Médecins et patients de l'hôpital Al Chifa pourraient sous peu être plongés dans le noir alors que le principal centre médical encore opérationnel dans la bande de Gaza dispose d'un approvisionnement en carburant de plus en plus réduit, ont déclaré mercredi des médecins et responsables sanitaires.
Après 21 mois de siège total par Israël de l'enclave palestinienne en réponse à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, avec des pénuries de nourriture, médicaments et autres biens de première nécessité dans le petit territoire de 2,3 millions d'habitants, l'hôpital Al Chifa pourrait être bientôt paralysé, avec un danger imminent pour les patients, ont-ils prévenu.
La menace ne vient pas "d'un bombardement ou d'un missile, mais d'un siège qui restreint l'entrée de carburant", a déclaré à Reuters le directeur général du ministère gazaoui de la Santé, le docteur Mouneer Alboursh.
Cette pénurie de carburant "prive ces personnes vulnérables de leur droit basique à des soins médicaux, transformant l'hôpital en cimetière silencieux", a-t-il ajouté à propos d'Al Chifa, situé dans la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien.
Des responsables médicaux et des groupes de défense des droits de l'homme ont accusé Israël de cibler délibérément les hôpitaux de la bande de Gaza, des accusations rejetées par les autorités israéliennes.
L'Etat hébreu a accusé de son côté le Hamas d'avoir installé des centres de commandement à l'intérieur et sous les centres médicaux, ce que nie le groupe armé palestinien.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 600 attaques ont frappé des centres médicaux depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.
L'OMS, qui n'a pas attribué ces attaques, a averti par le passé que le secteur de la santé dans l'enclave palestinienne était "à genoux" du fait de la pénurie de carburant et de fournitures médicales ainsi que des arrivées incessantes de groupes de victimes.
A peine la moitié des 36 hôpitaux généraux de la bande de Gaza sont encore opérationnels, seulement partiellement, d'après l'organisation onusienne.
"UN HÔPITAL SANS OXYGÈNE N'EST PLUS UN HÔPITAL"
Le directeur de l'hôpital Al Chifa a prévenu mercredi d'une catastrophe humanitaire provoquée par la pénurie de carburant, qui menace directement les activités de l'hôpital et le système d'approvisionnement en eau.
Le docteur Mouhammad Abou Salamiyah a accusé Israël d'approvisionner "au compte-gouttes" les hôpitaux gazaouis en carburant.
Aucun commentaire n'a été obtenu dans l'immédiat auprès de l'agence de l'armée israélienne chargée de la coordination de l'aide.
Mouhammad Abou Salamiyah a déclaré que le service de dialyse de l'hôpital Al Chifa avait été fermé afin de privilégier les unités de soins intensifs et les blocs opératoires, qui ne peuvent pas être privés d'électricité, même pour quelques minutes seulement.
Il a rapporté qu'environ une centaine de nourrissons prématurés étaient en grave danger de mort dans les hôpitaux de la ville de Gaza.
"Les stations d'oxygène vont cesser de fonctionner", a-t-il dit. "Un hôpital sans oxygène n'est plus un hôpital. Le laboratoire et les banques de sang vont fermer", a-t-il ajouté, prévenant que l'hôpital Al Chifa pourrait devenir "un cimetière pour ceux qui sont à l'intérieur".
Dans le sud de la bande de Gaza, les responsables du complexe médical Nasser, situé à Khan Younès, se demandent également comment faire face à la crise du carburant.
Le porte-parole de l'hôpital a déclaré que 4.500 litres de carburant étaient nécessaires quotidiennement pour le fonctionnement de l'hôpital. Celui-ci n'en a plus que 3.000 litres, a indiqué Mohammed Sakr.
Les interventions chirurgicales sont effectuées sans électricité ni air conditionné, a ajouté le porte-parole, avec le risque que la sueur du personnel médical s'infiltre dans les plaies des patients.
Un porte-parole de l'Unicef, James Elder, récemment revenu de la bande de Gaza, a déclaré à Genève que "vous pouvez avoir le meilleur personnel médical au monde, s'il n'a pas accès aux médicaments et antidouleurs ni même désormais à la possibilité d'avoir de la lumière dans l'hôpital (...), cela devient impossible".
(Mashmoud Issa et Hussam El Masri à Gaza, Ali Sawafta à Ramallah, avec la contribution d'Emma Farge et Olivia Le Poidevin à Genève; version française Jean Terzian)
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer