
Sébastien Lecornu (G) et François Bayrou (D) à Matignon le 10 septembre 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )
Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu joue le contraste de styles avec François Bayrou, plaidant pour la "sobriété" face à un prédécesseur volontiers prolixe, ce qui lui permet de ne pas s'avancer sur le fond du compromis qu'il doit bâtir.
A son arrivée mercredi à Matignon, l'ex-ministre des Armées a posé d'emblée les bases de cette approche minimaliste.
"Je ne vais pas faire de grand discours, puisque cette instabilité et la crise politique et parlementaire que nous connaissons commandent à l'humilité, la sobriété", a-t-il dit dans un discours particulièrement bref, deux minutes à peine.
La passation de pouvoirs avait un petit parfum de vengeance devant François Bayrou, qui l'avait doublé à ce poste en décembre, en imposant sa nomination à Emmanuel Macron.
Le leader centriste de 74 ans ne s'est jamais montré tendre à l'égard de son cadet, pas encore quadragénaire, qu'il qualifie en privé de "courtisan" pour sa proximité discrète avec le chef de l'Etat.
Sa courte prise de parole rompt avec l'exercice du pouvoir de son prédécesseur, qui ne rechigne pas aux longues explications pédagogiques sur la dette ou la situation internationale, et apprécie de parler en direct avec les journalistes. Les dernières semaines de François Bayrou à Matignon ont été marquées par de nombreuses interventions dans les médias pour défendre le vote de confiance qui l'a au final fait tomber.
Le centriste dramatisait l'urgence à résorber la dette, un "piège mortel". Sébastien Lecornu assure qu'"il n'y a pas de chemin impossible".
- "Rassurer" -

François Bayrou (G) et Sébastien Lecornu (D) à Matignon le 10 septembre 2025 ( POOL / Ludovic MARIN )
Sans "nier les difficultés", il ne faut "pas jouer sur les peurs", "il faut rassurer les gens et leur donner un message d'espoir", explicite son entourage, dans un contexte de rupture entre l'opinion et les politiques.
Sébastien Lecornu a pointé le "décalage" entre la vie politique et la vie "réelle" des Français, mais aussi entre la politique "intérieure" et la "géopolitique mondiale".
Homme de droite rallié au macronisme en 2017, il a incarné cette prudence et cette discrétion lors de son passage au ministère des Armées depuis 2022. Malgré la guerre qui sévit de nouveau en Europe avec le conflit ukrainien, il est resté très peu disert dans les médias, au point de demeurer un quasi inconnu pour le grand public.
Devra-t-il se faire violence dans ses nouvelles fonctions? "C'est vrai qu'il va devoir s'ouvrir plus", observe un de ses soutiens. Il ne s'exprime que lorsqu'il a "quelque chose à dire", ajoute-t-il.
Avant d'expliquer ses projets aux Français, le chef du gouvernement entend mener de larges concertations.
"Il va falloir changer" en étant "plus créatif, parfois plus technique, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions", a-t-il aussi grincé devant François Bayrou.
Prônant "des ruptures" sur la forme comme sur le fond, le nouveau Premier ministre refuse de s'exprimer sur les objets ou les concessions qu'il pourrait faire afin d'aboutir à un compromis qui lui permettrait de former un gouvernement, conformément à la feuille de route d'Emmanuel Macron.
- "Sortir du bois" -
Sébastien Lecornu a réuni jeudi matin les dirigeants du "socle commun", partis du centre et de droite qui constituent sa coalition naturelle. Il s'est ensuite rendu à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour y rencontrer les présidents des deux chambres, la macroniste Yaël Braun-Pivet et le LR Gérard Larcher.

Yaël Braun-Pivet (G) et Sébastien Lecornu (D) devant le Palais Bourbon le 11 septembre 2025 ( AFP / Bertrand GUAY )
Il a notamment avancé l'idée devant ses interlocuteurs des Républicains (LR) "de se mettre d'accord, outre le budget, sur deux ou trois textes majeurs et forts" qui répondraient aux priorités des uns et des autres.
La tâche s'apparente à l'ascension de l'Himalaya, insistait François Bayrou quand son successeur reste prudent et avance "l'humilité" devant l'équation politique qui paraît insoluble.
Ses soutiens louent ses qualités de "négociateur" comme sur la loi de programmation militaire, mais cette fois il va devoir "sortir du bois sur certains sujets". Travailler avec les socialistes "sans déplaire" à la droite, analyse un proche.
Ainsi Gérard Larcher s'est dit opposé jeudi à la mise en place d'une taxe sur les très hauts patrimoines, alors que pour la gauche c'est "la base de tout accord" de non censure, selon l'eurodéputé Raphaël Glucksmann.
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