L'accord de 1968 encadrant la circulation des ressortissants entre la France et de l'Algérie est plus que jamais en débat, après l'adoption surprise, mais sans effet immédiat, d'une résolution RN à l'Assemblée nationale. Comment et avec quelles conséquences ce texte pourrait-il être dénoncé ou renégocié ?
 
    ( AFP / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT )
Que contient aujourd'hui l'accord que le RN veut dénoncer ?
Les parlementaires ont voté jeudi une résolution du Rassemblement national afin de renégocier la convention du 27 décembre 1968 qui crée un statut spécifique pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi. Après l'adoption de cette résolution, non contraignante, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a estimé qu'il "faut renégocier" ce traité.
Signé six ans après la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962) alors que la France a besoin de bras pour soutenir son économie, l'accord a fait l'objet de trois révisions, en 1985, 1994 et 2001, qui ont débouché sur trois avenants, mais les grands principes du texte ont été maintenus, en particulier le régime dérogatoire au droit commun.
"Cet accord en réalité n'est plus si important en pratique, si ce n'est que les Algériens peuvent venir en France sans avoir besoin d'un visa de long séjour pour se maintenir plus de trois mois", contrairement aux autres étrangers hors UE, explique Thibaut Fleury Graff, professeur Droit international public à l'université Panthéon-Assas.
"Sinon, ils n'ont plus beaucoup d'avantages: quelques professions commerciales n'ont plus besoin d'autorisation spécifique, mais elles sont marginales", poursuit le professeur de droit.
Les Algériens bénéficient en effet de la liberté d'établissement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante. Ils peuvent également percevoir plus rapidement certaines prestations familiales ou les minima sociaux (RSA...).
En revanche, "ils ont un certain nombre d'inconvénients sur le droit commun. La facilitation d'accès à certains types de séjour notamment pour les étudiants n'est pas possible", souligne M. Fleury Graff.
Les étudiants algériens ne peuvent pas travailler, pour un job étudiant par exemple, sans solliciter une autorisation provisoire et peuvent travailler au maximum 50% de la durée annuelle de travail pratiquée dans la branche ou la profession concernée (contre 60% de la durée annuelle légale du travail pour les autres nationalités).
Quelles suites possibles ?
"La France a une obligation de négocier avec l'Algérie", selon M. Fleury Graff, alors que les relations diplomatiques entre les deux pays sont au plus bas depuis cet été. Alger n'a pour l'instant pas répondu au vote des députés français.
"Avant toute dénonciation unilatérale, ces négociations devraient donc aboutir à une décision" commune sur le cadre juridique applicable, poursuit l'universitaire.
En cas de désaccord, le droit commun des étrangers, tel que contenu dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), "s'appliquerait certainement, à moins de considérer que les accords de 1962 (sur l'indépendance de l'Algérie) proclament une libre-circulation absolue des Algériens", doute-t-il.
Qu'impliquerait sa dénonciation ?
Le député macroniste Charles Rodwell qui, dans un récent rapport, souhaitait la "dénonciation" de l'accord, craint que, "faute de cadre juridique alternatif", l'application de la proposition de l'extrême droite ne rétablisse la libre circulation entre les deux pays.
"Le juge administratif pourrait décider de faire appliquer, par défaut, les accords d’Évian de 1962" avec "le risque que cela provoque un déferlement migratoire", avance le député auprès de l'AFP.
Pour Thibaut Fleury Graff, "il n'est toutefois pas évident d'affirmer qu'en cas de dénonciation, l'on reviendrait nécessairement aux accords de 1962".
"Il ne faut pas confondre libre-circulation sur le territoire français et libre-circulation entre la France et l'Algérie devenue indépendante. Or les accords de 1962 ne sont pas si clairs sur ce point", met-il en garde.
Pour contrer ce risque, Charles Rodwell propose la mise en place d'un nouveau "cadre juridique strict" afin qu'un citoyen algérien, résidant en France soit considéré comme un citoyen étranger (hors UE) comme un autre et se voie appliquer les règles du Ceseda comme tout étranger présent sur le territoire.
 
                                            
                                            
                                         
                                            
                                            
                                         
                                            
                                            
                                         
                                            
                                            
                                        
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