(Coquille §14)
par John Irish et Sophie Louet
La France, confrontée à une montée de la criminalité liée au trafic de stupéfiants, a proposé jeudi à ses partenaires européens la création d'un régime de sanctions à l'échelle de l'Union européenne contre la criminalité organisée pour frapper "les organisations en haut de chaîne et au portefeuille".
La lutte contre le narcotrafic en France a connu un tournant avec l'assassinat, le 13 novembre à Marseille, de Mehdi Kessaci, 20 ans, le frère cadet d'Amine Kessaci, figure de la lutte anti-drogue, fondateur de l'association "Conscience".
Le ministre français de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a dénoncé un "crime d'intimidation" à l'issue d'une réunion mardi à l'Elysée, sous la présidence d'Emmanuel Macron, censée afficher la mobilisation de l'Etat contre ce fléau.
Jeudi, à l'occasion d'un déplacement à Marseille avec le ministre de la Justice Gérald Darmanin, Laurent Nuñez a concédé qu'il fallait "faire beaucoup plus" face à un "crime qui vise à faire peur et qui vise à atteindre la République et l'Etat".
Les deux ministres ont néanmoins nié un "échec collectif" en la matière. "C'est une guerre que nous menons. Nous gagnons des batailles et nous allons continuer à en gagner", a dit le ministre de l'Intérieur devant la presse, tandis que Gérald Darmanin assurait que l'Etat portait "des coups très durs contre le narcotrafic".
Cette "guerre" contre les "mafias marseillaises", notamment, Paris entend la porter au plan européen.
"Le narcotrafic déferle sur l’Europe et sur la France, avec des conséquences très graves, des menaces pour la santé publique et pour la sécurité", a souligné le chef de la diplomatie française, venu à Bruxelles plaider en faveur d'une action commune des Vingt-Sept.
Jean-Noël Barrot a présenté à ses homologues les modalités d'"un régime de sanctions contre la criminalité organisée transnationale" qu'il souhaite voir adopté "le plus rapidement possible", dans le sillage de la loi contre le narcotrafic adoptée en juin dernier par le Parlement français.
"LE MAL À LA RACINE"
"Ces sanctions viseront des criminels réfugiés à l’étranger et leurs soutiens, qu’ils soient responsables de trafics de stupéfiants, de trafics d’êtres humains, de migrants ou de trafics d’armes. Et ces sanctions permettront de les frapper là où ça fait mal, c’est-à-dire au portefeuille, pour éradiquer le mal à la racine", a-t-il déclaré aux journalistes.
Ce dispositif prévoit le gel des avoirs des criminels visés en Europe, l'interdiction des transactions financières et l'interdiction d'entrée sur le territoire de l'Union européenne, précise un document du ministère français des Affaires étrangères.
La France oeuvre en outre à des accords de coopération sécuritaire avec les pays de production et de transit de la drogue, singulièrement en Amérique latine et dans les Caraïbes. La cocaïne, drogue consommée selon les données officielles par plus d'un million de personnes en France, est principalement produite en Colombie, au Pérou et en Bolivie et transite vers l'Europe notamment par l'Equateur et le Brésil.
Le ministre français de la Justice a rappelé jeudi à Marseille que 2.000 personnes étaient mises en examen dans la cité phocéenne et près de 800 personnes étaient en détention pour des affaires relatives au narcotrafic.
Pour Gérald Darmanin, la menace liée à ce type de criminalité est "au moins équivalente à celle du terrorisme sur le territoire national".
La France se dotera en janvier d'un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) sur le modèle du parquet anti-terroriste.
Une marche blanche est prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci.
(Reportage John Irish, avec Sophie Louet, édité par Kate Entringer)

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