Liberté d'expression contre devoir de loyauté : l'humoriste Guillaume Meurice a réclamé mercredi l'invalidation de son licenciement en 2024 par Radio France, qui lui a imputé une "faute grave" pour avoir qualifié à deux reprises le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de "nazi sans prépuce".
Devant les prud'hommes de Paris, l'ancienne figure de France Inter a réclamé, par la voix de son avocat, quelque 400.000 euros à son ancien employeur et demandé l'annulation de son licenciement au motif qu'il porterait "atteinte à sa liberté d'expression".
"Les humoristes ont peut-être le droit d’aller un peu plus loin qu’une personne lambda", a fait valoir Me Hugues Dauchez aux côtés de Guillaume Meurice, qui n'a pas pris la parole pendant l'audience.
D'une "certaine blague", selon l'expression de Me Dauchez, il a beaucoup été question au cours de ces trois heures de débats sous tension.
Dans un sketch diffusé en octobre 2023 sur France Inter, Guillaume Meurice avait suggéré, pour susciter la peur pendant Halloween, un "déguisement" de Benjamin Netanyahu, "sorte de nazi mais sans prépuce".
Ces propos, tenus trois semaines après l'attaque du Hamas en Israël du 7 octobre 2023 et le début de la guerre à Gaza, avaient soulevé une tempête médiatique.
Ils lui avaient valu un avertissement de sa direction, des accusations d'antisémitisme et ont conduit l'Arcom, l'autorité de régulation des médias, à adresser une mise en garde à Radio France.
Une plainte pour incitation à la haine raciale avait également été déposée contre lui mais classée sans suite, faute d'infraction suffisamment "caractérisée".
S'estimant blanchi par la justice, Guillaume Meurice avait ensuite réitéré ses propos polémiques à l'antenne en avril 2024, déclenchant une nouvelle controverse qui a conduit à sa suspension et à son éviction en juin 2024.
"M. Meurice a la langue bien pendue, il n’a pas peur de fracturer l’opinion publique", a raillé l'avocat de Radio France, Eric Manca.
- Débat sur le contrat de travail -
Après son licenciement, l'humoriste de 44 ans, qui a rejoint depuis septembre Radio Nova, où il anime une émission hebdomadaire, avait évoqué une "victoire idéologique" de l'extrême droite et dénoncé la "soif d'obéir" des dirigeants de la radio publique.
"Il s’est fait plaisir jusqu’au bout, il a fait la politique de la terre brûlée", a fustigé Me Manca, assurant que Guillaume Meurice avait également violé les missions dévolues au service public de ne pas "diviser le public".
Exhibant un épais recueil de mails scandalisés d'auditeurs, Me Manca a jugé le licenciement justifié au motif que Guillaume Meurice aurait "fait passer un engagement personnel sous le coup de l'humour" et aurait enfreint son "devoir de loyauté" vis-à-vis de son employeur.
Vision radicalement différente de l'autre côté de la barre.
Selon son avocat, M. Meurice a au contraire respecté à la lettre "la ligne éditoriale" de la première radio de France, qui défend le droit à l'impertinence et appelait à être "punk".
"La blague qu’il a faite c’est exactement ce qu’on lui demandait de faire tous les jours", a estimé Me Dauchez, assurant que la direction de Radio France avait en fait évincé Guillaume Meurice parce qu'il "dérangeait ses supérieurs".
"On a choisi le moindre prétexte pour justifier un licenciement", a assuré le conseil, selon qui M. Meurice a été de ce fait victime de harcèlement moral à Radio France.
L'avocat a par ailleurs demandé la requalification en CDI des quelque 250 contrats que M. Meurice a signés avec son employeur depuis sa première apparition sur Inter en août 2012.
Selon lui, Radio France aurait abusé des contrats à durée déterminée d'usage (CDDU) avec M. Meurice, affirmation contestée par l'avocat de la radio publique selon qui cette pratique est légale et généralisée dans l'audiovisuel.
La décision a été mise en délibéré au 9 février.

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