure approche consiste à combiner les trois dispositifs (contrat d’assurance-vie, mandat de protection future et donation-partage) pour sécuriser Julien tout en préservant l’équilibre familial et en optimisant la fiscalité.
Dispositif | Objectif | Avantages | Points de vigilance | Exemple concret |
Assurance-vie | Sécuriser un capital dédié | Fiscalité avantageuse, souplesse de clause bénéficiaire, possibilité de gestion sous mandat | Clause bénéficiaire à rédiger avec précision | 300.000 euros sur un contrat, Julien bénéficiaire principal, gestion confiée à Élise |
Mandat de protection future | Organiser la gestion juridique et personnelle | Évite la tutelle judiciaire, décisions encadrées, protection maximale via acte notarié | Choix du mandataire et modalités de contrôle | Élise mandataire, décisions patrimoniales et de santé encadrées par le notaire et un avis médical |
Donation-partage | Anticiper la répartition et préserver l’équité | Figé la valeur des biens, possibilité de soultes et de transmission transgénérationnelle, abattements fiscaux | Nécessite calcul précis de la valeur des biens et respect des règles légales | Attribution de la résidence principale et 200.000 euros à Julien, compensation des frères via soultes, legs futur aux petits-enfants |
Une bonne stratégie patrimoniale s’accompagne d’une bonne communication intra-familiale. Sur ce point, Michel et Anne ont prévu d’organiser une discussion avec Elise et Thomas, pour expliquer leurs choix et éventuellement procéder à des adaptations en fonction de leurs attentes.
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