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Ces locataires vivent dans des logements de moins de 6 m²
information fournie par Le Figaro 28/09/2018 à 06:00

REPORTAGE - Deux locataires, victimes d’un marchand de sommeil, ont accepté d’ouvrir leurs portes et de témoigner leur désarroi et même leur «honte» de vivre dans des micro-logements insalubres.

Le ministère de la Cohésion des territoires en a fait l’un de ses chevaux de bataille: lutter contre les marchands de sommeil. La prochaine loi logement renforce les sanctions contre ceux que le secrétaire d’État à la Cohésion des territoires désigne comme des «criminels». «Frapper les marchands de sommeil au portefeuille, c’est bien mais ce n’est pas suffisant, répond Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Une vraie politique de lutte contre l’habitat indigne est indispensable».

La fondation réclame au gouvernement ainsi «plus de moyens pour repérer les logements indignes, les porter devant la justice et accompagner les locataires dans la durée». Elle déplore ainsi le manque de ressources dont disposent certaines collectivités pour traquer les marchands de sommeil.

L’un d’entre eux sévit avenue Jean Moulin, au cœur du XIVe arrondissement de Paris. «Par cupidité, ce retraité octogénaire, qui détient une SCI (société civile immobilière), est propriétaire d’un immeuble où une dizaine de logements sont considérés comme indignes. Et pourtant, de l’extérieur, rien ne le laisse supposer: la façade est dans un état acceptable. À l’intérieur, le hall d’entrée est plutôt bien entretenu. Idem pour la cage d’escalier, jusqu’au troisième étage. «L’insalubrité a changé de visage, explique Ian Brossat, adjoint de la maire de Paris, chargé du logement. Ce ne sont plus les copropriétés qui sont insalubres mais des lots de copropriété».

Visualisez où se trouve l’immeuble avec cette carte de Paris

Au quatrième étage, l’escalier et les couloirs deviennent exigus. Les toilettes, sur un balcon extérieur, que se partagent les locataires sont dans un état déplorable. Le pire reste à venir: une dizaine de logements entre 0,9 et 6 m² sont loués entre 250 et 450 euros par mois. Or, le seuil minimal fixé par la loi est de 9 m². Nous avons pu rencontrer deux locataires qui ont accepté de témoigner devant la presse.

Voici leurs témoignages:

• Linda, 28 ans, aide à domicile, vit dans un logement de 4 m² (voir illustration principale)

«Je vis dans ce logement depuis un an. Je le loue 480 euros par mois. Je gagne 1100 euros par mois. J’ai fait une demande de logement social. J’attends toujours la réponse de la mairie. Vivre dans ce logement est un stress permanent. Rien n’est organisé. Toutes mes affaires sont par terre. J’ai des problèmes de dos. L’hiver, il fait très froid. L’été, je ne peux pas vivre à l’intérieur. J’essaie de sortir quand je peux. Mais j’ai honte de parler de ma situation aux autres. Je n’en ai parlé ni à mes amis, ni à mes proches. La plus grande difficulté pour moi est de partager les toilettes communes avec des hommes.»

• José, 71 ans, à la retraite depuis 15 jours, vit dans un logement de 0,9 m²

«Je vis dans ce logement depuis 1994. J’ai répondu à une annonce publique qui proposait un logement de 15 m². J’ai cru la dame de l’agence immobilière sur parole.» Vingt-quatre ans plus tard, José vit dans un logement, loué 250 euros par mois, tout juste éclairé par un vasistas vétuste qui fuit depuis 15 ans . «Je mets des torchons tout autour de l’ouverture quand il se met à pleuvoir mais dès qu’il y a un gros orage, le sol est inondé». Après avoir changé «dix fois de matelas», José a dû se résoudre à ne plus dormir sur un matelas. «Je dors par terre, sur des coussins et dans un sac de couchage» qu’il entasse dans un gros sac de voyage. Pour aller chercher ses affaires ou traquer les souris, le retraité doit marcher à quatre pattes.

Lorsqu’on lui demande ce qu’il compte faire désormais, cet ancien bibliothécaire-chercheur péruvien au salaire de 2000 euros par mois préfère se soucier de l’avenir de ses voisins. «Ce qui me fait le plus mal, c’est de voir qu’il y a des gens plus jeunes qui logent dans des petits espaces. Je souhaite que tous mes voisins puissent trouver un logement décent. Moi, je suis vieux...». Le propriétaire n’a jamais voulu réparer son vasistas et pourtant José dit avoir de «très bons rapports» avec lui. «Cette personne manque toutefois de psychologie pour comprendre que nous ne pouvons pas vivre avec des fuites sur la tête», reconnait-il toutefois. Et de conclure: «Le propriétaire est dans l’obligation de me reloger mais il ne me fait que des propositions ridicules».

Quelles décisions pour les locataires?

Entre juin et septembre 2018, trois arrêtés d’interdiction d’occupation concernant les appartements de l’immeuble, dont celui de José, ont finalement été publiés. Les locataires de ces logements n’ont plus à payer le loyer. Mais une seule personne a pour l’instant été relogée par la préfecture, selon la Fondation Abbé Pierre.

Quelque 5000 signalements de logements insalubres sont recensés chaque année aux services de la mairie de Paris, selon des représentants de la mairie du XIVe arrondissement. La ville a également comptabilisé plus de 7000 chambres de moins de neuf mètres carrés dans la capitale française, selon la Fondation Abbé Pierre.

Que dit la loi? Que risque le propriétaire?

Ce projet de loi Élan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) prévoit également des peines complémentaires de confiscation des biens et d’interdiction d’acquisition de nouveaux biens immobiliers pendant dix ans (au lieu de cinq aujourd’hui).

Louer un habitat indigne est désormais considéré comme un délit, à l’instar du trafic de drogue ou d’alcool (article 1649 quater-0 B bis du Code général des impôts). Les propriétaires indélicats risquent cinq ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende pour «hébergement incompatible avec la dignité humaine» ou encore 3 ans de prison et 100.000 euros d’amende pour «perception indue de loyers, selon le Code pénal.

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