Le cinéma Ariana à Kaboul, le 19 septembre 2010 ( AFP / Manan VATSYAYANA )
Il était un des cinémas historiques de Kaboul, un lieu mythique pour des générations d'Afghans. L'Ariana, restauré avec l'aide de cinéastes français après une première destruction durant la guerre des années 1990, a été démoli pour faire place à un centre commercial.
Depuis leur retour au pouvoir en 2021 en Afghanistan, les autorités talibanes imposent une version ultra-rigoriste de la loi islamique, et ont banni la musique et les films dans l'espace public.
Ce cinéma, comme d'autres, avait dû mettre fin à sa programmation, mais son bâtiment était resté intact, sur une des places du centre de la capitale afghane.
Jeudi, un amas de gravats était visible depuis la rue et un panneau sur le chantier annonçait: "un centre commercial moderne va être construit ici", ont constaté des journalistes de l'AFP tandis qu'un bulldozer poursuivait la démolition.
"La nouvelle de la destruction du cinéma Ariana a brisé mon coeur. Nous y avions tant de bons souvenirs (...) Il y avait une vie à l'époque à Kaboul", a confié à l'AFP une habitante de la ville, âgée de 65 ans, qui y allait souvent avec ses parents dans les années 1970. Elle a préféré taire son nom pour raisons de sécurité.
"Actuellement, les gens n'ont plus accès aux cinémas. Il n'y a plus aucune sorte de distraction, ni pour les femmes, ni même pour les hommes", déplore-t-elle.
Les travaux de destruction du cinéma Ariana à Kaboul, le 18 décembre 2025 ( AFP / Wakil Kohsar )
Construit dans les années 1960, l'Ariana était alors l'un des lieux de prédilection des résidents de la capitale afghane, qui aimaient y voir des films du monde entier.
Détruit lors de la guerre civile (1992-1996), pillé, il était resté à l'abandon sous le premier régime des talibans (1996-2001), qui proscrivaient toute forme de loisir.
- "Sans âme" -
Mais en 2004, le cinéma avait rouvert après une vaste restauration menée par les architectes français Jean-Marc Lalo et Frédéric Namur. L'opération avait été financée grâce à la mobilisation de l'association "Un cinéma pour Kaboul", présidée par le metteur en scène français Claude Lelouch, Palme d'Or à Cannes pour Un homme et une femme.
Le ministre français de la Culture de l'époque, Renaud Donnedieu de Vabres, et plusieurs réalisateurs avaient fait le déplacement pour inaugurer la nouvelle salle de 600 places avec ses fauteuils rouge et ses tapis afghans, le 23 mai 2004.
Des soldats français assurent la sécurité, lors de la réouverture du cinéma Ariana à Kaboul, le 23 mai 2004 ( AFP / SHAH MARAI )
"Un cinéma est toujours une lumière dans la ville", s'était alors félicité le président français Jacques Chirac.
Après la réouverture, certains soirs, quand la salle était pleine, des "centaines de personnes" restaient dans le hall d'entrée pour entendre au moins le son d'un film afghan, se souvient un fan du cinéma.
La destruction de l'Ariana, "c'est comme si une pelle mécanique me broyait le coeur. Ce cinéma était un signe d'espoir, d'ouverture", a réagi auprès de l'AFP l'architecte Jean-Marc Lalo.
"Le cinéma Ariana n'était pas une ruine à abattre, mais une mémoire à rouvrir. On l'a déjà détruit une fois par la guerre civile. Cette fois, c'est pire: on l'efface au nom du +moderne+. Le moderne sans âme, sans images, sans silence partagé dans le noir", a regretté auprès de l'AFP l'écrivain et cinéaste franco-afghan Atiq Rahimi.
Il y avait montré son premier film en 2004: "quand on croyait, un instant, que la culture pouvait survivre à la barbarie. Raser un cinéma, ce n’est pas construire l'avenir", a-t-il ajouté.
Un autre cinéma de Kaboul, le Park, a déjà été démoli et doit lui aussi être remplacé par un centre commercial.

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