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A Ajaccio, des collégiens sensibilisés au phénomène de la mafia
information fournie par AFP 18/12/2025 à 11:45

Un journaliste prend des notes au cours de la présentation d'un parcours pédagogique inédit de sensibilisation de collégiens aux pratiques mafieuses, à Ajaccio, le 16 décembre 2025 ( AFP / Pascal POCHARD-CASABIANCA )

Un journaliste prend des notes au cours de la présentation d'un parcours pédagogique inédit de sensibilisation de collégiens aux pratiques mafieuses, à Ajaccio, le 16 décembre 2025 ( AFP / Pascal POCHARD-CASABIANCA )

"Assassinat, secret, argent, vengeance, parrain..." Le "nuage de mots" associé à "la mafia" par les élèves d'une classe de 4e du collège du Stiletto d'Ajaccio a impressionné leurs professeures, lors de la première session de "sensibilisation" à la mafia en Corse.

"Il faut faire prendre conscience de la réalité de l'île", indique le recteur de l'académie de Corse, Rémi-François Paolini, en présentant mardi la première expérimentation de ce parcours pédagogique inédit de sensibilisation aux pratiques mafieuses, qui sera proposé à partir de mars aux 16.000 élèves de la 4e à la terminale.

Sur l'île, qui détient le record de France métropolitaine du nombre d'homicides rapporté à la population, 20 équipes criminelles exercent une "emprise de type mafieux" en tentant de "dominer les activités légales" les plus juteuses, estimait il y quelques mois la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) dans une note consultée par l'AFP.

Le cours introductif d'une heure est mené par deux professeures volontaires - une de français et une d'histoire-géographie - et retransmis par visioconférence dans la salle voisine aux journalistes et aux membres du comité de pilotage mêlant académie, justice, préfecture et collectivité de Corse, qui sont allés en Italie en novembre observer un enseignement similaire.

- Bandes violentes -

Devant deux fresques -sans légende- des juges italiens Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, assassinés à Palerme en 1992, et de Chloé Aldrovandi, une étudiante assassinée le 15 février 2025 à Ponte Leccia (Haute-Corse), les élèves les identifient rapidement. "C'est à cause de la mafia", propose l'un d'eux.

"Est-ce qu'il y a ici des bandes violentes ?", interroge l'enseignante.

"Le FLNC" (Front de libération nationale corse: NDLR), répond un adolescent. "Il y a eu de la violence dans les années 80-90 avec le FLNC mais ce n'est pas du tout la même chose, c'était des violences nationalistes", recadre l'une des professeures.

Et concernant l'étudiante, "les enquêteurs pensent que les tueurs se sont trompés de cible", précise-t-elle.

Puis les professeures inscrivent "mafia" au tableau et le flot des mots des élèves déferle: "Trafic de drogue, organisation criminelle, assassinat, vol, armes, braquage, meurtre, secret, riche, argent, vengeance, caché, méchant, illégal, tueur, police, identité, nourrice, enquête, violence, menace, leader, parrain, racket, international, chantage, représailles, rançon, peur, menace, prison, témoin, interrogatoire, injuste".

Les élèves rédigent alors en duo "leur propre définition" de la mafia à l'aide de ce "nuage de mots".

- Citoyen de demain -

Puis se penchent sur la "définition officielle" retenue par l'académie et énoncée par le conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse: "tout groupement formé en bande organisée établi en vue d'infiltrer la société civile et les institutions en usant de toutes formes de violences (physiques ou morales), de corruption, de contraintes (...) pour commettre des crimes et des délits ou pour influer sur les choix individuels ou collectifs des citoyens, et/ou des décideurs, et/ou des élus, et de la société corse".

"C'est quoi la corruption ?", demande une élève. "C'est donner de l'argent pour obtenir une faveur. Par exemple, tu me donnes 200 euros et je te mets une bonne note", répond malicieusement la professeure.

Un reportage vidéo de l'AFP, diffusé par le quotidien Le Monde, sur la manifestation antimafia du 15 novembre à Ajaccio est projeté.

Les deux collectifs antimafia, Massimu Susini et "Maffia no, a vita ié" (non à la mafia, oui à la vie: NDLR) ont été créés "pour essayer d'organiser la lutte contre la mafia" dans l'île, précisent les professeures, indiquant que 18 assassinats et 16 tentatives ont eu lieu en 2024 et que ces dernières années "17 chefs d'entreprise et 12 élus" y ont été assassinés.

Quel droit fondamental menace la mafia ? "Le droit d'être en sécurité", avance une petite voix. "La liberté d'entreprendre", propose un autre.

"Jamais, on ne pensait qu'ils en savaient autant", a ensuite confié aux journalistes -qui n'ont pas pu échanger avec les élèves- Cathy Albertini-Muracciole, la professeure de français qui travaille à "former le citoyen de demain".

"Ce n'est pas surprenant, ils vivent dans la société corse, ils en font partie, ils ne sont ni aveugle ni sourd", ajoute sa collègue, Anna Arrighi, pour qui "le but" de "ces cours-là est qu'ils puissent apprendre à réfléchir et comprendre la société dans laquelle ils vivent".

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