
( AFP / JONATHAN NACKSTRAND )
La faillite du fabricant de batteries Northvolt a jeté un froid sur les grands projets d'industries vertes dans le nord de la Suède, mais la jeune entreprise sidérurgique Stegra est convaincue de donner tort aux critiques.
A la sortie de la ville de Boden, dans l'extrême nord de la Suède, un énorme chantier grouille d'activité.
Les squelettes métalliques qui s'élèvent laissent entrevoir la forme de la nouvelle aciérie, qui produira de l'acier à l'aide d'une technologie qui réduira les émissions de CO2 de 95% par rapport aux méthodes traditionnelles, selon l'entreprise.
"À l'heure actuelle, nous sommes en pole position", a déclaré Denis Hennessy, vice-président de Stegra chargé de l'acier, lors d'une visite du site.
Selon l'Agence internationale de l'énergie, la production de fer et d'acier est la première source d'émissions de CO2 parmi les industries lourdes.
Le processus traditionnel entraîne l'émission de près de deux tonnes de CO2 par tonne d'acier produite.
- Hydrogène -
Le minerai de fer qui sort d'une mine est généralement riche en oxydes, des composés chimiques constitués de fer et d'oxygène, et cet oxygène doit être éliminé, généralement en le chauffant avec du coke dans un haut-fourneau.
À Stegra, l'oxygène est éliminé en faisant circuler de l'hydrogène gazeux chauffé qui lie l'oxygène, créant de l'eau comme sous-produit.
L'hydrogène utilisé sera également produit sur place dans une énorme usine d'électrolyse alimentée par des énergies renouvelables.
L'accès à une énergie renouvelable bon marché, telle que l'énergie hydraulique dans le nord de la Suède, est un élément clé pour la rentabilité de Stegra, selon son PDG Henrik Henriksson.
Les grands groupes sidérurgiques implantés en Europe paient l'électricité environ trois fois plus cher, a déclaré Henrik Henriksson à un groupe de journalistes et d'investisseurs.
"Cela nous donne un avantage relativement important en termes de coûts", a-t-il poursuivi.
Bien que la fabrication traditionnelle de l'acier soit toujours moins chère, Stegra pense pouvoir facturer un supplément pour son acier "vert".
Lorsque l'entreprise a annoncé pour la première fois son projet de nouvelle aciérie en 2021 - alors appelée H2 Green Steel -, elle s'était fixé l'objectif ambitieux de démarrer la production dès 2024.
Elle prévoyait une production annuelle de cinq millions de tonnes d'acier - soit plus que la production annuelle actuelle de tous les sidérurgistes suédois - d'ici à 2030.
- L'ombre de Northvolt -
Stegra a revu son projet et vise un démarrage de la production au second semestre 2026, avec une capacité initiale de 2,5 millions de tonnes d'acier par an, qu'elle espère ensuite doubler.
Il s'agit toutefois d'une goutte d'eau par rapport aux 1,9 milliard de tonnes d'acier expédiées dans le monde en 2024, selon l'Association mondiale de l'acier (World Steel Association).
Derrière ce projet d'acier vert, se trouve notamment la société d'investissement Vargas Holding, qui a soutenu le fabricant de batteries Northvolt.
Northvolt était considéré comme la pierre angulaire de la tentative européenne de rattraper les producteurs chinois de batteries, avant que des retards de production et une montagne de dettes ne l'amènent à se déclarer en faillite en mars.
Northvolt devait servir de modèle pour les projets industriels verts en Suède, mais son échec a refroidi les investisseurs.
Une étude de Dagens Arbete, magazine publié par trois syndicats de l'industrie, a révélé que 20 des 30 "projets industriels verts" en Suède subissaient des retards ou avaient été purement et simplement annulés.
Stegra n'est pas sans détracteurs.
Pour Magnus Henrekson, professeur à l'Institut de recherche en économie industrielle (IFN), le premier problème de la startup est son emplacement, à l'intérieur des terres sans infrastructure pour transporter les quantités massives d'acier vers les ports voisins.
"Et cela doit être fait par une startup, sans expérience de la production d'acier", a déclaré M. Henrekson, ajoutant qu'il pensait qu'étant donné les besoins massifs en énergie de Stegra, il était trop optimiste de penser que les prix de l'électricité dans le nord resteraient compétitifs.
- Pas de concurrent chinois -
Selon l'expert, certains signes montrent que l'industrie a revu ses ambitions de décarbonation, rappellant que le sidérurgiste ArcelorMittal a retardé en novembre son projet d'acier décarboné à Dunkerque.
Mais malgré les défis qui subsistent, le patron de Stegra souligne que son entreprise est "différente" de Northvolt.
"Nous sommes une équipe différente. Nous avons une structure différente", a-t-il déclaré, ajoutant qu'il n'y avait "aucun pôle d'acier vert" en Chine avec laquelle ils devraient rivaliser.
M. Henriksson souligne que l'acier est très différent des batteries pour véhicules, qui exigent que les clients adaptent les logiciels, la technologie et la conception.
Les producteurs qui souhaitent réduire leur empreinte carbone peuvent utiliser l'acier de Stegra sans adaptation, a-t-il déclaré.
"Le lundi, vous pouvez utiliser de l'acier brun. Et le mardi, vous pouvez utiliser de l'acier vert".
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