
Sébastien Lecornu devant l'Assemblée nationale, à Paris, le 14 octobre 2025 ( AFP / Thomas SAMSON )
Sébastien Lecornu a fini par céder pour espérer une sortie de crise. Le Premier ministre a annoncé mardi devant l'Assemblée nationale la suspension de la réforme des retraites, symbole de la présidence Macron, obtenant la clémence au moins temporaire des socialistes, qui en faisaient une condition sine qua non pour épargner la censure au gouvernement et repousser ainsi la dissolution.
Saluant comme la CFDT, avec cette suspension, "une victoire" autant qu'un "premier pas qui permet d'envisager les suivants", le chef des députés PS Boris Vallaud a dit dans sa réponse à la déclaration de politique générale du Premier ministre vouloir faire "ce pari de donner (...) un budget juste au pays".
"Nous ne votons pas la motion de censure jeudi", a explicité devant la presse la députée Dieynaba Diop, porte-parole du PS. Les motions de censure déposées par le RN et par La France insoumise, examinées jeudi matin, ont donc peu de chances d'être adoptées.
Au milieu d'un discours sobre, qui n'a pas dépassé la demi-heure, point d'orgue de journées d'immense tension politique, la sentence attendue est tombée: "Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle", a annoncé M. Lecornu dans l'hémicycle du palais Bourbon.
"Aucun relèvement de l'âge n'interviendra à partir de maintenant jusqu'à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d'assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028", a précisé le chef du gouvernement, applaudi par les députés PS.
Le chef du gouvernement a également confirmé l'abandon de l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote.
Le PS avait réaffirmé à la mi-journée ses exigences: "La suspension immédiate et complète" de la réforme de 2023, la confirmation de l'abandon du 49.3 et le relâchement de la trajectoire budgétaire.
- "Carte blanche" -

Le Premier ministre Sébastien Lecornu prononce son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale à Paris, le 14 octobre 2025 ( AFP / Thomas SAMSON )
L'exécutif peut ainsi espérer souffler, après une nouvelle crise ouverte la semaine dernière par un gouvernement Lecornu 1 qui n'avait pas tenu une journée.
"Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n'aura pas lieu", avait affirmé le Premier ministre à l'entame de son discours.
Un an après la très décriée dissolution de 2024, la pression s'était accrue sur le chef de l'État, son premier chef de gouvernement, Édouard Philippe, allant jusqu'à lui conseiller de démissionner après l'adoption du budget et de permettre ainsi la tenue d'une élection présidentielle anticipée.
Renommé vendredi par le président Macron, M. Lecornu a "carte blanche", avait expliqué l’Élysée.
Mardi matin, le chef de l'Etat avait une dernière fois mis la pression sur les oppositions lors du Conseil des ministres, qualifiant les motions de censure à venir de "motions de dissolution".
Adopté mardi matin en Conseil des ministres, le projet de budget de l’État, qui devrait être largement modifié par le Parlement, propose un effort d'une trentaine de milliards d'euros et repose sur des hypothèses "optimistes" de croissance en 2026, selon le Haut conseil des finances publiques.
Le déficit devra "dans tous les cas de figure être à moins de 5% à la fin de la discussion" parlementaire, a précisé M. Lecornu, après avoir présenté un projet de budget avec un déficit de 4,7% du PIB.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu vient de prononcer son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale à Paris, le 14 octobre 2025 ( AFP / Thomas SAMSON )
Le Premier ministre a par ailleurs reconnu "des anomalies" dans la fiscalité sur les très grandes fortunes, souhaitant "une contribution exceptionnelle" des plus riches dans le prochain budget.
M. Lecornu a également annoncé une "conférence" sur les retraites et le travail avec les partenaires sociaux. Et promis un nouvel "acte de décentralisation" par un projet de loi déposé en décembre.
- "Peur des urnes" -
Dans sa décision de ne pas censurer le gouvernement, le PS se trouve isolé à gauche. La présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, a affirmé que son groupe "ira(it) à la censure", fustigeant une "petite suspension" de la réforme.
Même tonalité très offensive de Stéphane Peu, chef du groupe des députés communistes et ultramarins, qui en majorité voteront la censure, même si le patron du parti Fabien Roussel a évoqué lui une "première victoire".
"Une réforme imposée contre tout un peuple (...) ne se suspend pas, elle s’abroge", a martelé la cheffe des Insoumis, Mathilde Panot, refusant de participer au "sauvetage" du gouvernement.
A droite, le président des Républicains (LR) Bruno Retailleau a accusé le gouvernement d'être "l'otage des socialistes". En réponse, l'ex-président de LR Eric Ciotti, désormais allié de Marine Le Pen, lui a proposé une "rencontre pour poser les bases d’un renversement d'alliance à droite avec le RN".
Quant au président du RN Jordan Bardella, il a brocardé "l'amicale des sauveurs d'Emmanuel Macron" dont "le seul dénominateur commun" serait "la peur des urnes".
Le camp présidentiel était divisé sur la question des retraites, et le parti Horizons d'Edouard Philippe s'est chargé de rappeler ses réserves. "Suspendre la réforme des retraites" est "une dangereuse facilité", a mis en garde le chef des députés Paul Christophe.
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