L'an dernier, plus d'1,1 million de séniors travaillaient au-delà de 67 ans en Allemagne, sur une population active d'environ 46 millions de personnes.

( AFP / RALF HIRSCHBERGER )
"L'État providence tel que nous le connaissons aujourd'hui n'est plus finançable". Cette déclaration du chancelier allemand Friedrich Merz ouvrait la voie à un "automne des réformes" en Allemagne, qui doit se concrétiser avec des propositions "d'ici la fin de l'année" sur les allocations chômage ou encore les retraites.
Garder les seniors plus longtemps sur le marché de l'emploi est désormais une priorité du gouvernement allemand, confronté au déficit croissant du système des retraites, dans un pays vieillissant.
"C'est un peu stressant, mais je suis content d'être ici" : Pete Maie, 70 ans, se montre tendu au début d'un entretien d'embauche à Cologne (ouest) pour un poste à temps partiel. Chemise bleue fourrée dans le pantalon, cet ancien soldat et ex-responsable logistique n'a plus l'habitude de ce type d'exercice, cinq ans après avoir quitté le marché du travail.
Un employé de Unique Seniors, agence spécialisée dans le recrutement de personnes âgées, s'assure de sa motivation pour devenir préparateur de colis dans un groupe logistique. "Je suis disponible immédiatement et prêt à travailler aussi longtemps que mon corps me le permettra" , assure le candidat, la verve retrouvée.
L'an dernier, le coût du système des retraites s'élevait à 408 milliards d'euros selon le ministère du Travail, en augmentation de 60% par rapport à 2010. Les cotisations ne suffisent plus à couvrir les pensions des retraités, qui représentent désormais un quart de la population , une situation aggravée par la pénurie de travailleurs qualifiés qui frappe l'Allemagne.
Pendant des années, la compétitivité industrielle allemande assurait la croissance économique , qui finançait en retour un État social généreux. Ce modèle est aujourd'hui remis en question. "L'État providence tel que nous le connaissons aujourd'hui n'est plus finançable", a lancé Friedrich Merz fin août, provoquant des remous sur le budget au sein de sa coalition avec les sociaux-démocrates.
"Sentiment d'être utile"
"Nous ne voulons pas l'effacer" ni "l'abolir", mais "nous devons le réformer", a déclaré le chancelier mercredi soir au terme d'une réunion de coalition, s'efforçant de présenter un front uni avec le SPD. L'"automne des réformes" annoncé, allant des retraites aux allocations chômage, devrait se concrétiser avec des propositions "d'ici la fin de l'année", selon lui.
L'an dernier, plus d' 1,1 million de séniors travaillaient au-delà de 67 ans , sur une population active d'environ 46 millions de personnes. Pour mettre davantage d'aînés au travail, le gouvernement voudrait exonérer d'impôt jusqu'à 2.000 euros par mois les salaires perçus après l'âge légal de départ à la retraite, qui sera porté à 67 ans d'ici 2031, contre 66 ans aujourd'hui.
"Pour ceux qui en sont capables et qui le souhaitent ", a précisé Friedrich Merz, à l'instar de Pete Maie. Le travail qu'il convoite ne servirait pas qu'à arrondir ses 1.600 euros de pension mensuelle : "Aujourd'hui il me manque une mission, le sentiment d'être utile", confie ce dernier à l' AFP .
Comme lui, "la plupart des personnes qui retrouvent un travail après la retraite ne le font pas principalement pour des raisons financières", indique à l' AFP Ruth Maria Schüler, spécialiste de l'emploi des seniors à l'institut IW.
Elle se dit donc "sceptique" sur l'efficacité de la réforme, qu'elle qualifie de "cadeau fiscal" aux seniors aisés et qui coûterait à l'État 2,8 milliards d’euros par an.
Retraite à 70 ans ?
D'ici 2027, une commission indépendante doit proposer des réformes structurelles pour pérenniser le système des retraites. Cet été, la ministre conservatrice de l'conomie Katherina Reiche a relancé le débat en évoquant un âge légal de départ à 70 ans , suscitant l'ire des syndicats et des sociaux-démocrates.
Il s'agirait d'"une réduction pure et simple des pensions pour les personnes qui ne peuvent pas atteindre cet âge", a critiqué Bärbel Bas, ministre du Travail et des affaires sociales. Certes efficace pour résorber les déficits, une telle réforme pousserait les salariés des métiers pénibles, moins aptes à se reconvertir après 60 ans, vers le chômage, assure Johannes Geyer de l'institut berlinois DIW.
L'économiste appelle donc le gouvernement à "inciter les entreprises à adapter leurs postes aux personnes âgées".
"La plupart de nos entreprises clientes continuent à discriminer les seniors" , témoigne Tobias Bell, responsable de Unique Seniors qui affirme que cette tranche d'âge serait "plus productive et moins absente".
À 65 ans, Rainer Guntermann, retraité depuis deux ans, assemble des semi-conducteurs à temps plein près de Cologne. Face à des jeunes collègues qu'il juge "paresseux", il assure avec fierté être "ponctuel, assidu et jamais malade".
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