Le Premier ministre Sébastien Lecornu s'exprime devant l'Assemblée nationale, à Paris, le 31 octobre 2025 ( AFP / ALAIN JOCARD )
L'Assemblée nationale a rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche, à laquelle Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages en renonçant au gel des minimas sociaux et des pensions de retraite.
Le Premier ministre parviendra-t-il à échapper à la censure du PS, qui a déjà décroché la suspension de la réforme des retraites, votée vendredi soir en commission ? Un consensus finira-t-il par émerger sur le budget dans une Assemblée plus que jamais fragmentée, alors que M. Lecornu a renoncé à l'utilisation du 49.3 ?
Épinglé pour "l'intransigeance" de son camp vendredi lors de discussions sur la fiscalité tendues et encalminées, M. Lecornu a appelé à un "changement de méthode" et demandé à ses ministres de réunir les représentants des groupes politiques pour tenter de trouver un terrain d'atterrissage, loin du théâtre de l'hémicycle.
Ce sera sans les Insoumis, qui refusent de participer à la "comédie du gouvernement", selon leur cheffe Mathilde Panot.
Présent toute l'après-midi sur les bancs du palais Bourbon, le Premier ministre a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", alors que la taxe Zucman, qui a cristallisé les débats ces derniers jours, venait d'être repoussée.
La mesure, visant à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, et inspirée des travaux de l'économiste Gabriel Zucman, a été rejetée par 228 députés contre 172. Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.
S'appuyant sur un avis du Conseil d'Etat, le chef du gouvernement a prédit que la mesure serait de toutes façons censurée par le Conseil constitutionnel.
Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, à l'Assemblée nationale, Paris, le 31 octobre 2025 ( AFP / Thibaud MORITZ )
A la recherche d'une voie de passage et face à la colère de la gauche, il s'est dit prêt à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, fortement contestés, et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.
Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la CSG sur le patrimoine, déjà votée à l'initiative de la gauche en commission dans le budget de la Sécu.
- Le PS maintient l'étreinte -
Des initiatives saluées par le PS d'Olivier Faure, qui a toutefois maintenu la pression en enjoignant M. Lecornu à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a-t-il lancé.
Plus que jamais, ces débats budgétaires tournent au pas de deux entre le PS et M. Lecornu, qui a convié vendredi midi MM. Faure et Vallaud à déjeuner à Matignon.
Mais le Premier ministre est confronté à une équation globale quasi insoluble, s'il veut que son propre socle puisse se retrouver dans une copie budgétaire hétéroclite.
Illustration: une alliance baroque de députés PS, RN et MoDem a approuvé dans la soirée une modification de l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui intègre les actifs financiers dans l'assiette de l'impôt, et en exclut la résidence unique ou principale, comme le souhaite de longue date le RN. Si le PS s'est réjoui d'un rétablissement de l'ISF, LFI a au contraire jugé que l'IFI était "affaibli". Le RN a salué le vote d'un impôt "inspiré" de son programme.
Plus tôt dans la journée, le patron des députés LR Wauquiez avait aussi obtenu l'adoption d'une version édulcorée de la taxe sur les holdings, à l'initiative de son groupe. Au point de la "vider de sa substance" selon plusieurs députés de gauche.
- Réforme des retraites suspendue en commission -
La ministre chargée des Comptes publics Amélie de Montchalin, à l'Assemblée nationale, Paris, le 31 octobre 2025 ( AFP / Thibaud MORITZ )
Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinait de son côté le budget de la Sécu, et la suspension de la réforme des retraites, intégrée dans le texte par le gouvernement dans sa recherche d'un accord de non-censure avec le PS.
Paradoxalement, la question a divisé les partisans et les opposants à la réforme de 2023, qui porte progressivement l'âge de départ à 64 ans.
Dans le camp des opposants à la réforme, les socialistes ont voté pour l'article, tout comme le RN. Mais les Insoumis ont voté contre la suspension, qu'ils considèrent comme une façon d'entériner indirectement le passage un jour à 64 ans.
Les Ecologistes se sont abstenus, exigeant comme d'autres oppositions l'intégration des carrières longues au dispositif et des pistes de financement différentes ne reposant pas sur les assurés. Sandrine Runel (PS) a assuré que le gouvernement s'était engagé à amender le texte dans l'hémicycle pour intégrer notamment les carrières longues.
Le camp gouvernemental s'est aussi divisé: LR et Horizons plaidant pour maintenir la réforme, et les députés Renaissance s'abstenant pour ne pas mettre en péril la suite des débats budgétaires.
Les députés ont finalement rejeté l'ensemble du projet de budget de la Sécu, qui arrivera dans l'hémicycle mardi, dans sa version initiale déposée par le gouvernement.

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