(Actualisé avec Lombard Odier, Aberdeen, Goldman Sachs)
Une majorité de députés français de l'Assemblée nationale a refusé lundi d'accorder sa confiance au gouvernement français du Premier ministre François Bayrou sur la question de l'endettement et de la situation budgétaire de l'Hexagone.
Le chef du gouvernement français devait remettrait mardi sa démission au président Emmanuel Macron tandis que l'Elysée a fait savoir que le chef de l'Etat nommerait un nouveau Premier ministre "dans les tout prochains jours".
Principales réactions de stratèges et d'économistes sur les conséquences attendues sur les marchés financiers et l'économie française de la chute du gouvernement.
MARINE MAZET, STRATÈGE TAUX CHEZ NOMURA
"La majorité des investisseurs et analystes partageait comme scénario central la chute du gouvernement de François Bayrou. Maintenant se pose la question de la nomination d’un nouveau Premier ministre ou d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Ce qui est vraiment dans les prix, et qui semble être la solution envisagée par le président, c’est un nouveau Premier ministre : c’est donc le statu quo sur les marchés."
THOMAS GILLET, DIRECTEUR EN CHARGE DES NOTATIONS SOUVERAINES CHEZ SCOPE RATINGS
"La défaite du Premier ministre François Bayrou lors d'un vote de confiance au Parlement aggrave l'instabilité politique du pays et les difficultés de crédit qui en découlent, compte tenu de l'important déficit budgétaire (5,8% du PIB en 2024) et de la trajectoire ascendante de la dette."
"Le président Emmanuel Macron pourrait nommer un nouveau Premier ministre – le cinquième en quatre ans – chargé de former un nouveau gouvernement, ou convoquer de nouvelles élections législatives anticipées – les deuxièmes en deux ans. Dans les deux cas, la fragmentation du paysage politique, la polarisation accrue et le calendrier électoral jouent en défaveur d'un compromis politique sur les réformes budgétaires, ce qui augmente le risque d'une impasse politique et d'un affaiblissement des finances publiques à moyen terme."
SAMY CHAAR, CHEF ECONOMISTE ET CIO SUISSE CHEZ LOMBARD ODIER
"Cette paralysie politique signifie que le déficit français pourrait demeurer élevé et lorsque les coûts de financement commencent à dépasser le potentiel de croissance d'un pays, comme c'est le cas en France, les risques économiques augmentent. Nous estimons cependant que le risque de voir la crise politique et les inquiétudes budgétaires de la France se transformer en crise financière est faible. A notre avis, les débats sur la viabilité de la dette semblent un peu exagérés."
"Certes la volatilité de l'euro pourrait s'accroître dans un contexte d'incertitude politique prolongée en France, mais la monnaie unique devrait bénéficier de la faiblesse générale du dollar américain."
RAPHAËL THUIN, DIRECTEUR DES STRATÉGIES DE MARCHÉS DE CAPITAUX CHEZ TIKEHAU CAPITAL
"Le risque d’un dérapage budgétaire massif apparaît limité : une majorité parlementaire reste attachée au principe de la réduction des déficits, même si sa mise en œuvre concrète se heurte à des divisions partisanes."
"Les déficits devraient demeurer élevés, sans perspective claire de réduction, tandis que l’immobilisme politique pourrait s’installer. Cette situation ne devrait pas provoquer de rupture économique brutale. Les fondamentaux de l’économie française, bien que fragilisés, restent résilients, et le statu quo pourrait prévaloir dans les prochains mois."
"Les entreprises du CAC 40, souvent multinationales, exportatrices et peu endettées, semblent relativement protégées des turbulences politiques et de la hausse des taux d’intérêt. Leur faible exposition à la commande publique limite leur sensibilité aux aléas budgétaires. Par ailleurs, l’excès d’épargne privée en France continue de financer une partie des déficits, atténuant les vulnérabilités externes."
MICHAEL EVERY, STRATÉGISTE CHEZ RABOBANK
"La deuxième économie européenne, et la seule à disposer de la triade nucléaire, semble incapable de gérer son déficit budgétaire, voire ingouvernable. Peut-on facilement ignorer cette situation ?"
MICHEL TUKKER ET BENJAMIN SCHROEDER, STRATÉGISTES TAUX CHEZ ING
"Si le résultat négatif du vote de confiance était attendu, il met néanmoins en évidence l'incertitude qui plane sur le processus d'assainissement budgétaire en France. (...) Les mesures d'austérité devront probablement être édulcorées afin d'obtenir un soutien politique plus large. Nous pensons que les rendements des obligations d'État françaises (OAT) ne devraient pas se resserrer de manière significative à partir de ce niveau, tandis que leur potentiel de hausse reste important."
"Les répercussions sur l'ensemble du marché de la zone euro sont limitées jusqu'à présent, mais une escalade prolongée pourrait entraîner une baisse des taux de swap. (...) Tant que Macron sera président, probablement jusqu'aux élections de 2027, nous ne prévoyons pas d'explosion des spreads OAT ni de choc plus général sur le sentiment de risque."
SARA GRUT, STRATÉGISTE CRÉDITS CHEZ GOLDMAN SACHS
"Nous ne pensons pas que les préoccupations budgétaires françaises entraîneront un élargissement systémique des spreads de crédits en euros similaire à celui observé en 2011-2012, et ce pour trois raisons. D'abord car les risques budgétaires de la France ne sont pas immédiats. Ensuite parce que la palette d'outils plus large dont dispose la BCE réduit le risque que des fluctuations désordonnées des taux se répercutent sur le crédit. Enfin, les mesures budgétaires prises par l'Allemagne devraient soutenir la croissance et donc maintenir les spreads en euros à un niveau favorable."
JOHN PLASSARD, ASSOCIÉ CHEZ CITÉ GESTION
"La chute de François Bayrou n’est pas seulement une crise politique : c’est un test grandeur nature pour la France et pour l’Europe. Entre dette, agences, euro et BCE, chaque jour de blocage pèsera plus lourd. Emmanuel Macron doit vite trancher entre dissolution et nomination : les marchés n’attendront pas. L’écart entre les OAT et le Bund et la réaction de Fitch seront les juges immédiats. Le risque, désormais, est que la France soit perçue comme 'l’Italie bis' de la zone euro."
ALEX EVERETT, DIRECTEUR PRINCIPAL DES INVESTISSEMENTS - GESTION DES TAUX CHEZ ABERDEEN
"Il est clair que l’impasse politique en France ne sera pas résolue cette année, et peut-être pas avant l’élection présidentielle de 2027. Cela devrait maintenir les spreads des OAT à un niveau élevé – au moins proche des niveaux actuels – pendant plusieurs mois. Nous restons vendeurs d’OAT par rapport à leurs équivalents."
MICHAËL NIZARD, DIRECTEUR MULTI-ACTIFS CHEZ EDMOND DE ROTHSCHILD ASSET MANAGEMENT
"Confronté à une tripartition inédite du paysage politique sous la cinquième République, le président (Emmanuel Macron) a désormais trois options devant lui."
"La nomination d’un nouveau premier ministre est l’option que nous privilégions à ce stade, aussi bien par les marchés financiers que par les proches du chef de l’Etat (...)."
"Une dissolution de l’Assemblée Nationale. Sans être majoritaire, la probabilité de ce scénario est non-négligeable compte tenu des clivages politiques très profonds au sein de la classe politique."
"Une démission du président de la République est très peu probable à ce stade mais ne peut être exclue totalement, d’autant plus qu’il s’agit d’une revendication d’une partie du mouvement de contestation du 10 septembre."
"Quelle que soit l’issue de la crise politique actuelle, la probabilité d’une réforme d’ampleur des finances publiques restera faible, si bien que les marchés financiers eux-mêmes semblent être résignés et se contenteront probablement d’un scénario où le déficit budgétaire ne se dégrade pas davantage."
JUAN PEREZ, DIRECTEUR DU TRADING CHEZ MONEX USA
"Le vote français et le départ du Premier ministre ont suscité très peu de réactions, car c'était souhaité et attendu. En réalité, il fallait que ce dernier parte et les marchés se réjouissent que cela ouvre la voie à de nouvelles luttes pour le pouvoir au sein du pays. Les obligations ont légèrement fluctué, mais cela n'a eu aucun impact sur le marché des changes, car ce n'était pas une surprise."
CHRIS SCICLUNA, DIRECTEUR DE LA RECHERCHE ÉCONOMIQUE CHEZ DAIWA CAPITAL MARKETS
"Nous sommes entrés dans une période d'incertitude. Le résultat est conforme aux attentes, les marchés devraient donc réagir avec modération."
"Macron a maintenant du pain sur la planche : trouver un Premier ministre capable d'obtenir suffisamment de soutien pour faire passer un budget au Parlement."
"À court terme, je suis sûr que tous les acteurs des marchés s'attendent à une paralysie et à une pression à la baisse sur les notations. Le déficit français restera important dans un avenir proche, et l'ampleur de l'élargissement des écarts de rendement obligataire reste incertaine."
SIMON EDELSTEN, GÉRANT DE FONDS CHEZ GOSHAWK ASSET MANAGEMENT
"Les marchés obligataires semblent avoir anticipé cela (la mise en minorité du gouvernement de François Bayrou) et les obligations françaises à long terme pourraient continuer à afficher des rendements élevés, car des mesures budgétaires fortes semblent politiquement impossibles."
"Cependant, ces problèmes sont largement répandus en Europe, et la ministre britannique des Finances est également à la peine pour présenter un budget crédible en novembre. Tout cela dans un contexte de hausse des rendements obligataires américains – certes dans un contexte différent de baisses d'impôts, mais d'une économie apparemment fragile."
"La situation budgétaire française demeure le plus grave des problèmes majeurs, mais l'Europe est confrontée à une série de coûts liés à la protection sociale qui semblent voués à augmenter plus vite que les recettes fiscales éventuelles. Avec l'augmentation du coût du service de la dette, le chemin avant une crise se raccourcit. Cependant, les responsables politiques continuent de considérer cette situation comme un suicide électoral."
(Compilé par Dhara Ranasinghe, Naomi Rovnick, Gertrude Chavez-Dreyfuss, Bertrand De Meyer, Claude Chendjou et Blandine Hénault, édité par Augustin Turpin)
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