Un enfant soudanais observe la préparation d'un vaccin lors d'une campagne de vaccination contre la diphtérie dans un camp de déplacés dans la ville d'Al-Dabbah, dans le nord du Soudan, le 22 novembre 2025 ( AFP / Ebrahim Hamid )
Dans les tentes transformées en cliniques de fortune pour les déplacés du camp d'Al-Dabbah, dans le nord du Soudan, des médecins, pharmaciens et infirmiers soignent avec les moyens du bord les civils qui, comme eux, ont fui le Darfour.
"Nous venons tous du même endroit", explique Ilham Mohamed, une pharmacienne déplacée de la grande ville d'El-Facher au Darfour, dans l'ouest du pays. "Nous les comprenons et ils nous comprennent".
Le camp, financé par un homme d'affaires soudanais, s'étend sur 14 hectares dans une zone agricole à proximité du Nil, contrôlée par l'armée.
Des centaines de familles sont hébergées dans des tentes dotées de lits, certains dorment sur des nattes en plastique déployées au sol.
Le camp compte aussi des latrines collectives et des cuisines où sont distribués des repas gratuits. Les femmes y préparent de grandes quantités d'assida - plat traditionnel soudanais fait de farine bouillie- tandis que les hommes transportent l'eau.
Cinq cliniques rudimentaires, de simples tentes bleues transformées en pharmacie, laboratoire, salles d'hospitalisation ou unités de soins de courte durée, accueillent les patients. Des chaises en plastique remplacent le mobilier absent. Des ambulances envoyées de la ville d'Al-Dabbah, à 20 km au nord, font office de cliniques mobiles.
La plupart des déplacés souffrent d'infections pulmonaires et intestinales, de diarrhées, de maladies de peau et oculaires, selon Ahmed Al-Tijani, volontaire auprès de la clinique mobile de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
"Nous faisons tout pour répondre aux besoins médicaux, mais les ressources sont insuffisantes" et certains patients "exigent des soins spécialisés" inexistants dans le camp, déplore-t-il.
- "La mort, la captivité ou la rançon" -
Des garçons soudanais originaires d'El-Facher, dans l'ouest du Soudan, se font couper les cheveux dans un camp pour personnes déplacées dans la ville d'Al-Dabbah, dans le nord du Soudan, le 22 novembre 2025 ( AFP / Ebrahim Hamid )
Plus de 150 femmes enceintes ou allaitantes ont aussi été accueillies, rapporte la volontaire Fatima Abdelrahman, responsable sur place de la santé reproductive. Plusieurs d'entre elles avaient dû donner naissance sur la route de l'exil, "après des jours de marche".
Après 18 mois de siège, El-Facher a été prise fin octobre par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), provoquant la fuite de plus de 100.000 personnes.
Parmi eux, la docteure Ikhlass Abdallah et une soixantaine de soignants ont trouvé refuge au camp d'Al-Dabbah, avec des centaines de familles jetées sur les routes par les combats meurtriers entre l'armée et les FSR.
"Nous ne sommes pas en bon état, mais nous sommes obligés de l'être (...) pour fournir des soins à ceux qui en ont besoin", explique la Dr Abdallah.
Sur la route, "il fallait soigner les gens en secret" et parfois laisser les blessés sans bandages "car si les FSR découvraient que quelqu'un avait reçu des soins, ils le frappaient à nouveau", dit-elle.
Etre identifié comme médecin signifiait "soit la mort, la captivité ou la rançon", affirme-t-elle, en précisant que les rançons exigées par les paramilitaires étaient plus importantes pour les soignants.
Selon un bilan publié par l'OMS fin octobre, plus de 1.200 soignants ont été tués dans 285 "attaques effroyables" visant des établissements médicaux depuis le début de la guerre, en avril 2023.
- "Plus personne à secourir" -
Une fillette soudanaise est vaccinée contre la diphtérie dans un camp de déplacés dans la ville d'Al-Dabbah, dans le nord du Soudan, le 22 novembre 2025 ( AFP / Ebrahim Hamid )
Epuisée par des "heures d'affilée dans les blocs opératoires", la Dr Abdallah a travaillé jusqu'au bout à la maternité de l'hôpital saoudien, dernier établissement fonctionnel d'El-Facher. Elle évoque les attaques meurtrières répétées des FSR sur l'hôpital.
Une nuit, "nous avons entendu un drone, puis il est tombé sur l'hôpital", se souvient la médecin. "Nous avons accouru (...) mais il n'y avait plus personne à secourir".
"De nombreux corps étaient méconnaissables. Les gens étaient déchiquetés, réduits en morceaux (...) Ce que nous avons vu semblait irréel, un cauchemar sorti d'un film".
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénoncé fin octobre quatre attaques en un mois sur cette maternité, affirmant que plus de 460 patients et des soignants y avaient été abattus.
Et selon la Dr Abdallah, "la situation sur la route était pire qu'à El-Facher".
La guerre, qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de civils a entraîné l'effondrement du système de santé.
Après un déplacement sur le terrain, le patron des affaires humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, a souligné la semaine dernière que "l'ampleur des besoins est énorme" en appelant à "construire un système de santé plus solide", en plus des besoins en logement, nourriture, assainissement et éducation.

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