par Darya Korsunskaya, Andrew Osborn et Mark Trevelyan
Le président russe Vladimir Poutine ne se pliera probablement pas à l'ultimatum du président américain Donald Trump, qui expire ce vendredi, pour mettre fin à la guerre en Ukraine et conservera son objectif de s'emparer de quatre régions du pays, ont déclaré à Reuters des sources proches du Kremlin.
Donald Trump a menacé la semaine dernière la Russie de nouvelles sanctions et d'imposer des droits de douane de 100% aux pays qui achètent son pétrole à moins que Vladimir Poutine n'accepte un cessez-le-feu en Ukraine.
Selon trois sources au fait des discussions au Kremlin, la détermination de Vladimir Poutine à continuer l'offensive en Ukraine est motivée par sa conviction que la Russie est en train de gagner et par son scepticisme quant à l'impact de nouvelles sanctions américaines.
Selon deux des sources, le président russe ne souhaite pas se mettre à dos son homologue américain et est conscient qu'il pourrait laisser passer une chance d'améliorer les relations avec Washington et l'Occident.
Ses objectifs de guerre, le contrôle des régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, sont cependant prioritaires.
Après s'être emparé de ces régions, que la Russie revendique comme siennes, Vladimir Poutine pourrait parler d'un accord de paix, a déclaré l'une des sources.
Les trois cycles de négociations entre l'Ukraine et la Russie représentent une tentative de Moscou de convaincre Donald Trump que Vladimir Poutine ne rejette pas la paix, a déclaré la première source.
La Russie dit réellement souhaiter un accord de paix à long terme dans le cadre des négociations, mais estime que le processus est compliqué en raison des positions très éloignées des deux parties. La semaine dernière, Vladimir Poutine a qualifié les négociations de positives.
Moscou exige notamment un retrait total des forces ukrainiennes des quatre régions réclamées et l'acceptation par Kyiv d'un statut de neutralité et d'une limitation de la taille de son armée. L'Ukraine rejette ces exigences, synonymes selon Kyiv d'une capitulation.
L'envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, devrait se rendre en Russie cette semaine, signe qu'un accord pourrait encore être trouvé avant la date butoir. Sa visite intervient après une escalade de la rhétorique entre Donald Trump et Moscou sur les risques de guerre nucléaire.
Lundi, la Russie a déclaré qu'elle n'était plus liée par un moratoire sur les missiles nucléaires de courte et moyenne portée.
Le Kremlin n'a pas répondu à une demande de commentaire dans le cadre de cette dépêche. Toutes les sources avec lesquelles Reuters s'est entretenu ont parlé sous couvert d'anonymat en raison du caractère sensible de la situation.
Donald Trump, qui par le passé a fait l'éloge de Vladimir Poutine et fait miroiter la possibilité de conclure des accords commerciaux entre les deux pays, a récemment exprimé son impatience croissante à l'égard du président russe.
Le locataire de la Maison blanche s'est notamment plaint de ce qu'il a qualifié de "conneries" de Vladimir Poutine et a qualifié de "dégoûtants" les bombardements russes sur la capitale Kyiv et d'autres villes ukrainiennes.
"Le président Trump veut mettre fin aux massacres, c'est pourquoi il vend des armes fabriquées aux États-Unis aux membres de l'Otan et menace Poutine de droits de douane importants et de sanctions s'il n'accepte pas un cessez-le-feu", a déclaré Anna Kelly, porte-parole de la Maison blanche, en réponse à une demande de commentaire.
POUTINE "S'INQUIÈTE"
La première source a déclaré que Vladimir Poutine était préoccupé en privé par la récente détérioration des liens avec les États-Unis. Selon la source, le président russe conserve l'espoir que la Russie puisse à nouveau se lier d'amitié et commercer avec l'Occident et "s'inquiète" de l'irritation de Donald Trump.
Mais l'avancée des troupes russes en Ukraine constitue un argument pour que Vladimir Poutine considère que le moment ne soit pas venu de mettre fin à la guerre, a déclaré la source.
"Poutine ne peut pas se permettre de mettre fin à la guerre simplement parce que Trump le veut", a déclaré la deuxième source.
Une troisième personne au fait des réflexions du Kremlin a déclaré que la Russie ne voyait pas la logique de s'arrêter alors qu'elle gagne du terrain en Ukraine.
Au cours des trois derniers mois, l'Ukraine a subi certaines des pertes territoriales les plus importantes de l'année 2025. Selon Black Bird Group, un centre d'analyse militaire basé en Finlande, Kyiv a perdu 502 kilomètres carrés de territoire en juillet.
Au total, la Russie occupe environ un cinquième du territoire ukrainien.
Les gains récents de la Russie restent toutefois relativement mineurs en termes purement territoriaux, avec seulement 5.000 kilomètres carrés pris à l'Ukraine depuis le début de l'année dernière - soit moins de 1% de l'ensemble du pays, selon un rapport du Center for Strategic and International Studies, un groupe de réflexion basé à Washington.
"IL A DÉJÀ PROFÉRÉ DES MENACES"
La menace de Donald Trump d'imposer des sanctions était "douloureuse et désagréable", mais ne constitue pas une catastrophe, a relevé une source.
Une autre estime qu'il n'est pas certain que Donald Trump donne suite à son ultimatum, soulignant qu'"il a déjà proféré des menaces" et n'a pas agi ou a changé d'avis.
Celle-ci a également déclaré qu'il était difficile d'imaginer que la Chine cesserait d'acheter du pétrole russe, et que les actions de Donald Trump risquaient de se retourner contre lui en faisant grimper les prix du pétrole.
La capacité de la Russie à faire la guerre n'a par ailleurs pas été entravée par les précédentes sanctions occidentales, notamment grâce aux munitions fournies par la Corée du Nord et aux importations de composants à double usage en provenance de Chine.
Le Kremlin a déclaré à plusieurs reprises que la Russie jouissait d'une certaine "immunité" face aux sanctions.
Le président américain a reconnu l'habileté de la Russie à contourner les mesures. "Ce sont des personnages rusés et ils sont plutôt doués pour éviter les sanctions, alors nous verrons ce qui se passera", a-t-il déclaré à la presse le week-end dernier, interrogé sur sa réponse face à un refus de la Russie concernant un cessez-le-feu.
(Reportage Darya Korsunskaya et Andrew Osborn ; avec Nandita Bose ; rédigé par Mark Trevelyan ; version française Etienne Breban ; édité par Blandine Hénault)
4 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer