( AFP / FABRICE COFFRINI )
La foire de l'art de Bâle ouvrira ses portes au public jeudi, après deux journées et demi réservées aux collectionneurs, et va permettre de prendre la température du marché de l'art contemporain, refroidi par les incertitudes économiques et géopolitiques.
Dès la semaine dernière, avant même que l'événement ne débute, des gros chiffres commençaient déjà à circuler, la galerie new-yorkaise Pace prévoyant de proposer une toile de Pablo Picasso à plus de 30 millions de dollars (25,8 millions d'euros).
Elle espère également trouver un acquéreur pour une oeuvre de la peintre et graveuse américaine Joan Mitchell aux environs de 15 à 20 millions de dollars, faisant fi de la récente tiédeur de la demande lors des enchères de printemps à New York.
Art Basel est un événement à part dans le monde l'art. Les galeries, artistes et riches collectionneurs se pressent chaque année à Bâle, en Suisse, pour participer à cette grand-messe où se scellent toujours de très grosses ventes.
En 2022, en pleine euphorie du marché de l'art, une sculpture de l'artiste franco-américaine Louise Bourgeois y avait trouvé preneur pour 40 millions de dollars.
L'année suivante, une autre de ses sculptures s'était vendue à 22,5 millions de dollars, tandis qu'en 2024 une toile de Joan Mitchell était partie à 20 millions de dollars.
L'édition 2025, qui réunit 289 galeries venues d'une quarantaine de pays, se tient cependant dans un climat beaucoup moins porteur. Car malgré des ventes à huit chiffres l'an passé, le marché de l'art dans son ensemble s'est déjà nettement replié en 2024.
Selon un rapport réalisé pour Art Basel par le cabinet Arts Economics et la banque suisse UBS, les ventes sur le marché de l'art ont décliné de 12% en 2024, à 57,5 milliards de dollars, après deux années de forte hausse en 2021 et 2022. Le marché avait toutefois donné des premiers signes d'essoufflement dès 2023.
- Valeurs sûres -
Ce repli a surtout touché les maisons d'enchères, avec un recul des ventes estimé à 20%, à 23,4 milliards de dollars, celles des galeries fléchissant de 6%, à 34,1 milliards de dollars.
L'an passé, la demande a été freinée par les incertitudes autour de nombreuses élections, qui se sont ajoutées aux incertitudes économiques, touchant en particulier les segments de prix les plus élevés, notamment les oeuvres à plus de 10 millions de dollars, d'après ce rapport.
Dans un classement des artistes contemporains les plus cotés aux enchères, la société d'assurances Hiscox constate également une chute de la demande pour les oeuvres récentes.
En 2024, la valeur des ventes pour les oeuvres créées après 2000 s'est contractée de 27%, les collectionneurs préférant celles plus anciennes d'artistes établis.
"Il y a une tendance aux valeurs refuges, à se repositionner sur des valeurs sûres", observe pour l'AFP Julie Hugues, responsable du marché de l'art chez cet assureur, qui note que les collectionneurs privilégient davantage les oeuvres sur lesquelles ils sont plus certains de la valeur de leur placement, au détriment des jeunes artistes.
Elle constate "un certain attentisme", d'autant que l'incertitude s'est encore amplifiée depuis début 2025, avec les tensions géopolitiques et multiples rebondissements autour des droits de douane de la Maison Blanche.
"Actuellement, il y a moins de transactions parce que tout le monde attend de voir ce qui va se passer", explique-t-elle.
La foire va donc être suivie de près par les professionnels du marché, même si elle est souvent considérée comme un thermomètre imparfait. Compte tenu de la qualité des pièces qui y sont présentées, de grosses ventes continuent souvent de s'y conclure, même quand le reste du marché faiblit.
Les galeries y apportent toujours leurs plus belles pièces, notamment pour sa section appelée Unlimited, qui regroupe les oeuvres de très grande taille, donnant à l'événement des allures de musée.
La foire accueillera d'abord les grands collectionneurs, puis ouvrira ses portes au public du 19 au 22 juin. L'an passé, l'événement avait attiré 91.000 visiteurs.
noo/jco
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