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Jean-François Mouney : «Une biotech ne peut rien faire sans deux ans de trésorerie devant elle»
information fournie par Boursorama 30/10/2017 à 13:05

Pour le dirigeant de Genfit, il faut il faut investir dans les biotechs "avec une vraie philosophie et des convictions fortes sur des fondamentaux". (crédit : Genfit)

Pour le dirigeant de Genfit, il faut il faut investir dans les biotechs "avec une vraie philosophie et des convictions fortes sur des fondamentaux". (crédit : Genfit)

La biotech lilloise a récemment participé au congrès de l'AASLD qui s'est déroulé à Washington du 20 au 24 octobre dernier. A l'issue de cet événement, c'est l'occasion de faire le point avec son dirigeant, Jean-François Mouney, sur les perspectives de Genfit mais aussi de recueillir son analyse sur l'évolution du secteur depuis le début de l'année.

Boursorama : Genfit a récemment participé au congrès de l’AASLD, le rendez-vous incontournable des sociétés de santé qui travaillent sur les pathologies du foie. Avez-vous senti un intérêt croissant pour les développements de Genfit et principalement pour Elafibranor ?
Jean-François Mouney : Ce qui ressort effectivement de façon claire de cet événement international, c’est que la Nash est devenue un sujet incontournable dominant tous les débats. Elle a clairement pris la place de l’hépatite, pathologie pour laquelle il existe désormais des solutions efficaces. Par ailleurs, la Nash est omniprésente à deux niveaux : bien entendu celui des traitements thérapeutiques en développement, mais aussi celui lié aux solutions de diagnostic basées sur les biomarqueurs. Sur ce dernier point, Genfit est considéré comme l’un des acteurs les plus avancés, les plus reconnus au sein d’un paysage concurrentiel en effervescence. Lors des éditions précédentes de l’AASLD, nous avions le sentiment qu’il demeurait encore au sein de la communauté des KOLs (NDLR : Key Opinion Leader, leader d'opinion scientifique) une hésitation pour savoir quelles solutions allaient être en mesure de prendre ce marché : les dispositifs d’imagerie (NDLR : nouvelles générations d’échographes etc.) ou les solutions de diagnostic in vitro ? Cette année, c’est acté : le premier diagnostic simple qui permettra de trier et d’identifier facilement les patients nécessitant un traitement sera le diagnostic sanguin in vitro. Quant à l’imagerie, elle  n’arrivera que dans un second temps pour élucider les cas les plus complexes et douteux. Ce constat est un énorme encouragement pour Genfit qui s’est très tôt positionné sur les biomarqueurs sanguins. Si nous parvenons à nos fins dans ce domaine, ces biomarqueurs deviendront incontournables. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase d’industrialisation de ces solutions et nous avançons rapidement en vue de leur approbation par les différentes agences de santé. Ainsi, en tout début d’année prochaine, nous serons présents à la FDA pour une réunion de pré-submission. Parallèlement, nous sommes aussi en discussion avec différents groupes industriels spécialisés dans le domaine du diagnostic, dans l’optique d’une collaboration avec eux, car l’objectif de Genfit consiste à proposer un dispositif à large diffusion. A ce jour, nous espérons une approbation de ce diagnostic sanguin vers 2020-2021, soit environ au même moment que la mise sur le marché souhaitée pour Elafibranor.
Sur la partie thérapeutique, les choses sont également devenues plus claires : la communauté scientifique et médicale s’accorde pour expliquer que bloquer la fibrose du foie est certes une bonne chose, mais loin d’être suffisante, puisque c’est l’élimination de la cause sous-jacente, c’est-à-dire la Nash elle-même, qui permettra d’obtenir des bénéfices imparables chez les patients Nash. Enfin, un dernier point relevé lors de l’AASLD : l’intérêt des combinaisons de traitements pour combattre plus efficacement les différents aspects de la pathologie ressort de plus en plus comme une évidence. Là encore, il s’agit d’un élément très positif pour nous, car Genfit a toujours anticipé sur ce terrain, en testant et validant les synergies possibles entre différentes molécules. Nous avons par exemple testé les synergies entre elafibranor et NTZ (nitazoxanide), un candidat de notre portefeuille qui devrait prochainement entrer en phase 2 dans la fibrose. L’efficacité et le profil de sécurité d’emploi d’elafibranor, combinés à des bénéfices sur les facteurs de risque cardiovasculaire et à une bonne tolérance, en font un excellent candidat « first-line therapy » (NDLR : traitement de première intention) auquel pourront s’adjoindre d’autres traitements.

Boursorama : Vous avez émis pour 180 millions d’euros d’océanes. Peut-on revenir sur l’utilisation de ce cash ? Beaucoup de particuliers espèrent que cette levée de fonds sera la dernière avant la commercialisation d’elafibranor. Que pouvez-vous leur répondre ?
Jean-François Mouney : Il faut bien comprendre pourquoi nous procédons à ces opérations de financement. Et dans un premier temps, je rappelle que l’essentiel de la commercialisation d’Elafibranor se fera au travers d’alliances avec des industriels. Il est en effet dommage de constater que certains investisseurs individuels ont tendance à conclure hâtivement que si Genfit lève de l’argent, cela exprime notre volonté d’aller seul au marché. De même, si Genfit recrute des ressources dans le marketing, c’est que nous n’envisagerions plus de collaborations commerciales. Ce type de raisonnement est totalement faux. Ce qu’il est essentiel de bien comprendre, c’est qu’aujourd’hui une biotech ne disposant pas d’une solide trésorerie a moins d’alternatives qui s’offrent à elle, et jouit d’une liberté de choix restreinte en matière de partenariats ou de stratégie de développement du pipeline.
Si aujourd’hui Genfit a pu se lancer dans la Nash non seulement chez l’adulte mais aussi dans le domaine pédiatrique, dans le diagnostic, dans la CBP (cholangite biliaire primitive), dans la fibrose avec le lancement dans quelques mois d’une phase II de NTZ, c’est précisément parce qu’elle s’est donné les moyens de disposer de financements pour le faire. Alors vous comprendrez qu’un raisonnement qui consisterait à calculer un montant de trésorerie permettant tout juste de couvrir la période de développement d’un médicament n’a aucun sens. Il faut voir plus large, s’inscrire dans la durée, anticiper. Nos principaux actionnaires comprennent parfaitement cette vision. D’ailleurs, je ne m’interdis pas, le moment venu et en cas d’alignement des planètes, si vous permettez l’expression, de lancer d’autres opérations, notamment une introduction sur le Nasdaq. Les Etats-Unis seront comme vous le savez le premier marché d’Elafibranor. La question du financement fait parfois peur aux petits porteurs individuels, mais ils doivent garder en tête que notre émission d’océanes a été un très large succès : elle a été sursouscrite bien au-delà du montant initialement visé. Et il est particulièrement intéressant de constater que les nouveaux investisseurs qui se sont engagés auprès de nous à cette occasion l’ont fait sur base des fondamentaux de Genfit, étudiés en détail.

Boursorama : Si on revient sur les fondamentaux justement et sur Elafibranor. Où en êtes-vous du recrutement des patients de l’étude de phase III RESOLVE-IT ? Vous venez d’annoncer dans une lettre adressée à vos actionnaires que vous en étiez à 762 patients recrutés. Etes-vous toujours calé sur le même calendrier ?
Jean-François Mouney : Nous continuons à penser que les résultats principaux seront rendus publics au second semestre 2019. Il n’y a aucune raison aujourd’hui pour que cet agenda ne soit pas tenu. Concernant le recrutement des patients, nous sommes sur le rythme que nous nous sommes fixés, avec deux derniers mois qui ont été particulièrement prolifiques sur ce plan. Mais en même temps nous avons beaucoup appris de la phase IIb et des effets délétères induits par les petits centres cliniques qui n’avaient recruté que peu de patients. Pour l’étude RESOLVE-IT, nous sommes et resterons extrêmement prudents et vigilants sur la suite de recrutement, afin de respecter l’ensemble des équilibres prévus au protocole, afin de préserver un ensemble homogène et représentatif de la population qui sera traitée. Pour illustrer le propos, nous sommes par exemple extrêmement attentifs au fait de ne pas avoir de très fort déséquilibres entre les sexes, une surreprésentation de certaines origines ethniques, ou encore un ratio de patients diabétiques loin de la réalité clinique. Nous souhaitons des résultats de Phase III clairs et limpides pour augmenter nos chances d’obtenir une autorisation de mise sur le marché dans des délais courts. Les centres ouverts sont désormais très nombreux et pour la plupart très actifs, et Elafibranor dispose par ailleurs d’un grand capital confiance auprès des cliniciens et des patients, ce qui n’est peut-être pas le cas d’autres candidats médicaments en phase clinique.

Boursorama : Beaucoup de vos concurrents, comme Allergan ou Gilead, ont d’ailleurs connu des revers dans le développement de leur candidat médicament dans la Nash. C’est aussi bien sûr le cas d’Intercept, avec les craintes récemment exprimées par la FDA quant à la sécurité d’emploi d’Ocaliva. Pensez-vous qu’à travers les difficultés d’Intercept, c’est toute la question de la tolérance de la classe entière des agonistes FXR qui est posée ? Pensez-vous être désormais en tête de la course pour être le premier sur le marché de la Nash ?
Jean-François Mouney : Concernant Allergan, il s’agit comme vous le savez d’un groupe assez puissant ayant racheté Tobira à la surprise générale, après l’échec de l’alliance avec Pfizer. Le candidat de Tobira était au milieu d’une phase IIb qui n’avait rien démontré de particulier sur la Nash, en dépit d’un rationnel spécifique sur cette cible. Les résultats intermédiaires de cette étude avaient fait ressortir, de l’avis général des KOLs, des données plutôt mitigées. Depuis que s’est-il passé ? Allergan a lancé son étude de phase III avec ce produit et nous constatons aujourd’hui que les effets de ce candidat-médicament sur la Nash sont toujours inexistants, mais surtout que l’effet sur la fibrose a totalement disparu après deux ans de traitement. Ce manque d’efficacité sur la durée est inquiétant dans le contexte d’une maladie chronique, et pose bien des questions. L’une des hypothèses, souvent mise en avant depuis l’annonce des résultats de cenicriviroc, consiste à considérer que la Nash n’étant pas éliminée, l’inflammation et la dégénérescence des cellules s’amplifient et engendrent une formation de collagène (NDLR : fibrose) que cenicriviroc, après 2 ans, ne parvient plus à endiguer.
Du côté de Gilead, les résultats récents obtenus avec GS-0976 ne le sont que sur la stéatose, un critère non pertinent pour les phases III, d’autant plus que les résultats ne sont pas basés sur une lecture histologique de biopsies, mais sur une technique d’imagerie médicale. En outre, le composé semble induire une augmentation des triglycérides, posant potentiellement un problème de sécurité d’emploi.
Enfin, concernant Intercept, certains observateurs semblent considérer qu’un «black box warning» (NDLR : avertissements encadrés en noir et mettant en garde contre des effets secondaires potentiellement mortels de certains traitements) potentiel de la FDA dans la CBP affectera également la molécule dans la Nash. D’autres ne le pensent pas. Pour ma part, je me garderai bien de toute conclusion définitive. Intercept finira peut-être son essai de phase III avant Genfit, d’autant plus que leur étude ne porte plus que sur 750 patients et qu’ils l’ont commencée plus tôt. Mais il ne faut pas oublier que les agences de santé ont une obsession, celle de la sécurité des traitements mis sur le marché. Et concernant Ocaliva d’Intercept, la FDA a déjà signalé le décès de plusieurs patients atteints de CBP, et les problématiques de dosage ne semblent pas tout expliquer.
Je reste donc prudent, mais je confirme qu’Elafibranor est plutôt bien positionné pour devenir un traitement qui sera prescrit en première intention. Chez Genfit, nous ne sommes pas focalisés ni obsédés par le «first on the market», d’autant que rien n’est joué, mais plutôt par le «best on the market» car il s’agira là d’un véritable levier d’adoption pour la molécule. Par ailleurs, comme indiqué plus tôt, nous croyons beaucoup aux combinaisons de produits utilisant Elafibranor comme pierre angulaire.

Boursorama : Genfit est une valeur comptant beaucoup de petits porteurs à son capital. Ils ont une relation passionnée voire passionnelle avec votre société, ce qui peut avoir autant d’aspects positifs que négatifs pour Genfit avec parfois des particuliers qui ne mâchent pas leurs mots notamment sur les forums de Boursorama et qui critiquent ouvertement votre stratégie voire votre direction. Qu’avez-vous envie de leur dire. D’être patient ? De mieux accepter l’idée qu’investir dans une biotech n’est pas tout à fait un placement comme un autre ?
Jean-François Mouney :
Un investissement dans une biotech n’est pas un investissement comme un autre, c’est certain. Une biotech comme Genfit ne peut pas totalement maîtriser – et encore moins «écraser» – son agenda juste pour satisfaire à des exigences d’investisseurs individuels parfois peu éduqués quant aux enjeux et aux process qui dictent les développements cliniques ou la vie boursière. Par ailleurs, il ne faut pas appréhender les levées de fonds que sous l’angle de la dilution potentielle, ni avec une logique binaire consistant à considérer que si nous levons de l’argent, c’est pour y aller seul. Autre exemple, réfléchir aujourd’hui aux questions de market access ou de pricing n’est pas une attitude contradictoire avec le fait de chercher des partenaires. Bien au contraire. Lorsque vous discutez avec des acteurs majeurs de l’industrie pharmaceutique, ce type de questions occupe une place déterminante. Je comprends bien sûr que certains de nos actionnaires individuels soient déçus lorsque Genfit n’est pas cité comme un acteur majeur dans la Nash par certains analystes ou médias américains. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle nous musclons nos équipes en France et aux Etats-Unis. Concernant la capitalisation boursière de Genfit, ce n’est pas mon rôle de la commenter, mais je vous mentirais en disant que le cours actuel de Genfit ne m’interpelle pas, il me lamente même. Force est de constater que la situation est compliquée pour tout le monde, dès lors qu’une mécanique de contagion s’installe suite à des résultats mitigés d’autres sociétés hexagonales. Cela a pu inciter certains actionnaires individuels à se détourner – je l’espère temporairement – de l’ensemble du secteur des biotechs. Les mauvaises nouvelles de sociétés de biotechnologies inquiètent souvent les petits porteurs, car ils ne disposent en général pas des bons outils ni des bonnes grilles de lecture pour faire la part des choses entre les différents dossiers. Alors oui, je pense que c’est un domaine dans lequel il faut investir avec une vraie philosophie, des convictions fortes sur des fondamentaux, tout en sachant reconnaître les vrais signes de marchés. Et parmi ces signes, on peut bien sûr évoquer les difficultés rencontrées par nos concurrents directs, qui renforcent évidemment notre positionnement concurrentiel. Mais on doit également rappeler quelles sont nos propres forces, et ne pas oublier le nombre important d’étapes cruciales que nous avons déjà su franchir avec succès.

Boursorama : Alors que depuis six mois, Genfit a perdu plus de 25% sans newsflow négatif...
Jean-François Mouney : Ce qui est paradoxal, c’est que je qualifierais même notre newsflow de très positif ! Mais encore une fois et pour ne prendre que cet exemple, la levée de fonds que nous venons de réaliser – pourtant assez extraordinaire par son montant pour le secteur et moins dilutive que certaines de celles que nous avons réalisé par le passé – a quand même suscité des réactions négatives de la part de certains investisseurs individuels sur le forum Boursorama. Tout en les respectant, je considère qu’il s’agit là d’un manque de connaissance du secteur, de réalisme, de volonté et d’ambition, qui contraste avec les comportements beaucoup plus supportifs constatés de l’autre côté de l’Atlantique. Cela montre à quel point il est nécessaire d’expliquer et réexpliquer les spécificités de notre secteur. En revanche, ce n’est pour autant que j’accepte les attaques personnelles violentes et excessives dont je suis parfois l’objet sur les forums ou les réseaux sociaux. Par ailleurs et enfin, je pense que, comme toutes les valeurs à risque, il ne faut pas sous-estimer l’exposition particulière des valeurs biotech à la gestion indicielle qui peut entraîner une volatilité importante sur des horizons de court terme.

Boursorama : Avec le demi-échec de DBV en phase III, avez-vous le sentiment que tous les espoirs du secteur des biotechs reposent désormais sur vous ?
Jean-François Mouney : Vous avez tout à fait raison de parler de demi-échec. Beaucoup d’observateurs restent en effet persuadés que DBV, qui est une très belle biotech de mon point de vue, obtiendra d’une façon ou d’autre une autorisation de mise sur le marché pour son produit. Alors certes, je crois comprendre que les résultats de leur dernier essai ne sont pas à la hauteur des espoirs du marché, et que ce dernier a eu plutôt tendance à considérer le verre à moitié vide. Et je peux concevoir que cette relative mauvaise nouvelle puisse impacter tout le secteur car dans mes discussions avec d’autres dirigeants de biotechs en France, beaucoup me disent : «Pourvu que Genfit et DBV réussissent.» Dans ce contexte où les regards se tournent un peu plus vers nous, je pense simplement que notre responsabilité est d’être encore plus pédagogue et de veiller à ne pas faire de promesses intenables afin que les bonnes nouvelles puissent être considérées à leur juste mesure.

Propos recueillis par Laurent Grassin (redaction@boursorama.fr)

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4 commentaires

  • 14 novembre 23:19

    C'est vrai ... mais il faudrait qu'elle finisse par mettre sur le marché un "produit" un jour ou l'autre ...sinon cette hypothèse est sans valeur


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