
Conteneurs dans le port de San Pedro, en Californie
par David Lawder et Andrea Shalal
Des droits de douane allant de 10% à 50% sont entrés en vigueur jeudi sur les produits en provenance de dizaines de partenaires commerciaux des Etats-Unis, dont les plus touchés comme la Suisse, le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Inde tentaient encore d'obtenir un meilleur accord.
Le service des douanes américaines (CBP) a commencé à 12h01 (04h01 GMT) à collecter les nouvelles taxes, après des semaines d'incertitudes sur les taux définitifs fixés par Donald Trump et de négociations frénétiques avec d'importants partenaires commerciaux cherchant à réduire au maximum l'ampleur de ces droits de douane.
"DES MILLIARDS DE DOLLARS, PROVENANT EN GRANDE PARTIE DE PAYS QUI ONT PROFITÉ DES ÉTATS-UNIS PENDANT DE NOMBREUSES ANNÉES, EN SE MOQUANT DE NOUS, VONT COMMENCER À AFFLUER VERS LES ÉTATS-UNIS", s'est félicité Donald Trump sur son réseau Truth Social, juste avant l'échéance.
Depuis son retour à la Maison blanche en janvier, le président américain a fait le pari de parvenir à réduire les déficits commerciaux du pays sans engendrer de perturbations majeures dans les chaînes d'approvisionnement ni alimenter l'inflation.
Jusqu'à présent, les importations sur le territoire américain de biens en provenance de nombreux pays étaient visées par un taux plancher de 10%, instauré début avril à la suite du "Liberation Day", quand Donald Trump a suspendu les vastes taxes dites "réciproques" annoncées quelques jours plus tôt.
Depuis lors, le président américain n'a cessé de modifier ses plans en matière de droits de douane, infligeant au final des taux considérablement plus élevés à certains pays - 50% sur les produits importés depuis le Brésil, 39% depuis la Suisse, 35% depuis le Canada et 25% depuis l'Inde.
Il a également annoncé mercredi une surtaxe ultérieure et distincte de 25% sur les produits indiens en guise de sanction pour les importations de pétrole russe.
Les négociations commerciales entre l'Inde et les Etats-Unis achoppent aussi sur l'agriculture, New Delhi résistant aux demandes de Washington d'ouvrir son marché aux produits agricoles et laitiers américains.
Le Premier ministre indien Narendra Modi a affirmé jeudi qu'il ne compromettrait pas les intérêts des agriculteurs du pays, même s'il devait "en payer le prix fort".
NEGOCIATIONS DANS LA DOULEUR
De son côté, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a déclaré mercredi à Reuters que son gouvernement poursuivrait les discussions au niveau ministériel afin de réduire le taux de droits de douane de 50% sur les exportations brésiliennes vers les États-Unis.
Mais il a ajouté qu'il ne s'humilierait pas en cherchant à obtenir un entretien téléphonique avec Donald Trump.
Mercredi, la présidente de la Confédération suisse Karin Keller-Sutter est revenue bredouille d'un voyage de 11 heures à Washington visant à éviter l'imposition de droits de douane américains écrasants sur les produits suisses. Selon une source, les responsables américains ont rejeté la proposition de la présidente de la Confédération suisse d'un droit de douane de 10% sur les importations suisses.
Karin Keller-Sutter a déclaré jeudi à l'issue d'une réunion d'urgence du gouvernement suisse que le pays poursuivrait ses négociations avec les États-Unis.
Une tentative de dernière minute de l'Afrique du Sud pour améliorer son offre en échange d'un taux de droits de douane plus bas a également échoué.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s'est entretenu par téléphone avec Donald Trump mercredi et les équipes de négociation commerciale des deux pays vont poursuivre leurs discussions, a indiqué le cabinet présidentiel.
VERS "UN NOUVEL ÉQUILIBRE"
Huit partenaires commerciaux de Washington, représentant au total environ 40% des flux commerciaux américains, ont conclu des accords-cadre qui prévoient également des investissements aux Etats-Unis, comme réclamé par Donald Trump. Parmi eux, l'Union européenne, le Japon et la Corée du Sud, dont le taux de base de taxation de leurs importations va être de 15%.
Le Royaume-Uni, pour sa part, voit ses produits importés sur le territoire américain être visés par des droits de douane de 10%. Vietnam, Indonésie, Pakistan et Philippines ont conclu des accords prévoyant des taux de 19% et 20%.
"Pour ces pays, la mauvaise nouvelle est moindre", a commenté William Reinsch, expert en commerce au Centre pour les études stratégiques et internationales, basé à Washington.
"Il va y avoir un certain réarrangement de la chaîne d'approvisionnement. Un nouvel équilibre", a-t-il dit. "Les prix vont augmenter, mais cela va prendre du temps avant que cela ne se constate de manière majeure".
La Chine ne figure pas parmi les dizaines de pays concernés, alors qu'elle a obtenu une trêve dans le cadre de négociations entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales. Ce sursis doit prendre fin le 12 août, date à laquelle Washington a prévu - pour l'heure - de relever les taxes sur les produits chinois.
Donald Trump a prévenu par ailleurs qu'il pourrait imposer des droits de douane supplémentaires en guise de sanction aux achats par Pékin de pétrole russe, dans le cadre de mesures par lesquelles il entend faire pression sur la Russie pour qu'elle mette fin à sa guerre en Ukraine.
RÉPERCUSSIONS
Revenu au pouvoir à Washington en janvier dernier, Donald Trump a entrepris une refonte de la politique commerciale américaine, avec un éventail de droits de douane dont certains basés sur une loi de sécurité nationale.
Le président américain a imposé des taxes spécifiques contre des industries telles que les semiconducteurs, les produits pharmaceutiques, l'automobile, ou encore l'acier, l'aluminium et le cuivre. Il a déclaré mercredi que les droits de douane sur les semiconducteurs pourraient atteindre 100%.
Vantant la réussie de sa politique commerciale, Donald Trump a salué la forte augmentation des recettes fédérales engendrées par les nouveaux droits de douane, au final payés par les entreprises qui importent des biens aux Etats-Unis puis par les consommateurs qui achètent les produits finis.
Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, a déclaré que les revenus issus des droits de douane pourraient dépasser 300 milliards de dollars (257,16 milliards d'euros) par an. Ils se sont établis à 27 milliards de dollars en juin, d'après des données officielles, un montant qui va s'accroître avec les nouveaux taux en vigueur jeudi.
Selon des estimations du think tank Atlantic Council, le taux médian des droits de douane américains va s'établir à 20%, soit un pic depuis un siècle, contre 2,5% quand Donald Trump a débuté son second mandat présidentiel.
(David Lawder et Andrea Shalal; version française Jean Terzian et Coralie Lamarque; édité par Blandine Hénault)
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