
Salle de réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, le 26 septembre 2024 à New York ( POOL / Leon Neal )
Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné son feu vert mardi à la transformation de la mission multinationale de soutien à la police haïtienne en une force antigang plus robuste pour tenter d'endiguer la violence qui ravage le pays.
"Il s'agit là d'un tournant décisif dans la lutte que mon pays mène contre l'un des défis les plus graves de son histoire déjà mouvementée", a salué l'ambassadeur haïtien à l'ONU Pierre Ericq Pierre, notant que la mission en cours avait été dépassée par "l'ampleur et la sophistication de la menace".
L'adoption de cette résolution, préparée par les Etats-Unis et Panama, "offre de l'espoir, un espoir qui disparaissait rapidement face aux gangs terroristes qui étendent leur territoire, violent, pillent, tuent et terrorisent la population haïtienne", s'est également félicité l'ambassadeur américain Mike Waltz.
Pour essayer d'enrayer les exactions des gangs qui contrôlent la quasi-totalité de la capitale Port-au-Prince, le Conseil avait approuvé en 2023 la création de la Mission multinationale de sécurité (MMAS), menée par le Kenya, pour aider la police haïtienne dépassée.
Mais sous-équipée, sous-financée, et avec seulement un millier de policiers sur les 2.500 espérés, ses résultats sont plus que mitigés.
"Chaque jour, des vies innocentes s'éteignent sous les balles, le feu, la peur. Des quartiers entiers disparaissent, forçant plus d'un million de personnes à l'exil intérieur", a ainsi décrit le président du Conseil présidentiel de transition haïtien Laurent Saint-Cyr la semaine dernière.
"Voilà le visage d'Haïti aujourd'hui, un pays en guerre, un Guernica contemporain, une tragédie humaine aux portes de l'Amérique!", s'est-il exclamé.
La résolution adoptée mardi à New York par 12 voix pour et 3 abstentions (Chine, Russie, Pakistan) prévoit la "transition" de la MMAS vers cette nouvelle mission pour une durée initiale d'un an.
La nouvelle force, qui n'est pas une mission de maintien de la paix de l'ONU, pourra compter un maximum de 5.500 personnels en uniforme, des policiers mais aussi des militaires, contrairement à la MMAS.
- "A la hâte" -
Elle sera accompagnée par la création d'un "bureau de soutien de l'ONU", suggéré il y a plusieurs mois par le secrétaire général Antonio Guterres.
"Avec l'aide des Nations unies fournissant le soutien logistique et administratif nécessaire pour une force plus forte, plus robuste sur le terrain, le Conseil peut aider à rétablir la paix dans une nation aujourd'hui asphyxiée par des gangs sans pitié", a commenté juste avant le vote l'ambassadeur du Panama Eloy Alfaro de Alba, lisant devant la presse une déclaration au nom de 50 pays.
Le président kenyan William Ruto, dont le pays dirige la mission actuelle, avait lui aussi plaidé pour une force renforcée.
"Je peux assurer à tous les partenaires et acteurs qu'avec le personnel et les ressources adéquates, l'équipement et la logistique nécessaires, la sécurité d'Haïti peut être rétablie", a-t-il affirmé la semaine dernière.
"J'attends avec impatience la participation du Kenya à la transition (...). Le Kenya ne quittera pas Haïti à la hâte", a-t-il indiqué.
La Chine, qui s'était déjà montrée sceptique en 2023 sur la création de la MMAS sans transition politique en Haïti, a en revanche clairement exprimé ses doutes sur la nouvelle mission.
"Il est peu probable qu'avoir recours à la force militaire pour combattre la violence par la violence en ce moment permettre un succès, cela pourrait même compliquer la situation déjà insoluble", a insisté l'ambassadeur chinois Fu Cong.
Il a également dénoncé une nouvelle mission préparée "à la hâte" sans tirer "les leçons du passé" ni répondre à des "ambiguïtés" majeures sur la composition de la force ou les règles d'engagement.
Pays le plus pauvre des Amériques, Haïti subit depuis longtemps la violence des bandes criminelles, qui commettent meurtres, viols, pillages et enlèvements, dans un contexte d'instabilité politique chronique.
La situation s'est encore largement détériorée depuis le début de l'année 2024, lorsque les gangs ont poussé le Premier ministre de l'époque Ariel Henry à la démission. Le pays, qui n'a pas connu d'élections depuis 2016, est depuis dirigé par un Conseil présidentiel de transition.
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