par Elizabeth Howcroft
Inquiets, les entrepreneurs français du secteur des cryptomonnaies renforcent leurs mesures de sécurité alors qu'une série de tentatives d'extorsion et d'enlèvement ciblent les acteurs ayant fait fortune dans le domaine.
"Travailler dans l'écosystème des cryptomonnaies, c'est comme avoir une cible dans le dos", témoigne auprès de Reuters Alexandre Aimonino, cofondateur d'une entreprise spécialisée dans la réglementation financière et la veille réglementaire pour les sociétés du secteur des cryptomonnaies.
Agé de 23 ans, il explique éviter les transports en commun et les réunions organisées par l'écosystème tout en variant ses trajets quotidiens pour assurer sa sécurité.
Le contexte est lourd : mardi, la fille de Pierre Noizat, dirigeant du spécialiste de l'échange de cryptomonnaies Paymium, a échappé de peu à une violente tentative d'enlèvement en plein jour dans une rue fréquentée de Paris. Les images de la scène, filmée par des passants, ont fait le tour du monde.
Il s'agit de la troisième attaque de ce type en quelques mois.
Début janvier, le cofondateur du spécialiste de la conservation des cryptomonnaies Ledger, David Balland, a été enlevé à son domicile dans le Cher et séquestré pendant plus de 24 heures avant d'être libéré par les forces de l'ordre.
Début mai, le père d'un autre dirigeant d'une entreprise de cryptomonnaies est enlevé à son tour à Paris. Dans les deux cas, une rançon a été réclamée et les victimes ont eu un doigt sectionné.
Les enquêteurs laissent filtrer peu d'informations concernant ces enlèvements. Les autorités ont indiqué que 10 personnes avaient été arrêtées pour celui de mai, dont trois ont été relâchées plus tard, et sept pour celui de janvier.
Concernant la tentative d'enlèvement à Paris mardi, le parquet de Paris a fait savoir que la Brigade de répression du banditisme (BRB) de la police judiciaire parisienne était chargée de l'enquête, sans donner plus de détails.
La hausse rapide de la valeur du bitcoin BTC= et d'autres cryptomonnaies a permis à plusieurs entrepreneurs de faire fortune, attirant les convoitises.
Selon plusieurs experts en sécurité, la publicité des investisseurs en ligne et l'idée selon laquelle blanchir des cryptomonnaies est chose plus aisée que de la monnaie fiduciaire aiguise l'appétit des criminels.
"Les transactions en cryptomonnaie sont plus susceptibles d'échapper au niveau d'examen appliqué aux systèmes bancaires traditionnels", explique Michael Lyons, avocat spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent chez Clifford Chance.
GARDES DU CORPS ET MESURES DE L'ETAT
Face à cette nouvelle forme de criminalité, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a présenté vendredi des mesures pour renforcer la sécurité des acteurs de l'écosystème des cryptoactifs.
Mais certains dirigeants du secteur se sont d'ores et déjà organisés et auraient notamment sollicité l'aide de gardes du corps, indique Thomas Rossi, fondateur de la société de sécurité personnelle Wagram Protection. L'entreprise prend déjà en charge la sécurité de cadres américains du secteur lors de leurs visites dans la capitale française.
Sofiane Aboubeker, dirigeant de la société de sécurité française ARECIA, a également déclaré avoir constaté une augmentation des demandes de protection rapprochée.
Si la France est confrontée à une vague particulière d'attaques, des incidents de ce type se sont déjà produits aux États-Unis, ailleurs en Europe et dans le reste de l'Asie, souligne Ben Davis, à la tête d'une société de courtage en assurance pour les clients du secteur des cryptomonnaies au Royaume-Uni.
"Il y a deux ans, les enlèvements et les rançons n'étaient pas vraiment un gros problème, personne ne voulait vraiment en parler", relève-t-il. "Alors qu'aujourd'hui 100% de nos clients en parlent".
Lui-même investisseur dans les cryptoactifs, il indique avoir pris davantage de mesures pour assurer sa sécurité.
(Reportage Elizabeth Howcroft, Manuel Ausloos et Lewis Macdonald ; version française Bertrand De Meyer, édité par Blandine Hénault)
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