Le philosophe allemand Arthur Schopenhauer a dit un jour que « toute vérité franchit trois étapes. Dabord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence ».
Souvenez-vous, nous sommes en janvier 2007. Tous les éléments de la crise à venir sont déjà là, mais les cassandres sont rapidement taxés de déclinologues, de pessimistes stupides, incapables dimaginer la puissance des interventions des autorités monétaires et des banques centrales. Les Etats sont relativement peu endettés. Les dettes souveraines sont donc bien sûr lactif à détenir en priorité.
Certitude illustrée par lexpression du « Fly to quality » cest-à-dire la fuite vers la « qualité ». Chaque secousse boursière entraîne des arbitrages massifs des marchés actions vers les obligations dEtat réputés « invulnérables ».
Nous étions dans la première étape décrite par Schopenhauer. Celle où lon ridiculise ceux émettant des doutes sur la solidité et la pérennité financière des grands Etats.
Puis est venue la grande crise de 2008. Celle qui nécessita des milliards deuros et de dollars de plans de relance, de création monétaire, de dépenses sociales. Les déficits se creusèrent rapidement dune façon jamais imaginée par lensemble des observateurs économiques. Pris sous le double feu de rentrées fiscales en bernes et de dépenses de soutien massives, le trou ne pouvait être quabyssal. Fin 2010, lidée dune faillite généralisée des Etats occidentaux ne subit plus quune opposition molle. « Non, non, quand même, un Etat ne fait jamais vraiment faillite, quand même, dailleurs la croissance repart aux Etats-Unis, cest tout de même la première économie mondiale ». Exact. Retenez ce chiffre 2.9% cest le taux de croissance de léconomie américaine en 2010. Retenez-le bien, nous y reviendrons.
La croissance ne soigne pas la crise
Malgré ces 2.9% (quil faut bien retenir!) le chômage ne baisse pas, mais alors pas du tout. Certains esprits chagrins, qui regardent le véritable chiffre du chômage aux USA (celui publié par la Fed et qui comptabilise aussi les personnes véritablement en recherche demploi mais ne recevant plus dindemnisation) osent même affirmer que ce taux atteint le record de plus de 17.4% !! Tout de même. Malgré ces 2.9% (de croissance), environ 43 millions daméricains ne mangent chaque jour que grâce aux « Food Stamps » qui sont des « timbres de nourriture » donnés aux plus pauvres et permettant dacheter dans des magasins lalimentation nécessaire. Cest une version moderne des soupes populaires qui évite les images choc de files dattente interminables de tous ces chômeurs miséreux et affamés. Bref les « food stamps » cest un croisement entre les tickets de rationnement et les tickets restaurants.
Partons maintenant au royaume de la perfide albion. Nos amis Anglais ont eu la brillante idée délire un nouveau Premier Ministre « conservateur » Monsieur Cameron. Ce dernier affirme que « Si vous ne traitez pas la dette, vous naurez jamais de croissance. » Son principal opposant le « travailliste » Ed Miliband répond : « Si vous navez pas de croissance, vous ne viendrez pas à bout de la dette ».
Voilà un beau débat. Comment sortir de cette crise ? Peut-on retrouver de la croissance ? En dépensant plus dans des plans de relance pour stimuler léconomie comme le préconise lami travailliste ? Pourquoi pas
mais avec 11% de déficit, difficile de dépenser plus sans faire immédiatement faillite.
Alors le Premier Ministre conservateur explore la seule piste laissant théoriquement encore un peu despoir
celle de la rigueur. On coupe toutes les dépenses. Pas un peu. Vraiment beaucoup. Les fonctionnaires on dégraisse (490 000 en moins tout de même jusquen 2015). Les frais de scolarité ? On triple, quadruple ou quintuple. Les enseignants ? On supprime. Les parents nauront quà sorganiser pour faire classe à leurs enfants. Remarquez au train où vont les choses là bas, des parents disponibles ce nest pas ce qui va manquer dans les prochains mois.
Fortes dettes + récession = insolvabilité
Est-ce bien ou mal ? Peu importe en terme éthique (bien que le débat soit passionnant). Mais en terme économique est-ce que cela va marcher ? Est-ce que la cure daustérité va déclencher une « saine » croissance ?
La réponse à cet instant est claire et sans appel. Non. Le Royaume-Uni est ré-entré en récession. Pas officiellement car il faut trois trimestres de « croissance négative » comme dirait Madame Lagarde pour considérer officiellement une économie en récession. Nous ne sommes quà un trimestre. Le premier. Or qui dit récession, dit, baisse des rentrées fiscales
. et ça pour payer des dettes ayant atteint des niveaux monstrueux ce nest pas la meilleure des nouvelles. Car en résumé fortes dettes + récession = insolvabilité.
Oui mais regardez. Retournons aux Etats-Unis dAmérique. Vous vous souvenez de notre chiffre de 2.9% de croissance (celui quil ne fallait pas oublier !) ? Et bien justement voilà une raison despérer. Les Américains ont décidé, contrairement aux Anglais de laisser « filer » les déficits pour stimuler la croissance. Et ça marche, 2.9% de croissance ! Eh bien au risque de doucher quelques belles espérances cela ne marche pas. Pourquoi ? Trois chiffres :
Les 2.9% de croissance représentent un montant daugmentation du PIB américain de 541 milliards de dollars. Pour créer ces 541 milliards de dollars de nouvelles richesses, les autorités politiques et monétaires ont créée
1 700 milliards de dollar de nouvelles dettes. En clair pour créer 1 dollar de croissance, il faut 3.14 dollars de nouvelles dettes.
Dès lors deux constats.
- La dette saccroît plus vite que la richesse créée avec ces nouvelles dettes.
- Léconomie mondiale nest plus capable de créer de la croissance sans dette.
La « rilance » le dernier espoir de lhumanité ?
Et en 2011-2012, nous rentrerons dans la dernière étape de la vérité selon Arthur Schopenhauer. La faillite des Etats sera « considérée comme ayant été une évidence ». Le monde sapercevra de linsolvabilité généralisée des Etats occidentaux. Soit parce que les plans de relance auront créé une dette trop importante
soit parce que les plans de rigueur auront créé des dettes trop importantes, le résultat final étant sensiblement le même en données corrigées des dégât sociaux et humains entraînés par les plans daustérité.
Les deux voies nous mènent droit à linsolvabilité. Le seul avantage des plans de rigueur, cest quils permettent de gagner du temps.
Tout le monde a pu constater que les plans de relance menaient à la catastrophe. Les plans de rigueur disposent de 12 à 24 mois pour convaincre ou montrer quils ne marcheront pas mieux
.
Il reste la voie française. Celle de Madame Lagarde. La voie de la « Rilance ». Mi rigueur-mi relance, mi-ange, mi-démon. La Rilance voilà le dernier espoir de lhumanité. Un peu mince nest-ce pas ?