Le Premier ministre français Michel Barnier
Près de deux semaines après sa nomination à Matignon, Michel Barnier s'efforce toujours de composer son gouvernement sous une pression accrue par la présentation prochaine du budget pour 2025 alors que les rumeurs de projets de hausses d'impôts créent l'émoi dans le camp macroniste.
Plusieurs médias, dont Le Parisien et BFMTV, ont rapporté mardi en citant des interlocuteurs du Premier ministre, dont le ministre de l'Intérieur sortant, Gérald Darmanin, que Michel Barnier leur avait dit qu'il allait "devoir augmenter les impôts", même à contrecoeur.
Une mesure que le camp présidentiel a toujours jusqu'ici rejetée en dépit de la nette dégradation des finances publiques.
"Il est hors de question que nous rentrions dans un gouvernement ou que nous soutenions un gouvernement qui augmente les impôts", a prévenu mercredi Gérald Darmanin sur France 2, accentuant la pression sur Michel Barnier.
Une réunion prévue dans la matinée à Matignon entre le Premier ministre et le groupe Ensemble pour la République (EPR) a finalement été décalée.
Sans évoquer directement les arbitrages budgétaires à venir, Michel Barnier a jugé mercredi que la situation budgétaire du pays était "très grave".
"J’ai demandé tous les éléments pour en apprécier l’exacte réalité", a-t-il dit dans une déclaration transmise par Matignon.
"Je suis très concentré sur la constitution prochaine d’un gouvernement d’équilibre (...) Mon objectif est de retrouver le chemin de la croissance et de faire progresser le niveau de vie des Français, alors que nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte".
Michel Barnier a dit vouloir constituer son gouvernement dans la semaine.
"Avant de penser à augmenter le moindre impôt, il y a mille pistes de baisse des dépenses", a argué mercredi sur X le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, évoquant également "mille pistes pour augmenter les recettes".
"Sans imagination et sans courage, Michel Barnier risque de vite se retrouver sans gouvernement", écrit le responsable d'extrême-droite dont la formation n'a pas exclu de censurer le prochain exécutif.
Au gauche de l'échiquier politique, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a dénoncé aussi sur X une "paupérisation de l'Etat (...) pour une très large part liée aux choix fiscaux des gouvernements Macron successifs".
"Oui il faut taxer les très gros patrimoines, grandes fortunes et super profits", a-t-il ajouté, faisant écho au programme économique du Nouveau Front populaire (NFP).
"LEVER LE TABOU"
Peu enclin aux commentaires politiques, le gouverneur de la Banque de France Villeroy de Galhau est sorti de sa réserve dans un entretien mardi au Parisien, appelant à "lever le tabou sur les hausses d’impôts".
"Un effort exceptionnel et raisonnable sur certaines grandes entreprises et certains gros contribuables ne doit pas être exclu, tant qu’on n’est pas revenu sous 3% de déficit", a-t-il jugé.
Le gouvernement sortant s'est fixé pour objectif de revenir sous le seuil de 3% du PIB - conforme aux traités européens - d'ici 2027 mais cet objectif n'est "pas réaliste" a jugé France Villeroy de Galhau.
Un avis partagé par le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici. "La France aurait sûrement besoin de plus de temps pour passer en dessous de 3%", a-t-il dit mercredi lors d'une audition à l'Assemblée nationale.
"Je ne crois pas que nous disposons de grandes marges de manoeuvre pour augmenter les impôts", a-t-il ajouté.
Sous l'effet de recettes fiscales plus faibles que prévu et de la hausse des dépenses des collectivités territoriales, le déficit budgétaire pourrait atteindre 5,6% du PIB cette année, au lieu des 5,1% espérés, et 6,2% en 2025 si rien n'est fait pour enrayer cette tendance, selon les dernières estimations fournies par le ministre démissionnaire de l'Economie Bruno Le Maire.
Avec la dissolution de l'Assemblée nationale et la démission du gouvernement Attal, l'élaboration du projet de loi de finances pour 2025 a pris du retard. Initialement fixé au 1er octobre, l'examen du projet de loi au Parlement pourrait intervenir le 9 octobre.
Les lettres plafonds, qui fixent les crédits alloués à chaque ministère pour l'année suivante, ont été communiquées en août aux cabinets mais pas à la commission des finances de l'Assemblée nationale, en dépit des appels répétés de son président Eric Coquerel qui ne décolère pas.
(Rédigé par Blandine Hénault, avec Michel Rose et Leigh Thomas, édité par Nicolas Delame)
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