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« La Chine est-elle une économie de marché ? » (Cercle des économistes)
information fournie par Boursorama 18/01/2016 à 10:54

Les conditions sont-elles réunies pour faire de la Chine une économie de marché ? Les réponses de Jacques Mistral (Cercle des économistes).

Les conditions sont-elles réunies pour faire de la Chine une économie de marché ? Les réponses de Jacques Mistral (Cercle des économistes).

La Chine est au centre d'une double actualité. Elle préoccupe les marchés financiers et fait l'objet de négociations entre pays européens. Ces derniers viennent en effet de lancer les discussions pour savoir s'il faut, ou non, lui reconnaître le statut d'économie de marché. Selon Jacques Mistral, l'Europe va devoir pratiquer une gymnastique diplomatique.

La Chine, une économie de marché ? La question peut paraître saugrenue. La Chine est la deuxième économie mondiale par la taille, sa part du marché mondial est en croissance régulière, preuve de sa compétitivité. Du coup, on a qualifié de « capitalisme rouge » le régime créé par Deng Xiao Ping, quelle preuve supplémentaire faudrait-il pour la qualifier « d'économie de marché » ? En fait, la question n'est pas économique, elle a une origine juridique et son enjeu n'est rien moins que géopolitique. Explication.

Tout commence avec l'adhésion de la Chine à l'organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Les accords commerciaux visent, de manière générale, à organiser l'ouverture des marchés nationaux les uns aux autres en établissant des règles qui assurent une concurrence loyale. La Chine a très efficacement su tirer parti de cet accord qui a permis ses extraordinaires succès à l'exportation. Mais l'accord contenait aussi des dispositions provisoires pour éviter les pratiques concurrentielles déloyales qualifiées de « dumping ».

Le « dumping » est une politique industrielle et commerciale d'inspiration mercantiliste qui pratique des prix artificiellement bas à l'exportation en ayant pour but d'exporter plus, de dégager une balance commerciale excédentaire et de créer des emplois (sous-entendu au détriment de ses partenaires). Pour protéger les économies plus avancées de ces pratiques, l'accord de 2001 disposait que la Chine n'était pas encore une « économie de marché » parce qu'elle ne respectait pas des règles suffisamment  transparentes ; d'où l'autorisation donnée aux  pays destinataires des exportations chinoises d'introduire sous certaines conditions des mesures « anti-dumping » et, par exemple, l'ouverture de 52 procédures de ce type par l'Union européenne, couvrant 1,4% des exportations chinoises (ce qui est peu).

De cet accord découle maintenant un problème de calendrier.  Il était en effet prévu que la Chine mettrait en œuvre les réformes nécessaires pour que le statut d'économie de marché, qui mettrait fin à ces procédures dérogatoires, lui soit accordé en 2016. À quoi reconnaît-on une économie de marché ? Il faut qu'y soit proscrite la manipulation par l'Etat du système des prix. Les principaux points à observer sont donc la liberté des changes qui fixe la parité de la monnaie sans intervention administrative, des marchés financiers ouverts, qui alloueront les capitaux en fonction de leur meilleur usage, l'absence de subventions, protections, mesures dérogatoires ou avantages fiscaux donnant des avantages artificiels à telle ou telle activité. Ces conditions sont-elles réunies en Chine ? La réponse courte est négative.

C'est de là que découle l'aspect géopolitique de la question car la Chine tient énormément au statut d'économie de marché, surtout pour des raisons symboliques, c'est-à-dire pour parachever la reconnaissance de son accession au club fermé des économies les plus puissantes de la planète. Et quand la Chine s'est fixée un objectif, elle sait utiliser tous les moyens de pression à sa disposition pour faire avancer ses pions.

La Chine pourrait-elle par exemple menacer d'accentuer, plutôt que d'atténuer comme elle le fait actuellement, la tendance à la dépréciation du Renminbi qui inquiète aujourd'hui les marchés des changes ? En face, les économies avancées redoutent les pertes d'emploi que cette porte encore plus grande ouverte aux exportations chinoises ne manquerait pas de provoquer, surtout dans une conjoncture de ralentissement de la croissance chinoise.

Les Etats-Unis sont radicalement opposés à donner ce statut à l'économie chinoise, l'Union européenne aura comme d'habitude de la peine à parler d'une seule voix, les deux principaux partenaires de la Chine sont  divisés. On le voit, ce ne sont pas les économistes qui trancheront finalement la question posée !

Jacques Mistral

Jacques Mistral est Senior fellow de la Brookings Institution à Washington et Conseiller spécial à l'IFRI (l'Institut Français des Relations Internationales), président de l'Association Paul Ricoeur et directeur indépendant de BNP Paribas Cardif. Ses principaux domaines d'expertise sont l'économie et la finance internationale, les politiques macro-économiques, les Etats-Unis, la Chine et l'Eurozone.

Le Cercle des économistes a été créé en 1992 avec pour objectif ambitieux de nourrir le débat économique. Grâce à la diversité des opinions de ses 30 membres, tous universitaires assurant ou ayant assuré des fonctions publiques ou privées, le Cercle des économistes est aujourd'hui un acteur reconnu du monde économique. Le succès de l'initiative repose sur une conviction commune : l'importance d'un débat ouvert, attentif aux faits et à la rigueur des analyses. Retrouvez tous les rendez-vous du Cercle des économistes sur leur site .

2 commentaires

  • 19 janvier 15:45

    Excellent sujet de thèse pour un diplôme d'études universitaires. La réponse est en effet, comme on peut le lire dans l'article, partiellement oui, et partiellement non : thèse, antithèse, synthèse : tous les ingrédients y sont !


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