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L'envolée des taux britanniques ne reflète pas le scénario de la crise du "mini-budget"
information fournie par Reuters 15/06/2023 à 16:32

La Première ministre britannique Elizabeth Truss annonce sa démission devant le 10 Downing Street, Londres

La Première ministre britannique Elizabeth Truss annonce sa démission devant le 10 Downing Street, Londres

par Yoruk Bahceli et David Milliken

LONDRES (Reuters) - Les obligations d'Etat britannique affichent leur plus fort déclin depuis la crise du "mini-budget" de l'automne 2022, portant le rendement à deux ans à son plus haut niveau depuis juillet 2008 - mais les investisseurs affirment qu'il y a moins de raisons de paniquer que l'année dernière, cette baisse pouvant même représenter une bonne affaire. Le rendement des Gilts à deux ans a atteint un pic d'un peu plus de 4,9% mercredi, après avoir dépassé la veille le précédent record de 4,76% atteint en septembre 2022.

L'augmentation rapide des rendements n’est pas sans conséquence : les banques ont augmenté leurs taux hypothécaires ces derniers jours, et le parti travailliste, dans l'opposition, a déclaré que l’augmentation du coût de la dette pourrait le forcer à limiter ses projets d'investissements verts s'il accédait au pouvoir l'année prochaine.

Mais si le marché des Gilts refait parler de lui, après les turbulences de l’automne dernier qui avaient déstabilisé les fonds de pension, forcé la Banque d’Angleterre (BoE) à intervenir et fini par coûter son poste à la Première ministre Liz Truss, les investisseurs estiment que la situation actuelle est différente. Les évolutions journalières restent contenues, et affectent essentiellement les obligations à maturité courte que le contexte de hausse de taux et d’incertitudes sur l’inflation avaient déjà rendues plus volatiles.

A l’inverse, les mouvements de septembre et d'octobre étaient plus violents et concentrés sur les titres à plus long terme, dont l’effondrement des valorisations a pris de court certains détenteurs, dont les fonds de pension. "Le cercle vicieux lié aux fonds de pension ne s’est pas déclenché en 2023", explique Jim Leaviss, directeur des investissements obligataires chez le gestionnaire de fonds M&G.

"Cette baisse de valorisations n'est pas si importante que cela, et moins liée à des questions de stabilité budgétaire qu'à l'environnement des taux d'intérêt et d'inflation", a-t-il ajouté. La publication, mardi, de données sur les hausses de salaires ont déclenché des ventes de Gilts, les titres à court terme enregistrant leur plus forte baisse en un jour depuis octobre.

Cette donnée s’est ajoutée à une série d’autres indicateurs qui montrent que les pressions inflationnistes demeurent persistantes au Royaume-Uni, malgré une faible croissance économique, ce qui a incité les marchés à revoir à la hausse leurs anticipations de taux de la BoE.

Les marchés estiment désormais que les taux de la BoE pourront atteindre 6% au début de l'année prochaine, contre 4,5% à 5,5% avant la publication des données de mardi, ce qui a fait baisser le prix des Gilts à court terme sensibles aux taux d'intérêt anticipés pour la BoE. Le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey, s'exprimant devant une commission parlementaire mardi, a reconnu que la baisse de l'inflation avait été plus lente que prévu par la banque centrale et que les dernières données sur le marché du travail étaient "très solides".

L'inflation des prix à la consommation au Royaume-Uni était de 8,7% en avril, le taux le plus élevé des principales économies avancées à égalité avec l'Italie, et la BoE ne s’attend pas à voir l’inflation retomber à 2% avant début 2025.

LES GILTS SONT-ILS BON MARCHÉ ? Pour certains investisseurs, les Gilts sont de plus en plus attractifs, car un taux directeur à 6% apparaît irréaliste. "Nous étions négatifs sur les Gilts comparé à d’autres marchés sur les 18 derniers mois (...) mais leur baisse commence à sembler exagérée, et nous avons revu notre positionnement à la hausse cette semaine", détaille Mike Riddell, gestionnaire de portefeuille obligataire chez Allianz Global Investors. Le rendement des Gilts à deux ans a augmenté de 110 points de base (pdb) cette année, contre une hausse de 30 pdb pour le rendement allemand à deux ans et de 20 pdb pour le taux des bons du Trésor américain de même échéance. Une augmentation des taux d'intérêt à 6% "détruirait la demande" dans l'ensemble de l'économie, estime Mike Ridell. Alors que les marchés tablent sur une inflation britannique à environ 3% à moyen terme, Mike Riddell explique qu'une partie de ce chiffre représente le coût de la protection contre l'inflation, suggérant que les marchés parient sur une inflation autour de 2,5%. "Par rapport à d'autres marchés, les valorisations suggèrent que le marché des Gilts est en difficulté, mais il n'y a pas de problèmes tangibles cette fois-ci", a ajouté Mike Riddell.

PIMCO, l'un des plus grands gestionnaires d'actifs au monde, a également déclaré lundi que les Gilts pouvait avoir de la valeur et indiqué avoir surpondéré l’actif dans certains fonds.

Le rendement des Gilts à dix ans offre désormais un taux d'intérêt supérieur de près de deux points de pourcentage à celui de l'obligation d'Etat allemande équivalente, la surprime la plus importante depuis 1997 si l'on exclut les turbulences de l’automne dernier. Même si l'inflation s'atténue plus rapidement que ne le prévoient les marchés, le marché obligataire demeure confronté à des vents contraires. Les perspectives de hausses de taux d’intérêt n’expliquent que la moitié de la sous-performance des Gilts par rapport aux titres souverains américains et de la zone euro, l’autre partie de la sous-performance étant due à d’autres facteurs, comme des émissions de dette plus importantes, selon Moyeen Islam, stratège obligataire chez Barclays.

Les émissions brutes du gouvernement britannique sont en baisse par rapport aux records de la pandémie, mais demeurent considérables puisqu'elles devraient atteindre 238 milliards de livres (277,51 milliards d'euros) pour l'année fiscale en cours.

En parallèle, la BoE est devenue vendeuse de Gilts : elle cède environ 10 milliards de livres de titres chaque trimestre et ne réinvestit pas le produit d'un volume similaire de Gilts arrivant à échéance chaque trimestre.

"Les marchés commencent à intégrer la surabondance d’offre qui, ajouté à la hausse des rendements, met les marchés sous pression", résume Moyeen Islam.

(Reportage Naomi Rovnick, Dhara Ranasinghe; rédaction David Milliken; version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)

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