Selon les magistrats de la Rue Cambon, la trajectoire budgétaire voulue par le gouvernement comporte de grandes zones de flou, dont 17 milliards de prélèvements obligatoires dont la provenance reste à éclaircir.

(illustration) ( AFP / LUDOVIC MARIN )
Pour la Cour des comptes, la trajectoire budgétaire du gouvernement repose sur "des hausses importantes, mais implicites et non documentées, de prélèvements obligatoires" pour les deux prochaines années, font savoir les magistrats financiers lundi 15 juillet dans un épais rapport qui dresse un bilan préoccupant des comptes publics.
"Ce sont des chiffres qui sont ceux du programme de stabilité, qui prévoyaient en effet quelque 21 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires" , en cumul, pour les années 2025 et 2026, a expliqué le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lundi devant la presse.
"La trajectoire du programme de stabilité intègre donc des mesures de hausses d’impôts d’ampleur, à hauteur de 15,0 milliards d'euros en 2025 et de 6,2 milliards d'euros en 2026, soit 21,2 milliards à cet horizon", notent les magistrats financiers dans leur rapport.
"Notre ligne reste la stabilité fiscale", a répondu depuis Bruxelles le ministre de l'Economie et des finances, Bruno Le Maire.
Pour expliquer ces 21 milliards d'euros de prélèvements supplémentaire, le ministre met en avant la fin du bouclier tarifaire destiné à limiter les hausses des tarifs réglementés sur l'électricité, mis en place en 2022. Mais cette manne financière a bien été identifiée par la Cour des comptes, qui évalue le gain issu de l'extinction du bouclier tarifaire à "4 milliards d'euros en 2025".
Le Maire compte sur "l'élasticité" des prélèvements
"Pour le reste, on n'a aucun élément", relève Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes. "Ce n'est pas du tout documenté. Il n'y a absolument pas d’éléments précis pour dire à quoi ce serait dû" , poursuit-elle. Reste donc 17 milliards de prélèvements obligatoires dont la provenance est à éclaircir.
Pour cela, Bruno Le Maire mise sur un retour à "une élasticité plus normale que celle que nous avons connue en 2023". L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB correspond à la corrélation entre les deux données. Autrement dit, les prélèvements obligatoires augmentent de 1% quand le PIB progresse de 1%.
Pour l'année 2023, cet indicateur est de 0,4 - son plus faible niveau depuis 2013, ce qui signifie que les prélèvements obligatoires ont peu progressé par rapport à l'augmentation du PIB.

Évolution trimestrielle du PIB français depuis 2022 et prévisions de l'Insee pour les trois derniers trimestres de 2024, en % ( AFP / Sophie RAMIS )
"Le retour à une élasticité plus normale, non pas de 0,4 mais de l'ordre de 1 s'accompagne mécaniquement d'une augmentation des recettes fiscales. C'est ça qui explique en partie le chiffre des 21 milliards", indique Bruno Le Maire, qui mise donc sur un effet de rattrapage de l'élasticité pour les deux années à venir. Or, selon la Cour des comptes, ce n'est pas "le dynamisme spontané des impôts" qui "se traduirait par une hausse des prélèvements obligatoires".
Pour les magistrats financiers, la faible élasticité des prélèvements obligatoires au PIB en 2023 "traduit moins un accident qu'un retour à la normale", après une année 2022 où elle avait été "particulièrement dynamique", à 1,4.
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