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Grippe aviaire : comment et pourquoi la France va vacciner 60 millions de canards
information fournie par Boursorama avec Media Services 02/10/2023 à 13:02

L'Hexagone commence, lundi, à vacciner ses canetons contre cette maladie virale, qui a conduit à l'euthanasie de dizaines de millions de volailles ces dernières années. Une première en Europe. Les canards sains vaccinés à proximité d'un foyer de grippe aviaire ne seront plus abattus et les éleveurs n'ayant pas vacciné leurs canards ne seront plus indemnisés en cas d'abattage sanitaire. Vétérinaires, éleveurs et techniciens sont sur le pont.

La France commence ce lundi à vacciner les canards des élevages de plus de 250 animaux contre la grippe aviaire.  ( AFP / LIONEL BONAVENTURE )

La France commence ce lundi à vacciner les canards des élevages de plus de 250 animaux contre la grippe aviaire. ( AFP / LIONEL BONAVENTURE )

Face à la répétition des crises d'influenza aviaire, la France a décidé de rendre obligatoire la vaccination préventive dans les élevages de plus de 250 canards (hors reproducteurs) à partir du 1er octobre. Ces palmipèdes, élevés pour le foie gras ou la viande, sont ciblés car très sensibles au virus. Ils l'excrètent dans l'environnement avant même de présenter des symptômes, ce qui favorise la propagation.

La grippe aviaire sévit en Amérique, en Europe, en Asie et en Afrique. Elle a touché la France de 2015 à 2017, puis quasiment en continu depuis fin 2020. Le pays a euthanasié des dizaines de millions de volailles ces dernières années. Les pertes économiques se chiffrent en milliards d'euros. Aucun foyer n'a été recensé dans les élevages français depuis juillet. Mais des cas ont été repérés chez des goélands et des fous de Bassan en Bretagne et dans le nord.

Actuellement, quand un cas se déclare, les volailles sont abattues, des euthanasies préventives sont décidées dans les élevages à proximité, la production est durablement perturbée et les pertes économiques s'accumulent. C'est ce cycle que le gouvernement espère enrayer avec le vaccin.

Deux injections à 10 et 28 jours pour les canetons

Le programme cible les exploitations de plus de 250 canards de France métropolitaine (hors Corse), qu'ils soient élevés pour le foie gras, le magret et le confit (canards mulards), ou pour être vendus sous forme de filet et ou d'aiguillettes (canards de Barbarie principalement en France). La profession estime qu'il faudra vacciner une soixantaine de millions de canards d'ici à l'été prochain. À raison de deux doses par palmipède, la première commande de 80 millions de vaccins au laboratoire allemand Boehringer Ingelheim ne suffira pas. Paris devra donc lancer un autre appel d'offres.

La vaccination concerne des canetons récemment arrivés dans les élevages. L'injection se fait au 10e, puis 28e jour de vie du palmipède. "L'immunité commence à s'installer à partir de la première vaccination. Elle est pleine et entière un mois après la deuxième administration", soit en décembre pour les premiers vaccinés, explique Jocelyn Marguerie, vétérinaire dans les Deux-Sèvres et président de la commission aviaire de SNGTV, l'association de vétérinaires pratiquant en élevage.

"Pas d'effet secondaire"

Les vétérinaires superviseront la vaccination (commandes, traçabilité...) mais effectueront rarement l'injection. Cette tâche incombera à l'éleveur, ses salariés éventuels, et des techniciens de sociétés prestataires de services. "Les éleveurs ont généralement l'habitude" du geste, car ils vaccinent déjà leurs canards contre d'autres affections, relève Jocelyn Marguerie.

Le produit de Boehringer Ingelheim, qui se conserve au réfrigérateur, est injecté sous la peau, à la base du cou entre les ailes , explique encore le vétérinaire. Il n'y a "pas d'effet secondaire" pour ce vaccin qui "a déjà fait ses preuves ailleurs", en Asie et au Moyen-Orient, où il est surtout administré aux poules. Une surveillance post-vaccinale est prévue pour s'assurer que la grippe aviaire ne circule pas à bas bruit. "On va passer tous les 30 jours dans les élevages de canards pour faire des prélèvements afin de vérifier que le virus n'est pas rentré dans le bâtiment", précise Jocelyn Marguerie.

Les canards sains vaccinés ne seront plus abattus

En principe, la vaccination présentera un avantage "énorme", explique Marie-Pierre Pé, directrice de l'interprofession du foie gras Cifog. Si un foyer de grippe aviaire est découvert, les canards vaccinés encore sains à proximité ne devront plus être euthanasiés. "Nous espérons pouvoir retrouver des conditions de sérénité pour produire", résume-t-elle. La vaccination représente "une réelle lueur d'espoir qui doit permettre de sortir de l'ornière sanitaire dans laquelle notre filière se trouve", salue aussi le président du Cifog, Éric Dumas. Lui-même éleveur de canards, il recevait lundi matin le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, dans son exploitation des Landes, où de premiers canetons devaient être vaccinés. La campagne de vaccination "a pour objectif de protéger tous les élevages d'oiseaux et devrait mettre fin aux abattages préventifs d'animaux, que personne ne veut plus vivre", souligne le Cifog. "La pression du virus reste forte mais la vaccination devrait permettre de rester sur des cas ponctuels et d'éviter le raz de marée" dans les élevages, espère Jocelyn Marguerie.

"On est en ordre de marche", assure Marie-Pierre Pé. Les professionnels du foie gras craignent toutefois de manquer de bras. Pour son homologue de l'interprofession de la volaille Anvol (qui comprend les canards maigres), Yann Nédélec, "on est au démarrage d'une aventure nouvelle". Alors forcément, "on va essuyer les plâtres".

Les éleveurs dubitatifs

"Il aurait fallu vacciner dès juin" pour se prémunir au maximum, regrette de son côté une éleveuse du sud des Landes. Favorable au vaccin, elle préfère rester anonyme, car des clients "appellent pour dire qu'ils ne veulent pas de canard vacciné". Dans le même département, Thierry Dezès va vacciner ses 5.000 canetons à partir du 5 octobre. "Ma véto référente va venir une fois nous montrer et après, normalement, je devrais me débrouiller tout seul" pour les piqûres, avec l'aide de prestataires qui attraperont les petits palmipèdes.

"J'ai été concerné quatre fois par des abattages depuis 2016. J'espère qu'on va retrouver quelque chose d'indemne. Il faut que ça marche !" Un autre éleveur, Frédéric Pitoux, avec moins de canards à foie gras à vendre, s'est séparé de son salarié et a trouvé un travail en complément, à l'extérieur de sa ferme dans le Gers. "Je ne m'en sortais plus", confie-t-il. Il reste perplexe à l'égard de la vaccination : "Il faudra voir comment c'est mis en oeuvre et comment ce sera géré si un cas apparaît."

Conséquences sur les exportations

Autre crainte : le recul des exportations. La France est le seul pays d'Europe à vacciner des animaux d'élevage contre la grippe aviaire, une démarche qui va lui fermer des marchés à l'export. Le Japon, auparavant le premier marché du foie gras français hors UE, a déjà fait savoir qu'il suspendra les importations de produits avicoles français. La vaccination est un motif de défiance pour certains pays, qui redoutent que le virus circule à bas bruit dans les élevages. La filière du foie gras "affiche clairement sa volonté : vacciner ET exporter. Son engagement en première ligne dans la lutte contre l'influenza aviaire ne doit en effet pas lui fermer les frontières de certains pays importateurs", enjoint le Cifog.

Le coût de cette campagne est estimé à près de 100 millions d'euros pour 2023-24 , pris en charge à 85% par l'État et 15% par les filières de production. Par comparaison, la crise de 2021-22 avait coûté au moins 650 millions d'euros aux finances publiques, notamment pour indemniser les éleveurs dont les animaux ont été euthanasiés. La somme n'est pas connue pour 2022-23. Les éleveurs n'ayant pas vacciné leurs canards ne seront pas indemnisés en cas d'abattage sanitaire.

2 commentaires

  • 02 octobre 13:17

    Pourquo??
    pour retrouver la joie de manger des fritons...


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