par Tom Balmforth
La Russie a attaqué ces derniers mois l'Ukraine avec un missile de croisière dont le développement secret a incité Donald Trump à se retirer d'un traité sur les armes nucléaires conclu avec Moscou au cours de son premier mandat de président des États-Unis, a déclaré le ministre ukrainien des Affaires étrangères.
Ces déclarations d'Andrii Sybiha constituent la première confirmation que la Russie a utilisé ce missile 9M729, lancé depuis le sol, que ce soit en Ukraine ou ailleurs.
La Russie a tiré ce missile en direction de l'Ukraine à 23 reprises depuis le mois d'août, a déclaré à Reuters un deuxième haut responsable ukrainien. Kyiv a aussi enregistré deux tirs de 9M729 par Moscou en 2022, selon cette source.
Le ministère russe de la Défense n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire.
Le 9M729 a conduit les États-Unis à quitter le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en 2019. Washington a fait valoir que ce missile constituait une violation du pacte conclu en 1987 - pendant la guerre froide - et pouvait voler bien au-delà de la limite de 500 km fixée par celui-ci, ce que la Russie a nié.
Ce missile capable de transporter une ogive nucléaire ou conventionnelle a une portée de 2.500 km, selon le site internet "Missile Threat" du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington.
Une source militaire a déclaré qu'un 9M729 tiré par la Russie le 5 octobre avait parcouru plus de 1.200 km jusqu'à son point d'impact en Ukraine.
"L'utilisation par la Russie du 9M729 interdit par le FNI contre l'Ukraine au cours des derniers mois démontre le manque de respect [du président russe Vladimir] Poutine envers les États-Unis et les efforts diplomatiques du président Trump pour mettre fin à la guerre de la Russie contre l'Ukraine", a dit Andrii Sybiha dans une déclaration écrite.
KYIV VEUT DES MISSILES TOMAHAWK
Kyiv soutient les propositions de paix du locataire de la Maison blanche et il est nécessaire d'exercer une pression maximale contre la Russie pour la pousser à mettre fin au conflit, a-t-il également déclaré à Reuters, affirmant que le renforcement de la puissance de feu à longue portée de l'Ukraine aiderait à convaincre Moscou.
L'Ukraine a demandé à Washington de lui fournir des missiles Tomahawk à longue portée, qui n'étaient pas interdits par le FNI car ils n'étaient lancés que depuis la mer à l'époque. La Russie estime qu'il s'agirait là d'une escalade dangereuse.
L'utilisation du 9M729 élargit l'arsenal russe d'armes à longue portée pour frapper l'Ukraine et s'inscrit dans un schéma qui voit Moscou envoyer des signaux menaçants à l'Europe alors que Donald Trump cherche un accord de paix, ont déclaré des analystes militaires occidentaux.
"Je pense que Poutine essaie de faire monter la pression dans le cadre des négociations sur l'Ukraine", a déclaré William Alberque, membre associé du groupe de réflexion Pacific Forum, ajoutant que le 9M729 était conçu pour frapper des cibles en Europe.
La Russie a testé la semaine dernière son missile de croisière Bourevestnik à propulsion nucléaire et a déclaré mercredi avoir également procédé à un test d'une torpille à propulsion nucléaire nommée Poséidon.
La Maison blanche n'a pas répondu à des questions relatives aux tirs de 9M729. Donald Trump a ordonné jeudi à l'armée américaine de reprendre les essais d'armes nucléaires, citant les programmes "d'autres pays" en la matière.
"UN PROBLÈME POUR LA SÉCURITÉ EUROPÉENNE"
Après le retrait des États-Unis du traité FNI, qui interdisait les missiles lancés depuis le sol d'une portée de 500 à 5.500 km, la Russie a déclaré un moratoire sur le déploiement de missiles à portée intermédiaire. Selon les pays occidentaux, Moscou avait déjà déployé des 9M729.
Le 4 août, peu avant le tir de 9M729 contre Ukraine, la Russie a déclaré qu'elle ne limiterait plus les lieux de déploiement des missiles dont la portée était concernée par le FNI et pouvant transporter des ogives nucléaires.
"S'il est démontré que la Russie utilise en Ukraine des missiles de portée FNI, qui pourraient facilement être nucléaires, il s'agit alors d'un problème pour la sécurité européenne et pas seulement pour l'Ukraine", a déclaré John Foreman, ancien attaché de défense britannique à Moscou et à Kyiv.
Le ministère ukrainien des Affaires étrangères n'a pas fourni de détails ni de dates concernant les tirs de 9M729.
Le haut responsable a déclaré que ceux-ci avaient commencé le 21 août, moins d'une semaine après un sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska.
DES IMAGES SEMBLENT PROUVER LES TIRS
Reuters a examiné des images de débris après une attaque russe au cours de laquelle un immeuble résidentiel a été touché et quatre personnes ont été tuées le 5 octobre dans le village ukrainien de Lapaïvka, à plus de 600 km du territoire russe.
Sur ces images, deux fragments de missiles marqués 9M729, dont un tube contenant des câbles, étaient visibles.
Jeffrey Lewis, chercheur émérite en sécurité mondiale au Middlebury College, a examiné les images avec des analystes et déclaré que le tube, le moteur et l'habillage du moteur correspondaient à ce qu'il attendait du 9M729, tandis que leur marquage rendait la correspondance encore plus probable.
La Russie dispose de plusieurs missiles capables d'atteindre l'Ukraine, notamment le Kalibr (lancé depuis la mer) et le Kh-101 (depuis l'air), mais Jeffrey Lewis estime que le 9M729 a d'autres atouts.
"Cela leur donne des axes d'attaque légèrement différents, ce qui complique la tâche des défenses aériennes, et cela augmente le nombre de missiles à la disposition des Russes", a-t-il déclaré.
Le FNI interdisait les missiles tirés depuis le sol car les lanceurs sont mobiles et relativement faciles à dissimuler.
Selon Douglas Barrie, chercheur en aéronautique militaire à l'Institut international d'études stratégiques, Moscou pourrait utiliser le 9M729 pour mener des frappes terrestres à partir de lieux de lancement plus sûrs situés plus à l'intérieur du territoire russe.
La Russie aurait également intérêt à tester le système dans un environnement de champ de bataille en Ukraine bien que 23 tirs impliqueraient un objectif militaire, a-t-il également déclaré.
(Avec la contribution de Jonathan Landay, version française Benjamin Mallet, édité par Kate Entringer)

 
                                            
                                            
                                         
                                            
                                            
                                         
                                            
                                            
                                         
                                            
                                            
                                        
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