par Stephanie van den Berg
La Cour internationale de justice (CIJ) a déclaré mercredi dans un avis, à même de servir de base pour les futurs contentieux environnementaux, que les pays du monde devaient lutter contre la "menace urgente et existentielle" que représente le changement climatique en coopérant aux efforts destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Tous les pays doivent respecter leurs obligations climatiques et s'exposent, dans le cas contraire, à ce que d'autres pays affectés par le changement climatique entreprennent des procédures en justice pour obtenir réparation dans des cas spécifiques, a dit la plus haute juridiction onusienne.
La CIJ a souligné également que les pays ont obligation de prendre des mesures contraignantes afin de respecter les traités climatiques, ajoutant qu'il appartenait aux nations industrialisées de montrer l'exemple dans la lutte contre le changement climatique.
Cet avis consultatif publié par la CIJ a immédiatement été salué par les groupes de défense de l'environnement.
D'après des experts juridiques, il s'agit d'une victoire pour les Etats insulaires et de basse énergie, qui avaient demandé à la CIJ de clarifier les responsabilités des Etats.
"Les traités sur le changement climatique établissent des obligations strictes pour les Etats", a déclaré le juge Yuji Iwasawa, soulignant que ne pas respecter ces traités constituait une violation du droit international.
"Les Etats doivent coopérer pour parvenir à des objectifs concrets de réduction des émissions", a-t-il ajouté en lisant l'avis de la CIJ.
Yuji Iwasawa a appelé les pays à faire preuve de la plus grande ambition dans leurs projets de lutte contre le changement climatique et à respecter des normes collectives pour atteindre les objectifs fixés par l'accord de Paris signé en 2015, qui prévoit de maintenir le réchauffement mondial sous le seuil de 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux pré-industriels.
Dans le cadre du droit international, a-t-il dit, "le droit humain à un environnement propre, sain, et durable est essentiel à l'exercice d'autres droits fondamentaux".
Les émissions de gaz à effet de serre sont "sans équivoque" causées par l'activité humaine, qui n'est "pas limitée territorialement", a rappelé le juge de la CIJ en préambule.
"NOUVELLE ÈRE"
Bien qu'il ne soit pas contraignant, l'avis de la CIJ, à l'issue de délibérations de ses 15 juges, revêt un poids juridique et politique. Selon des experts juridiques, il sera impossible à l'avenir d'ignorer cet avis lors de procès climatiques.
"Il s'agit du début d'une nouvelle ère de responsabilité climatique à l'échelle mondiale", a réagi Danilo Garrido, conseil juridique de Greenpeace.
Sebastien Duyck, avocat au Centre pour le droit environnemental international, a déclaré que l'avis de la CIJ "ne clarifie pas seulement des règles existantes, il créé un élan juridique", notant que "si les Etats ont une obligation légale de prévenir les dommages climatiques, alors les victimes de ces dommages ont un droit à réparation".
L'avis de la CIJ "redéfinit ce qui est désormais comme juridiquement possible, exploitable et au bout du compte exécutoire", a-t-il ajouté.
L'Assemblée général de l'Onu avait demandé à la juridiction basée à La Haye aux Pays-Bas de répondre à deux questions : quelles sont les obligations des pays, dans le cadre du droit international, à protéger le climat des émissions de gaz à effet de serre ? Quelles sont les conséquences juridiques pour les pays qui nuisent au système climatique ?
Au cours d'audiences menées pendant deux semaines en décembre dernier par la CIJ, des pays riches du Nord ont déclaré aux juges que les traités existants sur le climat, dont l'accord de Paris, qui sont principalement non-contraignants, devaient servir de base pour déterminer les responsabilités des pays.
Des nations en développement et des petits Etats insulaires avaient appelé à des mesures plus fortes, dans certains cas juridiquement contraignantes, afin de réduire les émissions et que les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre fournissent des aides financières.
L'accord de Paris n'a pas suffi à enrayer l'augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En fin d'année dernière, dans son dernier rapport à date sur la question, l'Onu a déclaré que les politiques climatiques actuelles engendreraient d'ici 2100 un réchauffement climatique de plus de 3 degrés Celsius au-dessus des niveaux pré-industriels.
(Stephanie van den Berg, avec la contribution d'Ali Withers, Valerie Volcovici, Zoran Mikletic; version française Jean Terzian; édité par Augustin Turpin)
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