Le budget de la Sécurité sociale a été définitivement adopté lundi 4 décembre, l'ultime motion de censure déposée par la gauche à l'Assemblée nationale ayant été rejetée. Déficit, lutte contre les pénuries de médicaments, arrêts maladie, cannabis thérapeutique... Voici ce qu'il faut retenir.

( AFP / DENIS CHARLET )
C'est la fin d'un parcours jalonné de recours au 49.3 par le gouvernement, pour échapper aux tirs croisés des oppositions. Le Sénat, dominé par la droite, avait adopté une version largement remaniée de ce budget, contestant une trajectoire financière jugée irréaliste. Mais le gouvernement a rejeté l'essentiel de ses ajouts. Le déficit de la Sécurité sociale, désormais estimé à 8,7 milliards d'euros pour 2023, atteindrait 10,5 milliards toutes branches confondues en 2024 , selon les dernières estimations du gouvernement, qui conteste toute "austérité". Les comptes sont notamment plombés par les dépenses de l'assurance maladie. Le gouvernement prévoit de contenir leur hausse à 3,2%, grâce à des mesures d'économies sur les dépenses en médicaments, les laboratoires d'analyse ou encore les arrêts maladie.
Certaines crispent particulièrement les oppositions, comme la possibilité de suspendre les indemnités d'un assuré quand un médecin mandaté par l'employeur juge son arrêt de travail injustifié. D'autres mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sont plus consensuelles. C'est le cas de la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans ou du remboursement des protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans.
Pour mettre un coup de frein aux pertes de recettes liées aux exonérations de cotisations, le gouvernement a retenu une proposition de sa majorité gelant les seuils des plus hauts salaires éligibles.
Deux dossiers avaient plané sur les débats parlementaires, sans figurer dans le texte. Après avoir agité la menace d'une ponction dans les réserves du régime de retraite complémentaire de l'Agirc-Arrco , géré par les partenaires sociaux, le gouvernement a fini par reculer. Sans renoncer à demander une participation de ce régime aux revalorisations des petites pensions, l'exécutif a décidé de s'en remettre à des négociations entre patronat et syndicats.
L'éventuelle hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires des assurés , envisagée par le gouvernement sans être formalisée dans ce budget, a également cristallisé les débats.
Voici les principales mesures du PLFSS :
• 10,5 milliards d'euros de déficit en 2024
Le déficit de la Sécurité sociale est plus important que prévu dans la dernière loi de financement en avril. Il est estimé à 8,7 milliards d'euros en 2023, puis 10,5 milliards en 2024. Les comptes sont plombés notamment par la hausse des dépenses de l'Assurance maladie.
• 3,5 milliards d'économies
Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement prévoit de trouver 3,5 milliards d'économies dans les dépenses de l'Assurance maladie. En l'occurrence, 600 millions d'euros liés aux dépenses hospitalières, 1,3 milliard sur les produits de santé (essentiellement des baisses de prix des médicaments), 300 millions sur les soins de ville, en particulier les laboratoires d'analyses, et 1,25 milliard lié à la "responsabilisation" des professionnels et patients. Malgré cet effort, les dépenses d'assurance maladie représenteront 8,7% du PIB en 2024 , contre 8,2% avant la crise sanitaire du Covid-19.
• Lutter contre la fraude
Pour lutter contre la fraude aux cotisations sociales, le gouvernement veut s'attaquer à la "sous-déclaration" de chiffre d'affaires des micro-entrepreneurs employés par les plateformes numériques. Un manque à gagner évalué à 800 millions d'euros. D'ici à 2027, les plateformes devront directement prélever ces cotisations. Le texte crée aussi des délits d'incitation à la fraude sociale, et de promotion et de facilitation de la fraude.
• Contrôler les arrêts maladie
Pour lutter contre l'augmentation des dépenses liées aux arrêts maladie, le gouvernement renforce les pouvoirs de contrôle des entreprises. Le médecin contrôleur mandaté par l’employeur - médecin agréé - pourra faire suspendre le versement des indemnités au patient lorsqu'il estime l'arrêt injustifié. La caisse d'assurance maladie pourra éventuellement décider de procéder à un deuxième examen. Le texte limite aussi à trois jours la durée des arrêts prescrits par téléconsultation (sauf exceptions, notamment pour le médecin traitant).
• Des transports sanitaires partagés
Les patients qui refuseront une offre de transport sanitaire (véhicule sanitaire léger ou taxi conventionné) partagée avec un autre patient, sans raison médicale valable, devront faire l'avance de frais, et ne seront remboursés que sur la base du prix d'un transport partagé.
• Médicaments à l'unité pour lutter contre les pénuries
En cas de ruptures d'approvisionnement sur un médicament, la délivrance à l’unité pourra être rendue obligatoire par arrêté. Les pharmaciens devront alors délivrer "la quantité adaptée" plutôt qu'une boîte entière. Le gouvernement pourra aussi rendre obligatoire la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod), pour délivrer par exemple certains antibiotiques.
• Dépistage du CMV pour les femmes enceintes et surveillance de la dépression post-partum
Le texte rend systématique le dépistage chez les femmes enceintes du cytomégalovirus, un virus pouvant affecter le développement du foetus.
Une expérimentation de trois ans d'un parcours de soins dédié aux dépressions post-partum a également été ajoutée.
• Préservatifs et protections périodiques
Les protections périodiques réutilisables, c'est-à-dire les culottes et coupes menstruelles, seront désormais remboursées pour les femmes de moins de 26 ans et toutes les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire.
Le texte grave aussi dans la loi la gratuité des préservatifs pour tous les assurés de moins de 26 ans.
• Expérimentation du cannabis thérapeutique
Un "statut temporaire" de cinq ans est accordé au cannabis thérapeutique, dans l'attente d'une décision d'autorisation de mise sur le marché par les autorités européennes.
Déjà autorisé dans d'autres pays européens pour calmer la douleur et l'anxiété de certains patients, le cannabis médical ne l'est en France que dans le cadre d'une expérimentation qui doit se terminer le 26 mars.
• L'Agirc-Arrco épargnée
Le gouvernement n'a pas ponctionné le régime de retraite complémentaire des salariés du privé Agirc-Arrco, comme il en avait brandi la menace. Les partenaires sociaux, de leur côté, se sont engagés à travailler sur d'éventuelles mesures pour contribuer au financement de la hausse des petites pensions de leurs allocataires.
• Séances d'activité physique remboursées pour les malades du cancer
Pendant deux ans et à titre expérimental, l'Assurance maladie pourra rembourser des séances d'activité physique adaptée pour les malades du cancer.
• Pas de franchises médicales
Le gouvernement devra venir s'expliquer devant les commissions des Affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat avant tout projet qui consisterait à augmenter les franchises médicales. C'est-à-dire le reste à charge des assurés sociaux sur les boîtes de médicaments ou consultations chez le médecin.
• Hôpitaux : la tarification à l'acte revue
Le président Emmanuel Macron veut réduire la tarification à l'acte dans les hôpitaux. Introduite en 2003, elle est souvent accusée d'avoir poussé les établissements dans une course aux actes lucratifs et aux rendements.
Le budget de la Sécurité sociale 2024 introduit deux autres modes de financement , l'un basé sur des "objectifs de santé publique" et l'autre sur "des missions spécifiques". Mais cette réforme complexe ne commencera vraiment à être appliquée qu'au 1er janvier 2025.
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