
Des pompiers et des secouristes rue des Rosiers, à Paris, après que le restaurant traiteur franco-juif Jo Goldenberg a été attaqué par des hommes armés, le 9 août 1982 ( AFP / Jacques DEMARTHON )
Vers un procès, 43 ans plus tard ? Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis mercredi les assises pour six hommes dont quatre sous mandats d'arrêt, suspectés d'être impliqués dans l'attentat de la rue des Rosiers, qui avait causé la mort de six personnes en 1982 à Paris.
Dans un communiqué, le ministère public a indiqué demander un procès pour assassinats devant la cour d'assises spéciale pour trois hommes suspectés d'avoir été sur place le jour des faits, dont Abou Zayed, 66 ans, principal suspect. Il est soupçonné d'être l'un des tireurs et est détenu en France depuis fin 2020.
D'après ces réquisitions dont l'AFP a eu connaissance mercredi, le Pnat demande également un procès pour Hicham Harb, 70 ans, qui aurait supervisé l'attentat et été tireur, et pour Nizar Tawfiq Hamada, 63 ans, un des exécutants présumés.
Trois hommes risquent de leur côté un procès pour complicité d'assassinats: H. T., 65 ans, mis en examen en avril car soupçonné d'avoir caché des armes à l'époque, actuellement sous contrôle judiciaire et qui conteste les faits; mais aussi Amjad Atta, environ 72 ans, accusé d'avoir planifié l'attentat, et Nabil Othmane, 72 ans, mis en cause pour l'avoir préparé.
MM. Harb, Hamada, Atta et Othmane font l'objet de mandat d'arrêt. Les deux premiers sont localisés en Cisjordanie et les deux autres respectivement en Jordanie et au Koweït.
Le Pnat relève que d'autres personnes ont pu être impliquées "à divers degrés" mais certaines sont décédées tandis que les charges se sont avérées insuffisantes pour d'autres.
- "Bricolage" -
La décision finale sur un procès revient au juge antiterroriste qui a comme date butoir début août pour rendre son ordonnance. S'il la rend ultérieurement, Abou Zayed pourrait comparaître libre.
Le 9 août 1982, six personnes ont été tuées et 20 blessées dans l'explosion d'une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg puis dans une fusillade dans le quartier du Marais, perpétrée par un commando de trois à cinq hommes.

Des pompiers et des secouristes prennent en charge des blessés dans une cour de la rue des Rosiers, à Paris, après que le restaurant traiteur franco-juif Jo Goldenberg a été attaqué par des hommes armés, le 9 août 1982 ( AFP / Jacques DEMARTHON )
L'attentat a été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d'Abou Nidal, groupe dissident de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Abou Zayed, extradé de Norvège fin 2020, est "expressément désigné comme l'auteur des assassinats et tentatives d'assassinats, de manière constante et concordante depuis près de 14 ans par plusieurs témoins", même s'il est mis hors de cause par deux autres hommes, souligne la procureure antiterroriste dans le document de 458 pages.
Il conteste les faits.
Pour Romain Ruiz et Bruno Gendrin, ses avocats, "ce réquisitoire est un bricolage dangereux, fait de portraits-robots vieux de 40 ans, de témoignages incohérents et de notes de renseignements bancales. Le Pnat est manifestement prêt à sacrifier toute forme d'exigence probatoire pour obtenir un procès à tout prix".
S'agissant d'H. T., le Pnat considère "démontré" qu'il a été "l'un des principaux responsables des caches d'armes". Ses avocats n'ont pas commenté dans l'immédiat.
- "Acharnement" -
Selon le Pnat, les expertises soulignent "la similarité parfaite" entre les armes et munitions retrouvées sur les lieux et au bois de Boulogne avec celles saisies "lors d'attentats formellement attribués à ce groupe terroriste à Londres, Rome, Athènes et Bruxelles".

Des pompiers et des secouristes rue des Rosiers, à Paris, après que le restaurant traiteur franco-juif Jo Goldenberg a été attaqué par des hommes armés, le 9 août 1982 ( AFP / JACQUES DEMARTHON )
L'attentat "relève sans conteste d'une volonté de faire régner la terreur" comme "en atteste l'acharnement du commando à faire le plus de victimes possibles dans un lieu touristique réputé fréquenté par la communauté juive française et internationale", insiste-t-il.
Me David Père, qui représente l'Association française de victimes du terrorisme mais aussi des personnes qui étaient dans le restaurant et d'autres qui ont perdu leurs proches, a fait part auprès de l'AFP d'"une grande émotion chez toutes les victimes."
"Ca vous hante toute votre vie. Mes clients sont très reconnaissants à la justice de ne pas baisser les bras", a-t-il ajouté.
"Les familles de victimes de l'un des premiers attentats terroristes antisémites perpétrés en France peuvent enfin entrevoir l'espoir d'un procès. Il aura fallu autant de temps que pour juger Klaus Barbie !", a déclaré à l'AFP Alain Jakubowicz, avocat de la famille d'une des victimes, Georges Demeter.
"C'est un sentiment partagé pour les parties civiles entre l'immense soulagement de savoir que la République n'abandonne pas ses victimes (...) et le regret de constater que c'est un procès incomplet qui s'annonce, avec plusieurs accusés réfugiés à l'étranger", a réagi auprès de l'AFP Romain Boulet, avocat de la fille d'une des victimes.
Un autre avocat, Vincent Brengarth, a salué le "travail très minutieux accompli".
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