Accompagné de son épouse, le patron des députés LR a tenu un meeting, mercredi soir, à Neuilly-sur-Seine.
Il faut bien faire campagne, même si les circonstances sont toutes particulières. Ce mercredi soir, tandis qu’Emmanuel Macron annonçait aux Français l’entrée du monde dans une « nouvelle ère » face à la mondialisation de la « menace russe », Laurent Wauquiez donnait rendez-vous aux sympathisants des Républicains à Neuilly-sur-Seine, banlieue chic de l’ouest parisien. Autrement dit, admet l’un de ses soutiens, un territoire « a priori acquis » à Bruno Retailleau , son concurrent à la présidence du parti.
Depuis leur entrée en campagne, le ministre de l’Intérieur et le patron des députés LR se livrent à une bataille sourde , où l’on évite soigneusement les piques trop directes - la peur, évidemment, d’être accusé d’avoir lancé en premier les hostilités d’une guerre des chefs. Il n’empêche, le malaise est palpable au sein du parti. « En réalité, ça n’arrange vraiment personne cette histoire , glisse-t-on. Mais voyons le bon côté des choses : pour une fois, les militants n’auront pas à choisir entre la peste et le choléra. Ils ont les deux meilleurs. » Soit. En attendant, il s’agit bien, pour les deux camps, de convaincre. Sans s’abîmer. Charge donc aux élus présents ce soir-là de défendre leur champion... en dénonçant son adversaire.
«Je ne veux pas de guerre des chefs»
« Peut-on se permettre d’avoir un ministre de François Bayrou pour diriger notre famille politique ? », interroge Geoffroy Didier, président délégué de la région Île-de-France. Moins pudique, Patrick Pessis, candidat LR aux législatives de 2022 à Neuilly, rebondit : « On m’a demandé de ne pas dire trop de mal de la concurrence parce qu’on est tous du même parti et tous amis ! Ha ha ha... Mais dire du bien, c’est ennuyeux. Alors que dire du mal... », poursuit-il, fort tenté de « re-tai-ller le costum e» de ladite concurrence. Cette petite pointe d’ironie est loin de conquérir la salle. « Je vous donnerai son numéro, on le loue pour la soirée ! », ironise Geoffroy Didier. Rires de circonstance, avant la prise de parole de Laurent Wauquiez.
« Ma mère est dans la salle alors autant vous dire que je suis sous haute surveillance », lance-t-il, après avoir remercié les élus venus le soutenir - parmi eux, les députés Vincent Jeanbrun, Ian Boucard, Jean-Didier Berger ; l’eurodéputée Isabelle Le Callenec ; la vice-présidente de la région Île-de-France, Florence Portelli ou encore, le sénateur de Haute-Loire, Laurent Duplomb. Lutte contre l’immigration, contre la bureaucratie administrative et contre l’assistanat, le rétablissement de l’ordre et défense de l’«assimilation»... Laurent Wauquiez déroule les grands classiques de la droite, promettant un « projet de rupture » pour le parti devant un auditoire de 380 personnes, selon le chiffre revendiqué par son équipe. Tenant à distance un duel à fleurets mouchetés.
« Je ne veux pas de guerre des chefs, je n’ai pas souhaité qu’on en arrive là et... Voilà, je pense qu’on peut additionner les talents plutôt que de se diviser. Chacun dans son rôle. Nous avons besoin de nos ministres, de ce que fait Bruno, tout entier dévolu à essayer d’avoir des résultats et ce n’est pas facile dans cette période de compromis », plante-t-il. Citant le cas algérien, sujet de dissensions entre Emmanuel Macron et Bruno Retailleau, il poursuit : « Quand l’Algérie nous humilie et que nous restons silencieux, quand le président de la République explique qu’il faut renégocier les accords de 1968 plutôt que de les dénoncer, je dis qu’il faut une parole de la droite républicaine qui dise : hors de question que nous nous laissions faire. » Traduction, pour reprendre les mots de ce soutien de Laurent Wauquiez : « Retailleau parle beaucoup mais ne fait rien. » Ainsi, insiste le député de Haute-Loire, « il faut que notre famille politique ait un président qui puisse se faire entendre sans craindre de déplaire à Emmanuel Macron ou à François Bayrou ». « On n’est pas obligés de donner le sentiment qu’on va commencer par faire une droite de filet d’eau tiède, écartelée dans tous les compromis. » Au Figaro , le patron des députés LR poursuit : « La droite ne se refondra pas en se faisant la béquille du macronisme. Sur les accords de 1968, Bruno n’a même pas rebondi sur les propos du président de la République ! »
«Bien sûr, on part de très loin»
Dehors, sympathisants, militants et curieux causent. « C’était bien mais bon, le problème, c’est qu’on oublie presque qu’ils ont été au pouvoir », ironise l’un d’entre eux. La désillusion se mêle à quelques notes d’optimisme. « Avec Retailleau, il y a enfin quelqu’un à droite », s’enthousiasme un jeune. « Ouais mais bon, est-ce qu’on n’a pas plutôt intérêt à miser sur un type qui peut défoncer les macronistes quand il veut ? » Quelques commentaires qui, au fond, viennent souligner les avantages et défauts de chaque candidat : pour l’un, la liberté de la tribune dans l’ombre ; pour l’autre, les contraintes du pouvoir en pleine lumière.
« Laurent et Bruno ont enchaîné les conneries », estime une voix du parti. « Le premier aurait dû entrer au gouvernement. Le second l’a court-circuité pour la présidence du parti. Ça me désespère. » Un soutien de Laurent Wauquiez renchérit : « Bien sûr, on part de très loin, ça va être dur. Mais deux mois et demi, c’est long... », souffle-t-on, alors que le Congrès est prévu pour la mi-mai. Certains font le pari que le ministre de l’Intérieur se verra bientôt contraint par son statut : « S’il ne gagne pas ses différents rapports de force avec Macron, ça va passer pour de l’impuissance et il va perdre de son capital. Et s’il claque la porte en disant qu’il n’a pas les mains libres ? Eh bien, mon gars, il t’a fallu six mois pour t’en rendre compte ? », glisse un connaisseur des arcanes du parti. « Dire “j’ai fait ce que j’ai pu”, ça ne fait pas un président» , siffle-t-on dans le premier cercle de Wauquiez.
«Les petits barons profitent de la vague retailliste pour se faire Wauquiez»
Car bien sûr, derrière tout cela, se joue la présidentielle à venir. Ce n’est guère assumé par les principaux intéressés, mais les camps Retailleau et Wauquiez se préparent. Chacun sa mise en scène. Laurent Wauquiez, lui, a choisi de se faire accompagner par son épouse, Charlotte. Laquelle, de plus en plus impliquée dans la campagne, parle avec quelques sympathisants réunis autour dans un bar ce mercredi soir. Tout en leur assurant de la motivation de son mari. « Je lui donne quelques conseils mais je n’ai pas son talent , certifie-t-elle. C’est l’homme de la lumière quand moi, je suis plutôt du côté de l’ombre. »
Mais s’agissant de 2027, « ce n’est pas le moment d’y penser, l’erreur serait d’enjamber les étapes », martèle Laurent Wauquiez auprès du Figaro . Le député de Haute-Loire a, depuis le début, veillé à préciser que le président de parti ne serait pas automatiquement le candidat de la droite pour la prochaine présidentielle. Même si, « oui évidemment, ça va de pair », glisse un élu. « Mais il est trop tôt pour l’assumer. Je pense qu’il ne se sent encore très fragile dans l’opinion. » Au Figaro , Laurent Wauquiez précise : « Il y a une très grosse différence entre (Bruno Retailleau) et moi : je suis contre la primaire, ce système importé des socialistes qui lézarde le parti dans des déchirements internes. Lui est pour. Et il a autour de lui des soutiens qui y sont très favorables... » Le député de Haute-Loire vise nommément Xavier Bertrand ou encore David Lisnard. « Les petits barons profitent de la vague retailliste du moment pour se faire Wauquiez , glisse un soutien du député de Haute-Loire. S’il veut s’entourer de petits opportunistes aux ambitions présidentielles évidentes et avancer sur une planche pourrie, grand bien lui fasse ! » Le ton est donné.
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