Selon le rapporteur général du Budget au Sénat, le gouvernement a "contourné la volonté du législateur" en vidant de sa substance une disposition s'attaquant à un montage d'évasion fiscale.

Jean-Francois Husson, le 17 novembre 2022, au Sénat ( AFP / BERTRAND GUAY )
La commission des Finances du Sénat s'est rendue jeudi 19 juin à Bercy pour exiger des clarifications sur un dispositif qui devait lutter contre le contournement de l’impôt sur les dividendes mais dont l'application par le gouvernement suscite des interrogations.
Le sénateur de Meurthe-et-Moselle Jean-François Husson (Les Républicains), rapporteur général du budget au Sénat, a mené dans la matinée un "contrôle sur pièces et sur place" au ministère de l'Economie et des finances, une opération qui permet aux parlementaires de demander la remise de notes internes et d'autres documents.
Il s'inquiète de voir vidé de sa substance un dispositif anti-fraudes pourtant adopté dans le dernier projet de loi de finances pour 2025, un mécanisme dont le Sénat était à l'initiative et qu'il avait déjà proposé en 2018, sans succès. "Le gouvernement a à nouveau contourné la volonté du législateur. Ca n'est pas entendable. Quand le Parlement vote, personne ne doit le piétiner, le contourner", s'est-il agacé, juste avant de rentrer dans le ministère.
Le dispositif entendait lutter contre un stratagème d'évasion fiscale reposant sur des échanges de titres appelé "CumCum". Il permet à certains actionnaires étrangers d'entreprises françaises de contourner l'imposition à la source sur les dividendes en confiant temporairement leurs actions à un tiers français, en l'occurrence une banque, contre une rétribution.
"On ne peut pas continuer dans un laisser-aller vis-à-vis des fraudeurs"
Le mécanisme voté dans le budget comblait cette brèche en imposant notamment que la retenue à la source s'applique aux "bénéficiaires effectifs" des produits distribués. Mais la commission des Finances du Sénat s'inquiète de la rédaction, en avril, d'un texte d'application dans le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), qui indique notamment que ce dispositif ne s'appliquerait pas sur les "marchés réglementés" lorsque "l'établissement payeur ne connaît effectivement pas sa contrepartie". Une exception que les sénateurs considèrent comme une brèche atténuant l'effet de la mesure.
Cette pratique dite "CumCum", qui fait l'objet en parallèle de plusieurs enquêtes ouvertes par le parquet national financier (PNF), représenterait selon les travaux du Sénat plusieurs centaines de millions d'euros de manque à gagner par an pour l'Etat. "Dans des temps où on va demander des efforts importants aux Français pour redresser les comptes, on ne peut pas continuer dans un laisser-aller vis-à-vis des fraudeurs", a insisté M. Husson.
4 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer