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"Probablement qu'on meurt dans la Nièvre faute de médecins"
information fournie par Boursorama avec Media Services 16/01/2023 à 14:17

Avec un généraliste pour plus de 2.000 patients, le département de Bourgogne-Franche-Comté reste un désert médical, malgré le dispositif d'incitation lancé par le conseil départemental.

À l'hôpital de Nevers, il manque "une cinquantaine de médecins et au moins 35 infirmières". (Photo d'illustration) ( AFP / FRED SCHEIBER )

À l'hôpital de Nevers, il manque "une cinquantaine de médecins et au moins 35 infirmières". (Photo d'illustration) ( AFP / FRED SCHEIBER )

"Nous aurons des décès". Dans la Nièvre, le manque de médecins est tel qu'à partir du 26 janvier, des soignants viendront pour la journée en avion de Dijon , la capitale régionale. "On n'a plus aucun dermatologue, qu'un seul rhumatologue, un seul allergologue....", égrène Thierry Lemoine, président du Conseil de l'ordre des médecins de la Nièvre.

C'est l'un des départements de la diagonale du vide , qui compte un généraliste pour plus de 2.000 patients, contre 854 au niveau national. "Quinze à 20% des patients n'ont pas de médecin traitant". "On est face à une catastrophe sanitaire. Oui, probablement qu'on meurt dans la Nièvre faute de médecins", se désole le Dr Lemoine. "Nous aurons des décès. On en a déjà probablement eu", confirme Catherine Save, infirmière libérale installée depuis 1990 dans le bourg de La Machine. Cette ancienne cité minière d'environ 3.300 habitants perdra cet été son dernier généraliste, installé sur la rue principale entre deux commerces abandonnés.

"Aucune candidature"

"On va détecter des cancers en phase terminale, des détresses pulmonaires, des problèmes cardiaques trop tard..." , liste l'infirmière. Déjà, "il y a beaucoup moins de surveillance", par manque de médecins, avertit-elle. "On régresse, l'espérance de vie est plus courte ici". Sophie Bernier, la pharmacienne du bourg, se souvient, elle, de ce patient qui "a fini aux urgences pour des problèmes cardiaques car il n'avait plus de traitement", faute de médecin pour renouveler son ordonnance.

En dehors de La Machine, les médecins les plus proches sont à Decize, à une dizaine de kilomètres. Mais les deux seuls médecins restants dans ce village refusent tout nouveau patient et ne consultent pas à domicile . "Les petites mamies de 90 ans finissent aux urgences", déplore la pharmacienne de La Machine. "Sur 3.340 habitants, 843 ont plus de 70 ans", rappelle le maire Daniel Barbier (ex-PS). L'élu dit vivre "avec angoisse" le départ à la retraite en juillet, à 67 ans, du dernier généraliste du village, Dominique Raes. "C'est catastrophique", résume le Dr Raes. Il n'a pas trouvé de successeur : "Je n'ai reçu aucune candidature", se désole-t-il, en pointant du doigt le numerus clausus qui plafonné le nombre d'étudiants en médecine de 1971 à 2020. "Les pouvoirs publics savaient bien que les médecins allaient prendre leur retraite", enrage-t-il.

Le département offre 6.500 euros par mois pour 40 heures par semaine

"En 1992, quand je faisais mes études, un enseignant annonçait déjà un désert médical en 2015", abonde le Dr Lemoine, de l'Ordre des médecins. En attendant les effets de la réforme universitaire, la situation ne peut qu'empirer, "l'âge moyen des généralistes étant de 57 ans aujourd'hui".

"C'est alarmant" , reconnaît le président du département, Fabien Bazin (PS). Son département de 200.000 habitants a décidé de recruter des médecins, rétribués 6.500 euros brut par mois, pour un maximum de 40 heures par semaine. Vingt salariés devaient être embauchés en 2022, les cinq premiers dans le centre de santé de La Machine. Mais aucun candidat n'a encore montré le bout de son stéthoscope...

L'hôpital de Nevers manque aussi de bras

En attendant, les préfabriqués du "pôle santé" de La Machine, installé face à la petite poste du village, accueillent un médecin une demi-journée par semaine , quelques paramédicaux et des "massages de détente et relaxation", comme le promet une affichette sur la porte d'entrée. "Un constat d'échec", selon le maire. "On va y arriver", répond Fabien Bazin, qui annonce "deux recrutements" sous peu et des "discussions" pour faire valider les diplômes non européens de "cinq candidatures étrangères".

Faute de médecins, le dernier recours est l'hôpital de Nevers , le principal du département, avec près de mille lits. Mais lui aussi souffre d'une carence de personnel. "Il nous manque une cinquantaine de médecins et au moins 35 infirmières", résume Patrick Bertrand, président de la Commission médicale du Centre hospitalier de Nevers. "Ca me rappelle quand j'étais médecin dans les atolls en Polynésie, dans les années 1980, où il n'y avait pas de docteur", se rappelle-t-il dans un rire jaune. Faute de bras, "un quart" des lits en soins intensifs de cardiologie, son service, sont fermés.

"Qu'est-ce qu'on fait ? On laisse mourir les gens ?"

Un gâchis pour cet hôpital relativement neuf - ouvert en 1998 - et doté d'"équipements de très haut niveau", selon Yannick Chartier, secrétaire général du Groupement hospitalier chapeautant Nevers et ses annexes. "On a neuf blocs opératoires à Nevers mais seuls 4-5 tournent". Pour dénouer la crise, le maire et président de l'hôpital de Nevers, Denis Thuriot (LREM), a décidé de créer un pont aérien avec Dijon, à 200 km, soit 35 minutes de vol, au lieu des trois heures de voiture et un peu plus de deux en train.

Cela fera faire "des économies", selon lui : la rotation d'un avion de 10-15 places coûte 13.000 euros, alors que l'embauche d'intérimaires représente 3,5 millions d'euros par an pour l'hôpital plombé par un déficit annuel de 6 millions d'euros. "Une heure d'avion est 13 fois plus émettrice en CO2 qu'une heure de voiture", critiquent les écologistes du conseil départemental. "Mais qu'est-ce qu'on fait ?", répond le maire. "On laisse mourir les gens ?"

18 commentaires

  • 16 janvier 18:33

    Merci macron et autres qui ont détruit notre système de santé...bravo


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