
Des policiers municipaux contrôlent un jeune homme dans une rue de Nice alors placée sous couvre-feu nocturne pour les moins de 13 ans, le 2 avril 2024 ( AFP / Valery HACHE )
Cet été, plusieurs communes ont instauré des couvre-feux pour mineurs après des violences urbaines. Mais sur le terrain, les maires peinent à en mesurer les effets, faute de sanctions rapides ou d'effectifs de police suffisants.
A Triel-sur-Seine (Yvelines), comme dans d'autres villes de tous bords politiques, un couvre-feu a été instauré de 23h00 à 05h00 pour les moins de 18 ans, après une série de dégradations de mobilier urbain et de vols.
En patrouille dans la nuit de lundi à mardi, la police municipale surveille les points sensibles de la ville. Sur une des places souvent fréquentées, les agents interpellent un groupe de mineurs encore dehors 45 minutes après le début du couvre-feu, constate l'AFP.
Certains adolescents disent ne pas être au courant. "On a fait beaucoup plus de prévention que de répression à ce niveau-là", confie Anthony Rouet, chef de la police municipale de Triel-sur-Seine, qui assure que l'arrêté "permet de faire de la prévention avant que la dégradation ne soit faite".
Mais il reconnaît aussi les limites du dispositif pour certains mineurs verbalisés. "Ils n'ont pris aucune sanction et sont revenus, et ont recommencé les dégradations, les vols", assure-t-il.
Trois semaines après la mise en place du couvre-feu, "c'est devenu super calme", affirme de son côté le maire sans étiquette Cédric Aoun.
"Les parents font beaucoup plus attention (...), ils n'ont pas envie de faire partie des parents démissionnaires", assure l'édile qui dit également avoir fait "cinq signalements à la protection de l'enfance" cette année pour des mineurs ayant récidivé.
"Ici, la plupart des enfants qui traînent jusqu'à 02H00 du matin, leurs parents disent qu'il n'y a pas de souci. Et quand ils font des bêtises, ils disent que ce n'est pas leur fils", constate un habitant engagé dans la vie de la commune préférant garder l'anonymat.
D'autres habitants, comme Mickaël Chapparelli, 35 ans, père de famille, soutiennent néanmoins la mesure: "À 17 ans, on n'est pas dehors" la nuit, tranche-t-il.
- "Efficacité psychologique" -
À Nîmes (Gard), un arrêté interdit depuis le 21 juillet aux moins de 16 ans de circuler seuls la nuit dans six quartiers sensibles, après des violences urbaines liées au trafic de stupéfiants.
Béziers (Hérault), Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ou encore Villecresnes (Val-de-Marne) ont pris des arrêtés similaires. Mais dans nombre de ces communes, difficile d'évaluer l'efficacité du dispositif.
À Villecresnes, la police municipale n'intervient pas la nuit en semaine. L'éclairage public est coupé dans certains secteurs pour limiter les regroupements.
"Ce sont souvent les appels au 17 qui déclenchent des contrôles", note le maire Patrick Farcy (SE), déplorant "un manque d'effectifs" de la police nationale.
D'après lui, une quarantaine de verbalisations liées au couvre-feu ont été recensées depuis le début de l'été, mais il regrette "les lenteurs" du traitement judiciaire: "Entre la constatation et l'amende, il se passe trop de temps".
"Ce sera complètement efficace quand les parents auront reçu les verbalisations", abonde une habitante qui préfère rester anonyme en raison de son engagement local.
Ce n'est pas encore le cas d'après le maire qui anticipe lui aussi des améliorations.
Le maire divers centre des Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône), Michel Amiel, avait instauré pendant quatre mois en 2024, de fin avril à fin août, un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, de 23H00 à 06H00 du matin. Il n'a pas remis en place de couvre-feu cette année.
"L'efficacité (de cette mesure), c'est difficile à quantifier. C'est une efficacité surtout psychologique", relève l'édile de cette ville de 22.000 habitants limitrophe de Marseille, qui toutefois "ne regrette pas" d'avoir pris cette décision l'an dernier.
À Carpentras (Vaucluse), le maire Serge Andrieu (DVG) estime que l'arrêté permet surtout "à la police (municipale) de demander les papiers et d'intervenir", ce qu'elle ne pourrait pas faire sans infraction constatée.
Sur le fond, la mesure reste très contestée. La section des Yvelines de la Ligue des droits de l'homme a notamment attaqué l'arrêté de Triel-sur-Seine en justice.
"Ce n'est pas la réponse efficace", dit à l'AFP Nathalie Tehio, présidente de la LDH, qui appelle à développer le "volet éducatif" plutôt que "répressif".
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