*
Anas al Sharif avait posté un message quelques minutes avant sa mort
*
Un des journalistes les plus courageux de Gaza, dit Al Jazeera
*
Pour un groupe de défense de la liberté de la presse et l'Onu, pas de preuve de liens entre Anas al Sharif et le Hamas
*
Israël accuse le journaliste d'avoir été responsable d'attaques de roquettes
(Actualisé avec bilan)
par Nidal al-Mughrabi et Maayan Lubell
Un journaliste de premier plan d'Al Jazeera, objet de menaces de la part d'Israël, a été tué avec trois de ses collègues et un assistant dimanche dans une frappe israélienne condamnée par des groupes de défense des journalistes et des droits de l'Homme.
L'armée israélienne a annoncé avoir ciblé et tué Anas al Sharif, qu'elle accuse d'avoir dirigé une cellule du Hamas et d'avoir été impliqué dans des attaques à la roquette contre Israël.
La chaîne de télévision Al Jazeera a rejeté ces accusations, tout comme l'avait fait Anas al Sharif avant sa mort.
Le journaliste de 28 ans se trouvait en compagnie de trois autres journalistes et d'un assistant d'Al Jazeera dans une tente située près de l'hôpital Al Chifa, visée par une frappe israélienne, ont rapporté la chaîne de télévision basée au Qatar et des représentants gazaouis.
Les autres journalistes tués dans l'attaque sont Mohammed Qreiqeh, Ibrahim Zaher et Mohammed Noufal, a ajouté Al Jazeera.
Un responsable d'Al Chifa a déclaré que deux autres personnes ont été tuées dans cette frappe israélienne.
Les services médicaux de l'hôpital, situé dans la ville de Gaza, dans le nord de l'enclave palestinienne, ont annoncé lundi le décès d'un autre journaliste qui travaillait en indépendant, Mohammad al Khaldi, portant à six le bilan des journalistes tués dans la frappe contre la tente.
Décrivant Anas al Sharif comme "l'un des journalistes les plus courageux de Gaza", Al Jazeera a qualifié la frappe de "tentative désespérée de faire taire des voix en anticipation de l'occupation de Gaza".
Anas al Sharif a par le passé fait partie de l'équipe de Reuters qui a remporté en 2024 un prix Pulitzer dans la catégorie "Breaking News Photography" pour sa couverture de la guerre entre Israël et le Hamas.
Dans un communiqué, l'armée israélienne a accusé Anas al Sharif d'être à la tête d'une cellule du Hamas et "responsable de faire avancer des attaques de roquettes contre des civils israéliens et les troupes (israéliennes)" sur la base d'informations des services de renseignement et de documents découverts à Gaza attestant selon Tsahal de l'affiliation militaire d'Anas al Sharif au Hamas.
En octobre dernier, Tsahal avait indiqué que le journaliste figurait sur une liste de six journalistes de Gaza qu'elle accusait d'être membres du Hamas et du Djihad islamique palestinien, citant des documents établissant selon elle le suivi de formations et le versement de salaires.
"Al Jazeera rejette catégoriquement que les forces d'occupation israéliennes dépeignent nos journalistes comme des terroristes et dénonce leur manière d'utiliser des preuves fabriquées de toute pièce", a dit la chaîne dans un communiqué.
Le média et des associations de journalistes ont dénoncé des "assassinats".
ENTRE 186 ET 237 JOURNALISTES TUES A GAZA
Un groupe défendant la liberté de la presse et une experte des Nations unies avaient averti par le passé du danger que courait Anas al Sharif pour sa couverture de la guerre dans la bande de Gaza.
Le Comité de protection des journalistes (CPJ) avait exhorté en juillet la communauté internationale à protéger Anas al Sharif, citant des menaces effectuées à son encontre par l'armée israélienne.
Dans un communiqué publié dans la nuit de dimanche à lundi, le CPJ a déclaré qu'Israël n'avait fourni aucune preuve pour étayer ses accusations concernant Anas al Sharif.
"L'habitude d'Israël d'étiqueter des journalistes comme combattants sans fournir de preuves crédibles soulève de sérieuses questions sur ses intentions et son respect pour la liberté de la presse", a déclaré Sara Qudah, directrice du CPJ pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord.
Irene Khan, rapporteuse spéciale de l'Onu sur la liberté d'opinion et d'expression, avait exprimé le mois dernier sa préoccupation et nié les accusations d'Israël selon lesquelles Anas al Sharif appartenait au Hamas.
Le journaliste, qui comptait dimanche plus de 500.000 "followers" sur le réseau social X, a publié quelques minutes avant sa mort un message sur la plateforme signalant des bombardements intenses menés par Tsahal pendant plus de deux heures contre la ville de Gaza, dont Israël veut prendre le contrôle dans le cadre d'un plan présenté la semaine dernière par le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour occuper militairement l'ensemble de la bande de Gaza.
Selon le groupe militant Hamas, qui dirige Gaza, l'attaque de dimanche pourrait être le signal du début de l'offensive israélienne.
"L'assassinat de journalistes et l'intimidation de ceux qui sont encore sur place ouvre la voie au crime majeur que l'occupation projette de commettre à Gaza", a dit le groupe militant dans un communiqué.
Benjamin Netanyahu a annoncé qu'il lancerait une nouvelle offensive pour démanteler les bastions du Hamas à Gaza, où sévit une crise alimentaire et sanitaire après 22 mois de guerre.
"Anas al Sharif et ses collègues comptaient parmi les dernières voix à Gaza transmettant la réalité tragique au reste du monde", a ajouté Al Jazeera.
D'après les autorités gazaouies, 237 journalistes ont été tués dans l'enclave palestinienne depuis le début du siège total décrété par Israël en réponse à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, tandis que pour le CPJ, au moins 186 journalistes ont été tués depuis le début du conflit à Gaza.
Reporters sans frontières (RSF), qui accuse l'armée israélienne de crimes de guerre contre les journalistes dans l'enclave, a déclaré en juillet qu'au moins 46 journalistes ont été délibérément ciblés par Tsahal du fait de leur profession.
(Hatem Maher, Nidal Al-Mughrabi et Ahmed Tolba au Caire, avec Joseph Ax à New York; version française Jean Terzian et Gilles Guillaume, édité par Blandine Hénault)
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer