L'écrivain Boualem Sansal pose à Paris le 4 septembre 2015 ( AFP / Joël SAGET )
Gracié par l'Algérie après un an de prison puis rentré en France mardi, l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal s'exprime pour la première fois depuis sa libération dimanche, dans une prise de parole très attendue et lourde d'enjeux diplomatiques.
Pour sa première intervention télévisée, il sera l'invité du journal de 20h de France 2 présenté par Laurent Delahousse.
L'interview est enregistrée. Une douzaine de minutes doivent être diffusées dans le JT, puis une version plus longue passera à 21h30 sur la chaîne d'information continue du groupe public, franceinfo.
Lundi, Boualem Sansal sera également l'invité de la matinale de France Inter à 08h20. Dimanche soir, la radio publique a publié sur son site un premier extrait vidéo de son interview.
"La prison, on peut s'y habituer, il ne faut pas croire que c'est si terrible que ça", dit l'écrivain. "On est obligé de garder sa souffrance pour soi. Les prisonniers ne communiquent pas sur ça, c'est le silence. On pleure dans sa cellule, le soir, tout seul, dans sa tête".
Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal, 81 ans, a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes.
L'écrivain, qui était au cœur d'une crise diplomatique entre Alger et Paris, est rentré en France mardi, après avoir d'abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux, et a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour. Un retour discret, qui s'est fait hors de la vue des médias.
- Le cas Gleizes -
Boualem Sansal "est conscient qu'il arrive dans un contexte profondément marqué par la difficulté de la relation franco-algérienne et que ce contexte pèse vraisemblablement sur son expression publique", a déclaré à l'AFP Arnaud Benedetti, fondateur de son comité de soutien, qui lui a parlé au téléphone vendredi.
Outre France 2 et France Inter, il devrait aussi s'exprimer dans un quotidien national, selon M. Benedetti.
"C'est un programme médias qui me paraît assez encadré", a jugé le fondateur du comité de soutien, présidé par l'ancienne ministre Noëlle Lenoir.
"On est dans un moment où la France essaie de reprendre langue d'une manière un peu plus apaisée avec l'Algérie que ces derniers mois, elle souhaite vraisemblablement que rien ne soit fait qui puisse venir entraver cette petite amorce de reprise de dialogue", a poursuivi M. Benedetti, en soulignant qu'il ne s'agissait que d'une "supputation".
"D'autant plus que le cas Sansal est aujourd'hui réglé mais que le cas Christophe Gleizes reste en instance au moins jusqu'au 3 décembre", a-t-il noté.
Collaborateur des magazines So Foot et Society, le journaliste Christophe Gleizes, 36 ans, a été condamné fin juin en première instance à sept ans de prison ferme en Algérie, notamment pour "apologie du terrorisme". Son procès en appel aura lieu le 3 décembre.
- "Parole scrutée "-
Boualem Sansal "est certainement conscient que sa parole sera scrutée, analysée, soupesée" et "il a certainement intériorisé ces paramètres avant sa prise de parole", a jugé M. Benedetti, tout en rappelant que l'écrivain "n'a jamais bridé son expression" par le passé.
Écrivain dissident admirateur de Camus et Orwell, polémiste révéré par les droites françaises, Boualem Sansal purgeait en Algérie une peine de cinq ans de prison notamment pour "atteinte à l'unité nationale".
Le romancier avait été condamné pour avoir notamment déclaré en octobre 2024 au média français d'extrême droite Frontières que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de régions appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.
Cet ancien haut fonctionnaire en Algérie avait été arrêté le 16 novembre 2024 à son arrivée à l'aéroport d'Alger avant d'être emprisonné, aggravant le froid diplomatique entre la France et son ancienne colonie.
Peu après sa libération, Boualem Sansal avait dit à son compatriote Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, qu'il espérait que les relations entre la France et l'Algérie allaient "évoluer", selon des propos rapportés dans Le Point par M. Daoud.
"Sa combativité morale m'a paru intacte", malgré "des hauts et des bas, ce qui est normal", a assuré M. Benedetti.

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