par Luc Cohen
La procédure judiciaire lancée par Donald Trump contre le Wall Street Journal au sujet d'un article sur le président américain et Jeffrey Epstein risque de se heurter à des obstacles, notamment parce qu'elle ne semble pas respecter la législation de la Floride en matière de délais pour les plaintes en diffamation, pensent des juristes.
Si sa plainte est acceptée, Donald Trump va en outre devoir apporter la preuve que le journal savait que son article était faux ou qu'il a agi avec un mépris flagrant pour la recherche de la vérité.
Cette plainte est la dernière en date d'une série de procédures déclenchées par le président des Etats-Unis contre divers médias et, selon des experts, cette attitude assumée pourrait avoir un effet dissuasif au sein de certaines rédactions sur leur couverture de l'administration Trump, quand bien même ces procédures n'aboutissent pas.
Donald Trump a déposé plainte vendredi devant le tribunal fédéral de Miami contre le Wall Street Journal (WSJ) et ses propriétaires, dont Rupert Murdoch, en réclamant au moins 10 milliards de dollars pour chacune des deux accusations de diffamation mises en avant. Selon le président américain, le quotidien l'a diffamé dans un article daté du 17 juillet selon lequel le nom de Donald Trump figure dans un album offert à Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003, accompagné d'un dessin à connotation sexuelle et d'une référence à des secrets partagés.
Reuters n'a pas pu vérifier de manière indépendante le contenu de cet article.
Un porte-parole de Dow Jones, propriétaire du WSJ, a déclaré que le groupe était confiant dans l'exactitude de ces affirmations et qu'il se défendrait avec force dans la procédure lancée à son encontre.
"LA PARTIE EST TERMINÉE"
Jeffrey Epstein s'est suicidé en prison en 2019 avant l'ouverture de son procès pour crimes sexuels. Il avait plaidé non coupable et la procédure a été abandonnée après sa mort.
Les adeptes de théories du complot dans cette affaire ont exhorté Donald Trump à rendre publics les dossiers d'enquête relatifs au défunt financier.
Selon deux avocats spécialistes des affaires de diffamation, Donald Trump semble ne pas avoir respecté le délai prévu par la législation floridienne, selon lequel toute personne portant plainte pour diffamation contre "un journal, une publication périodique ou tout autre support" doit prévenir la personne visée au moins cinq jours avant le dépôt de plainte.
Le juge chargé de l'affaire, Darrin Gayles, n'aurait ainsi d'autre choix que de rejeter la plainte si le Wall Street Journal le réclamait, selon les experts, même si Donald Trump aurait la possibilité de la redéposer dans un deuxième temps.
Le WSJ a publié son article le jeudi 17 juillet. Dans la plainte déposée vendredi, les avocats de Donald Trump disent que le journal a prévenu le président américain le mardi précédent de la parution à venir de cet article et qu'ils ont adressé un courriel le même jour au quotidien pour dénoncer un article faux et diffamatoire.
Cet enchaînement ne semble donc pas respecter le délai de cinq jours imposé en Floride, dit Marc Randazza, du cabinet Randazza Legal Group à Las Vegas, qui revendique plus de 20 années de pratique des plaintes en diffamation dans cet Etat.
"Je n'ai même pas besoin de regarder les mérites du dossier. La partie est terminée", affirme-t-il.
La Maison blanche a renvoyé les demandes de commentaires vers les avocats de Donald Trump, qui n'ont pas répondu dans l'immédiat.
Dow Jones a refusé de s'exprimer.
"OPÉRATION DE COMMUNICATION"
Outre cet obstacle des cinq jours, Donald Trump risque de peiner à apporter la preuve d'une "intention malveillante réelle" de la part du Wall Street Journal, pense Andrew Fleischman du cabinet Sessions & Fleischman à Atlanta.
Dans sa plainte, le président dit avoir prévenu le WSJ avant la publication de l'article que son contenu était faux.
Pour Andrew Fleischman, un désaccord sur la véracité d'une affirmation ne suffit pas à prouver une intention malveillante réelle et Donald Trump aurait à démontrer que le journal a délibérément menti.
Quant aux milliards de dollars d'indemnités réclamés par le président américain, c'est "une opération de communication" destinée à attirer l'attention, dit Andrew Fleischman, qui défend régulièrement des clients attaqués en diffamation.
Donald Trump a connu des fortunes variées dans les diverses procédures en justice lancées contre des médias. Les juges ne lui ont ainsi pas donné gain de cause face à CNN, au New York Times et au Washington Post. Plus récemment, ABC, propriété de Walt Disney DIS.N , et Paramount PARA.O , maison-mère de CBS, ont pour leur part préféré transiger.
(Rédigé par Luc Cohen à New York, avec Dietrich Knauth à New York, version française Bertrand Boucey, édité par Kate Entringer)
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