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Même si les débats sur la retraite ont été mis sur pause, ils reviendront sur le devant de la scène. Souvent, la retraite par répartition est présentée comme plus sûre que la retraite par capitalisation soumise aux aléas des marchés financiers. Qu'en est-il vraiment ? Existe-t-il vraiment un système plus sûr que l'autre ? ou chaque système a-t-il des risques propres ?
La retraite par capitalisation est un des serpents de mer des réformes des retraites. Dans ce domaine inflammable et hautement passionnel, les tenants et les opposants d'un système ou de l'autre avancent les avantages de leur système de prédilection et les dangers posés par la solution rivale.
Lors des dernières discussions, que le premier ministre d'alors avait nommées « conclave », la question d'une dose de capitalisation a été évoquée. Cette proposition a été rapidement remise sous la table, en même temps que le conclave entre les partenaires sociaux s'achevait sur un constat d'échec. Les pistes suggérées par son successeur Sébastien Lecornu sur la question des retraites n'incluent pas l'introduction d'une dose de capitalisation, tant la mesure compte de farouches opposants. Après avoir étudié la rentabilité des deux systèmes, nous proposons d'étudier les risques inhérents à la répartition et à la capitalisation.
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Le rapport entre cotisants et cotisés
Toutes choses égales par ailleurs (notamment si la productivité du travail est inchangée), l'augmentation du nombre de retraités par rapport au nombre de cotisants dégrade la situation financière d'un système en répartition. Cette augmentation peut avoir plusieurs origines :
- l'allongement de l'espérance de vie qui est un choc démographique durable qui accroît le nombre de retraités (on parle de vieillissement « par le haut » de la population) ;
- symétriquement, la baisse du taux de fécondité réduit le nombre des cotisants après quelques décennies (on parle de « vieillissement par le bas » de la population).
Gare au baby-boom !
D'autres chocs sont transitoires, par exemple le baby-boom d'après-guerre qui a entraîné une très forte augmentation des naissances pendant un temps limité, entre 1945 et 1970.
Les chocs durables peuvent être absorbés par des « modifications paramétriques » du système (modification du taux de cotisation, du taux de remplacement ou de l'âge de départ à la retraite) alors que les chocs transitoires, comme un baby-boom, peuvent être absorbés par une accumulation de réserves dans le système par répartition lorsque les boomers sont actifs, réserves qui seront utilisées lorsque les boomers arrivent à la retraite.
Dangereuse inflation
Du côté des risques économiques, le ralentissement des progrès de productivité du travail (et, a fortiori, la baisse de cette productivité) réduit le rendement de la répartition : un choc de productivité a un impact analogue à un choc démographique. L'inflation est un autre risque si les paramètres du système ne s'ajustent que partiellement, ou avec retard, sur l'évolution des prix. L'indexation concerne les pensions versées aux retraités, sujet qui fait actuellement débat en France.
Mais il concerne également l'indexation des salaires portés au compte des cotisants, ce qui est moins connu. Au régime général en effet, la pension est calculée sur la base du salaire moyen perçu au cours des 25 meilleures années de carrière. Or un salaire de 1 800 euros perçu en 2000 n'est pas équivalent à un salaire de 1 800 euros perçu en 2025, car l'inflation depuis 2000 a érodé le pouvoir d'achat des 1 800 euros gagnés en 2000. Il faut donc indexer les salaires perçus chaque année, et le choix a été fait d'une indexation sur les prix, pour rendre comparables, en termes de pouvoir d'achat, les différents salaires de carrière.
Sous-indexation rendue nécessaire
Si le gouvernement suit le dernier avis du Comité de suivi des retraites préconisant une sous-indexation partielle et temporaire des pensions des retraités à l'horizon de 2030, il exposera les retraités au risque d'inflation.
Enfin, parce que la répartition instaure une solidarité entre les générations sur la base d'une réciprocité indirecte entre des générations passées, présentes et futures, elle est exposée à un risque politique. Le principe sous-jacent à la répartition est le suivant pour un individu : « J'accepte de cotiser pour les générations qui m'ont précédé (les retraités actuels) parce que je sais, ou j'anticipe, que les générations futures feront de même pour moi. »
La confiance en la répartition est étroitement liée à la confiance que l'on accorde à l'État. Celle-ci repose, en dernier lieu, sur la capacité de ce dernier à mutualiser des risques de toutes natures : démographiques (taille et durée de vie des générations…), économiques (emploi, salaires, taux d'intérêt…) et politiques (guerres…).
Capitalisation : qui assume le risque à la fin des fins ?
La capitalisation est exposée aux fluctuations des marchés financiers, et notamment aux risques de baisse brutale des cours des actions. On pourrait objecter que les krachs boursiers sont des événements rares. Mais, encore une fois, pour un individu donné, si ce risque rare se réalise, c'est sa survie à la retraite qui est en jeu s'il finance sa couverture vieillesse par de l'épargne retraite placée en actions.
Pour autant, même l'existence de risques financiers (c'est-à-dire le risque de perdre une partie des sommes qu'on place en épargne retraite) ne suffit pas à disqualifier la capitalisation. En effet, des techniques financières existent pour se couvrir contre ces risques financiers. C'est notamment le cas des fonds de pension à prestations définies qui s'engagent à verser des prestations de retraite d'un montant prédéterminé, par exemple un pourcentage du dernier salaire d'activité, ou de la moyenne des salaires perçus pendant la vie active, quel que soit le rendement financier des sommes placées en bourse.
Bien évidemment, pour pouvoir garantir un taux de remplacement quelles que soient les fluctuations en bourse, il faut que quelqu'un assume le risque financier, c'est-à-dire recapitalise le fonds de pension en cas de pertes sur les marchés. Et ce quelqu'un, c'est l'employeur qui a créé le fonds de pension pour ses salariés.
Les facteurs démographiques
On lit parfois que la capitalisation, à la différence de la répartition, est protégée contre les risques démographiques. C'est inexact, sauf dans un cas très particulier où les machines seraient parfaitement substituables aux humains.
Imaginons, par exemple, une réduction durable de la fécondité, qui entraînerait moins de naissances, puis une vingtaine d'années plus tard, moins d'actifs. Dans ce cas, comme les travailleurs deviennent plus rares, les salaires augmentent. Et comme le stock de capital devient relativement plus abondant par rapport au nombre de travailleurs employés, son rendement baisse et la capitalisation devient moins rentable.
Idem pour l'augmentation de l'espérance de vie : qu'on soit en répartition ou en capitalisation, un allongement de l'espérance de vie implique qu'on prélève plus sur la richesse produite chaque année pour financer la retraite des retraités (sous la forme de cotisation ou d'épargne supplémentaire) pour un niveau de vie des retraités inchangé, ou qu'on réduise les retraites à effort de financement inchangé.
Capitalisation et épargne nette
Parmi les arguments avancés pour promouvoir l'essor des fonds de pension en France figurent la mobilisation nécessaire d'une épargne longue, d'une part, et la reconquête souhaitée du capital des entreprises françaises par des investisseurs institutionnels nationaux, d'autre part. S'il est vrai que, dans un système fonctionnant en répartition pure, les cotisations ne constituent pas une épargne, car elles sont redistribuées sous forme de pensions aux retraités contemporains, la capitalisation collective n'induit pas une épargne nette structurelle.
En effet, les cotisants d'un régime fonctionnant en capitalisation pure achètent des titres financiers, mais les retraités vendent les titres accumulés pendant leur vie active. La capitalisation n'engendre une épargne nette positive que si l'épargne des actifs est supérieure à la désépargne des retraités. L'épargne nette susceptible d'être dégagée par un développement des fonds de pension dépend du poids relatif des cotisants par rapport aux retraités, ainsi que des supports d'épargne alternatifs.
Du patriotisme économique
Reste l'argument du patriotisme économique. Alors que les investisseurs étrangers ne contrôlent qu'environ 17 % du capital des entreprises américaines en 2023, les non-résidents détiennent 40,3 % de la capitalisation boursière des sociétés françaises du CAC 40 fin 2022. Pour les tentants du système par capitalisation, celui-ci est un moyen de drainer l'épargne des ménages vers les entreprises françaises.
Mais rien n'est moins sûr. Au bout du compte, l'instauration de fonds de pension ne suffira pas à inciter les Français à investir dans des actions d'entreprises françaises : tout dépend du choix de l'allocation stratégique des affiliés représentés dans les conseils d'administration des fonds, entre actions et obligations, françaises ou étrangères, et donc, in fine, de leur attitude vis-à-vis du risque.
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