La piste de garanties de sécurité pour l'Ukraine s'inspirant de l'article 5 de défense mutuelle de l'Otan, évoquée par Washington, doit être discutée lundi entre le président américain Donald Trump, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et des dirigeants européens. Mais leur contenu et leur mise en oeuvre restent sujets à caution.

Un tank Leopard 2A4 de la 33e brigade mécanisée, en Ukraine, le 30 avril 2025 ( AFP / GENYA SAVILOV )
Quelles sont les garanties évoquées?
Lors de la rencontre en Alaska (États-Unis) entre les présidents américain et russe, "nous avons pu obtenir la concession suivante: que les États-Unis puissent offrir une protection similaire à l'article 5, ce qui est l'une des véritables raisons pour lesquelles l'Ukraine souhaite adhérer à l'Otan", s'est félicité dimanche l'émissaire américain pour l'Ukraine, Steve Witkoff.
Selon le président français Emmanuel Macron, les Européens, qui doivent rencontrer M. Trump lundi à Washington, vont lui demander "jusqu'à quel point" il se joindra aux garanties de sécurité offertes à Kiev.
Qu'est-ce que l'article 5?
Épine dorsale de l'Otan, l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord stipule que toute attaque contre un des pays membres de l'alliance est considérée comme une attaque contre tous. Chaque État doit prendre "aussitôt (...) telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée".
Il n'y a donc pas d'automaticité de l'engagement militaire direct. La réponse peut par exemple prendre la forme d'un soutien logistique ou de la fourniture de matériel militaire.
A quoi pourraient ressembler ces garanties?
Le plus grand flou demeure à ce sujet, entre improbable promesse d'engagement militaire direct en cas de reprise des hostilités par la Russie et simple soutien matériel et financier au profit de Kiev - que les Occidentaux apportent déjà depuis l'invasion russe de l'Ukraine en 2022.
La "Coalition des volontaires" d'une trentaine de pays, principalement européens, emmenés par Paris et Londres, se dit prête à soutenir l'Ukraine pour prévenir une reprise des hostilités.
Des travaux de planification militaire ont été conduits depuis février. Selon plusieurs sources proches du dossier, ils prévoient le soutien à la régénération de l'armée ukrainienne, présentée comme la première des garanties de sécurité du pays. Ils incluent également des moyens aériens pour protéger le ciel ukrainien et le trafic en mer Noire.
Enfin, un déploiement terrestre en Ukraine de "quelques milliers d'hommes" est envisagé, selon Emmanuel Macron.

Carte de l'Ukraine indiquant les territoires revendiqués par la Russie dans le pays (Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson) et en Crimée (annexée en 2014), ainsi que l'avancée des troupes russes, selon les données de l'Institute for the Study of War and AEI's Critical Threats Project au 17 août 2025 ( AFP / Guillermo RIVAS PACHECO )
"Ces forces-là n'ont pas vocation à tenir une ligne de front ni à être engagées sur un conflit chaud, mais à signer une solidarité d'un point de vue stratégique", a-t-il expliqué dimanche.
Chercheuse à la fondation Carnegie Europe, Rym Momtaz appelle toutefois à "ne pas surestimer l'unité européenne" autour de ce plan.
La France, le Royaume-Uni ou encore les pays baltes ont manifesté leur disponibilité ces derniers mois. Mais "ceux qui ont les gros bataillons au sol en Europe ne veulent pas y aller, Varsovie et Berlin pour l'instant disent non", observe le chercheur indépendant Stéphane Audrand.
Nombre de pays européens exigent l'existence d'un "filet de sécurité" ("backstop") américain comme condition à tout engagement de leur part.
Hormis les Français, "il n'y a pas grand monde au sein de l'Alliance (atlantique) qui sait penser une action militaire sans les Américains, même pas les Britanniques", justifie M. Audrand.
Pour quelle efficacité?
Les garanties de sécurité sont présentées comme un moyen d'empêcher une reprise du conflit. Les accords de Minsk conclus entre l'Ukraine et la Russie en 2014 et 2015 en étaient dépourvus.
Mais leur existence n'offre pas de certitude: la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni s'étaient formellement engagés à Budapest en 1994 à respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine, en échange de son renoncement à l'arme nucléaire. Ca n'a "pas marché", n'a pas manqué de rappeler Volodymyr Zelensky en arrivant à Washington.
"Garantir la sécurité d'un pays signifie, à la fin des fins, une seule et unique chose: être prêt à se battre le cas échéant pour le sauver", selon Stéphane Audrand. "Et c'est ce qui coince pour les Européens".
Pour le spécialiste de la Russie Dimitri Minic, "Moscou n'acceptera aucune garantie de sécurité solide pour l'Ukraine", que "Washington n'est de toute façon pas prêt à donner".
Au bout du compte, "il n'y a pas de garantie crédible pour la sécurité de l'Ukraine en dehors de l'Otan", estime sur X Janis Kluge, chercheur au centre allemand SWP. Et de prévenir: "Poutine n'acceptera jamais aucune issue à la guerre qui laisse l'Ukraine libre et fonctionnelle. (...) Si Poutine semble accepter cela, c'est un piège".
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