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Journée des droits de la femme : comment le sujet de l’émancipation féminine s’est imposé dans les pages du
information fournie par Le Figaro 08/03/2025 à 07:00

- Dans les années 60 à 80, une journaliste de la rédaction, Janine Frossard, a porté haut le combat pour les droits des femmes et l’égalité salariale.

Une rubrique consacrée aux femmes qui ne parle pas cuisine et beauté? Le défi était de taille dans un journal réputé conservateur. En décembre 1977, la journaliste Janine Frossard lançait dans les pages du Figaro «C’est l’avis des femmes». Un espace dédié aux préoccupations des lectrices, d’ordre moral, professionnel, social ou juridique. La même année, le 8 mars avait été officialisé par les Nations Unies Journée internationale des droits des femmes . Une initiative souvent moquée. « Toutes tendances politiques confondues, dès que les femmes se mobilisent, elles provoquent les plus vives critiques, quand ce ne sont pas les vociférations et la fureur , remarquait Janine Frossard. Fatalité ? Non. Ignorance. Il est difficile d‘admettre que les femmes n‘aient pas encore obtenu l‘égalité de traitement avec les hommes, alors que l‘égalité tout court leur a été accordée dans la plupart des textes législatifs ou réglementaires. C‘est pourtant un fait. »

Les causes des femmes

Janine Frossard était entrée au Figaro en 1962 quelques mois après son frère aîné, André Frossard , fameux billettiste qui offrira aux lecteurs son «Cavalier seul» en une du journal pendant encore plus de trente ans. Pour Janine, qui comme André avait longtemps travaillé à L’Aurore , point de piquant billet d’humeur mais des articles sérieux, documentés, équilibrés, jamais provocants, pour faire avancer une cause: les droits des femmes et plus particulièrement leur émancipation par le travail, leur droit à la promotion et à l’égalité salariale. L’affaire était jusqu’ici dans les mains des hommes, des grands reporters comme Pierre Scize ou James de Coquet qui avaient consacré dans les années 50 de longues enquêtes un brin paternaliste sur les nouvelles aspirations de la gent féminine.

Dès 1965, la réforme du régime matrimonial qui instaure plus d’égalité au sein du couple et permet à l’épouse d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari, la jette dans le bain. La journaliste très impliquée ne manque jamais de relayer dans les années suivantes chaque étude, colloque, réforme concernant les femmes, partout à travers le monde. Le temps partiel, arnaque ou bonne idée? Quid de l’égalité salariale quand le salaire des femmes cadres est inférieur de près de 40% à celui des hommes. Que pensent les femmes patrons de l’évolution de l’entreprise, des progrès techniques? Les femmes doivent-elles s’emparer des nouvelles technologies? Mais le sort des femmes divorcées abandonnées sans revenus n’est pas oublié, ni celui des veuves en difficulté, des femmes au foyer discriminées, des mères célibataires, des femmes battues .

Dans les coulisses du MLF

Janine Frossard « était de la première ère du féminisme », explique au Figaro sa nièce, Isabelle Pallot-Frossard, conservateur général honoraire du patrimoine et présidente de la Fondation des Sciences du Patrimoine. Pour les lecteurs du Figaro , la journaliste explore un terrain inconnu: les coulisses du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) dont l’activisme dérange l’ordre établi. « M.L.F... Le signe claque comme un drapeau , écrit-elle dans une longue enquête le 17 décembre 1973. Mais il fait plus de bruit. À la limite, il provoque la peur, ou l‘irritation. Ayant acquis la notoriété, le Mouvement de la Libération des Femmes n‘a pas encore conquis les esprits. Mais il est là, comme une lampe qui s‘allume au moment où on s‘y attend le moins, résolument planté en travers du sentier où chemine, de plus en plus contesté, de plus en plus menacé par l‘évolution des mœurs, le cortège des idées reçues, des conventions et des traditions. » Et de détailler dans un article fouillé les différentes branches du mouvement, ses dissensions, ses excès comme ses succès.

Seul absent de ses lignes, le débat sur l’avortement , autorisé par la loi Veil en 1975, auquel elle ne prend jamais part dans les pages du journal, certainement par conviction personnelle, elle qui s’était à la suite de son frère convertie au catholicisme après avoir grandi dans une famille athée auprès d’un père, Ludovic-Oscar Frossard, co-fondateur du Parti communiste français.

Donner la parole aux lectrices

Janine Frossard ne va pas sans se heurter à la direction du journal qui veut à plusieurs reprises interrompre ses contributions, souligne Isabelle Pallot-Frossard. Après 1975, proclamée Année internationale de la femme par les Nations Unies, elle tente d’ouvrir les pages du journal à ses lectrices avec la rubrique «Entre nous qu’avez-vous à dire?». L’essai est de courte durée. Il est relancé en 1977 avec «C’est l’avis des femmes». « Merci de nous sortir du ghetto de la presse féminine spécialisée », lui répond une lectrice enthousiaste. À une lettre anonyme qui suggère de la mettre sous surveillance policière, elle répond bravement: « À la prochaine rubrique, je risque d‘être en route pour Fleury-Mérogis. Dépêchez-vous donc de m‘écrire. »

L’expérience se termine toutefois en 1979. Mais Janine Frossard, également fondatrice de la revue Femmes patrons , continue de suivre au Figaro , jusqu’à sa retraite en 1987, la grande marche des femmes. À André Malraux qui s’était exclamé dans Le Point en 1975 : « Dès que vous vous installez sur le piédestal de l‘Éternel féminin, nous marchons tous comme un seul homme », elle répondait: « Plutôt que de faire marcher les hommes, les femmes préfèrent aujourd‘hui marcher elles-mêmes. Comme si, à force d‘avoir entendu vanter, sur tous les tons, depuis des siècles, le mystère féminin, elles avaient eu envie, tout à coup, de l‘élucider et de partir à la recherche de leur identité. On ne les arrêtera pas de sitôt. »

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