Cérémonie de clôture de Paris 2024
par Elizabeth Pineau et Michel Rose
L'épisode olympique qui a vu la France briller aux yeux du monde à peine clos, les incertitudes resurgissent quant à l'avenir politique d'un pays sans gouvernement, deux mois après une dissolution de l'Assemblée nationale dont l'onde de choc perdure.
Relativement discret durant les olympiades, Emmanuel Macron a les clefs de la suite, alors que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, omniprésent dans le public tout au long des Jeux, gère les affaires courantes.
Le retour de la politique ? "Pitié, non", répond à Reuters dans un sourire Christine Frant, venue au Club France fêter les médailles tricolores. "La France va se redécouvrir avec ses problèmes du quotidien. Sans gouvernement. Avec des querelles à l'Assemblée. Alors que là on est dans la joie, le partage. On en avait besoin. On va se réveiller de notre beau rêve."
Cette semaine qui verra le chef de l'Etat remercier les acteurs de la quinzaine olympique puis célébrer le 80e anniversaire du Débarquement en Provence ouvre une première fenêtre pour des annonces présidentielles en surfant sur la réussite de Paris 2024.
"Je ne crois pas en l'effet 'redorage'. Et si Macron tirait trop à lui, ça pourrait lui être reproché", tempère le député Arthur Delaporte, porte-parole du groupe socialiste d'une Assemblée nationale divisée en trois blocs - Nouveau Front populaire, Rassemblement national, Ensemble pour la République - loin de la majorité absolue.
Première étape : nommer un Premier ministre capable de faire les alliances nécessaires à l'adoption de textes, à commencer par le budget 2025.
Une personnalité capable de rassembler "de la droite sociale à la gauche régalienne" pour proposer une "forme d'alternance" synonyme de cohabitation, dit l'entourage présidentiel.
"Il faudra qu'il soit dans le côte à côte, comme lors des Jeux, plutôt que dans le face-à-face", résume la ministre démissionnaire Olivia Grégoire dans La Tribune Dimanche.
Deux semaines s'offrent au chef de l'Etat avant les Jeux paralympiques, programmés du 28 août au 7 septembre.
LUCIE CASTETS "AU TRAVAIL"
En l'absence de signe présidentiel, des noms de figures au profil compatible avec ce cahier des charges circulent, tels le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et l'ancien Premier ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve.
A gauche au Nouveau Front Populaire, coalition ayant le plus grand nombre d'élus au Palais-Bourbon, une inconnue de 37 ans conseillère à la Ville de Paris, Lucie Castets, a été désignée pour entrer à Matignon.
"Nous sommes au travail. Lucie échange avec les Françaises et les Français, elle rencontre les partis, les représentants syndicaux", a dit à Reuters son entourage.
Entre deux déplacements de terrain, l'énarque a donné une interview à Paris Match où elle fait notamment savoir qu'elle est mariée à une femme et mère d'un enfant.
Figure de la "droite sociale", Xavier Bertrand multiplie pour sa part les consultations pour se tenir prêt au cas où.
"Il fait le boulot en étant lucide, qu'il peut être un leurre et que tout peut exploser en plein vol avec la nomination de quelqu'un d'autre", dit la sénatrice Laure Darcos, seule "bertrandiste" au sein du groupe "Les Indépendants" du Sénat.
Pour le député Liot Bertrand Pancher, l'ancien ministre, qu'il voit régulièrement, peut relever le défi.
"C'est une personnalité d'opposition et de proposition, ancrée, dans son territoire où il travaille bien avec la gauche", a-t-il dit à Reuters. "Et Xavier Bertrand a toujours été clair avec le Rassemblement national, qu'il a battu dans les urnes".
"SERVIR DE BÉQUILLE AU MACRONISME"
Autre nom cité : Bernard Cazeneuve. L'ex-locataire de Matignon, farouche opposant à tout rapprochement entre le Parti socialiste et La France insoumise, s'est déclaré sur LCI au début de l'été "prêt à servir".
"Bernard Cazeneuve a quitté le PS et il n'a même pas soutenu [le candidat de la gauche] Raphaël Glucksmann aux européennes", tempère Arthur Delaporte.
Pour Eric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances, Emmanuel Macron fait preuve de déni démocratique en refusant de nommer Lucie Castets à Matignon.
"Un gouvernement qui va vers la droite n'a aucune légitimité ; il sera renversé", prédit-il.
"Est-ce que des Républicains ont envie de servir de béquille au macronisme avec la propulsion d'un candidat pour 2027 qui ne serait pas Wauquiez ?", ajoute-t-il en référence à la rivalité entre Xavier Bertrand et le député Laurent Wauquiez en vue de la prochaine élection présidentielle.
Quel que soit le prochain gouvernement, il devra être en mesure d'échapper à une motion de censure, synonyme de renversement, de la part d'une Assemblée fracturée où une session extraordinaire pourrait s'ouvrir dès septembre.
"Est-ce qu'un gouvernement Bertrand résisterait mieux à la censure qu'un gouvernement Castets ? Non, ce serait la même chose", assure Arthur Delaporte.
Emmanuel Macron, qui aime surprendre et prendre son temps, pourrait sortir de son chapeau un autre scénario.
"Il est tellement insondable, on l'a vu pour la dissolution, que personne ne peut rien affirmer", résume Laure Darcos. "On n'a jamais été dans un tel flou".
(Reportage Elizabeth Pineau avec Michel Rose, édité par Kate Entringer)
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