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«Financer l’effort de guerre sans augmenter les impôts, c’est possible !»
information fournie par Le Figaro 07/03/2025 à 16:52

La hausse significative du budget de notre défense, annoncé par le président de la République, se heurte à la situation dramatique de nos comptes publics. Mais nos leviers sont nombreux, estiment les économistes Nicolas Bouzou et Bertrand Martinot.

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste. Il a fondé le cabinet d’études économiques Asterès. Il a récemment publié La Civilisation de la peur (XO Éditions, 2024). Bertrand Martinot est économiste, conseiller à l’Institut Montaigne et spécialiste du travail et des questions sociales.

Le président de la République a annoncé dans son allocution de mercredi soir une hausse significative de nos dépenses militaires. Cette décision intervient dans un contexte où la Russie risque de profiter de la volte-face stratégique des États-Unis en sa faveur pour reconstituer ses forces et atteindre ses objectifs hégémoniques sur l’Est de l’Europe. Le calcul qui consiste à investir massivement dans notre défense pour dissuader une attaque ultérieure est évidemment le bon. Si ce raisonnement est correct du point de vue géopolitique, il l’est également du point de vue économique : investir maintenant pour protéger notre continent et notre pays et faire en sorte que nos enfants vivent en paix coûtera moins d’argent que si nous devons faire face à des conflits de haute intensité.

Il reste que les finances publiques de la France sont dégradées et que nos prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés au monde . Sur les marchés obligataires, les taux d’intérêt se tendent et sont à présent supérieurs à la somme du taux de croissance économique et de l’inflation, ce qui alourdit mécaniquement les charges d’intérêt de la dette dans le budget de l’État. En d’autres termes, un «quoi qu’il en coûte» militaire à l’image de la stratégie suivie durant le Covid est aujourd’hui exclu. L’effort à réaliser doit se faire sans remettre en cause nos objectifs de réduction des déficits publics et sans augmenter les prélèvements obligatoires. La première façon d’être en mesure de mieux nous défendre est de bénéficier d’une économie dynamique grâce à des entreprises performantes. Cela suppose de renouer sans faiblir avec une politique de l’offre et une politique industrielle.

Le budget de la défense est aujourd’hui légèrement supérieur à 50 milliards d’euros. Le ministre des Armées aimerait progressivement l’amener à 90 milliards . Cette ambition ne paraîtrait pas démesurée et pourrait se régler par un surcroît d’endettement si nous ne partions pas d’un déficit public de 6 points de PIB et d’un niveau d’endettement inédit depuis les années 1930. Ce ne sera donc possible qu’à la condition de renouveler complètement notre approche budgétaire et même notre vision politique du rôle de l’État – plus généralement de l’ensemble de la sphère publique. La situation géopolitique actuelle ne fait finalement que révéler ce que nous refusions obstinément de voir : la France est un pays ultra-interventionniste, ultra-protecteur et ultra-administré qui a en partie sacrifié ses dépenses régaliennes depuis le début des années 1980, tout particulièrement les politiques de sécurité. Il y a là un rééquilibrage à opérer. Comme le disent les Anglo-Saxons, nous devons alléger le welfare state pour renforcer le warfare state .

Bien entendu, il faut distinguer le court terme et le long terme. À l’horizon de quelques années, une revue sans complaisance des dépenses de l’État, des collectivités locales, de notre système de santé mais aussi celles de l’Union européenne pourraient offrir une contribution essentielle au redressement de nos finances publiques. Nous pourrions ainsi réorienter nos ressources vers les dépenses militaires et, au-delà, vers notre tissu productif. Au même horizon, il nous faudrait revoir toutes les réglementations, dispositifs fiscaux et politiques sociales qui découragent le travail et l’accroissement de sa durée (taxation du travail, régime des heures supplémentaires, allégements de charges, assurance chômage, système de retraite, etc.) permettrait d’augmenter notre quantité de travail, de redresser nos comptes publics, tout en améliorant le pouvoir d’achat des salariés.

À l’horizon d’un an, les leviers sont beaucoup moins nombreux. L’un d’entre eux pourrait être la désindexation temporaire de toutes les prestations sociales. Afin de faire participer tous les ménages à l’effort collectif, cette désindexation devrait toucher également le barème de l’impôt sur le revenu. Compte tenu de la faiblesse de l’inflation, les gains à attendre de cette opération simple mais à effet rapide ne seraient certes pas miraculeux (de l’ordre de 5 ou 6 milliards d’euros si l’inflation n’est que de 1 %). Toutefois, ils seraient un premier pas concret vers un redressement plus global qui suppose de vraies réformes de la sphère publique conduites dans la durée. Ne nous y trompons pas : l’investissement dans nos forces armées n’est pas la raison majeure du redressement financier qui nous attend. Celui-ci aurait dû avoir lieu de toute manière. La situation géopolitique ne fait qu’en accroître l’urgence. La situation de départ de nos finances publiques, elle, ne fait que compliquer l’équation.

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