Des véhicules circulent sur une avenue menant à l'Assemblée nationale le 28 novembre 2025 à Bissau en Guinée-Bissau ( AFP / PATRICK MEINHARDT )
La nouvelle junte en Guinée-Bissau a conforté son pouvoir avec la nomination vendredi d'un Premier ministre et l'investiture la veille d'un général au poste de président pour une transition d'un an, mais n'a pas échappé à une suspension par l'Union africaine de ses instances.
Au Sénégal voisin, le Premier ministre Ousmane Sonko a jugé que ce coup d'Etat militaire, juste avant l'annonce des résultats des présidentielle et législatives du 23 novembre, était une "combine" visant à arrêter le processus électoral dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, un soupçon partagé par plusieurs experts.
Jeudi, les putschistes avaient nommé le général Horta N'Tam, jusqu'ici chef d'état-major de l'armée de terre, pour diriger un Haut commandement militaire pour la restauration de l'ordre (HCM) et une transition politique.
Vendredi, le général a nommé par décret présidentiel Ilidio Vieira Té, Premier ministre et ministre des Finances.
Le nouveau Premier ministre et ministre des Finances du gouvernement de transition de Guinée-Bissau, Ilidio Vieira Te (à gauche), à côté du président de la transition, le général Horta N'Tam (à droite), lors de la cérémonie de prestation de serment au palais présidentiel de Bissau, le 28 novembre 2025. ( AFP / Patrick MEINHARDT )
M. Té est le dernier ministre des Finances du président Umaro Sissoco Embalo, renversé lors du coup d'État de mercredi. Lors d'une brève cérémonie d'investiture à Bissau, le nouveau chef de la junte a salué un "bon travailleur" avec qui il souhaite "continuer à travailler ensemble dans un même navire".
De son côté, l'Union africaine (UA) a décidé vendredi "de suspendre avec effet immédiat" la Guinée-Bissau de ses instances, a déclaré le président de la commission de l'UA, Mahamoud Ali Youssouf.
- "Violations" -
La vie a repris son cours dans la capitale, avec des véhicules circulant près du marché, après le coup d'Etat militaire en Guinée-Bissau, à Bissau le 28 novembre 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, a affirmé que depuis le putsch, "au moins 18 personnes sont arbitrairement détenues dont des membres du gouvernement, des magistrats et des dirigeants de l'opposition". Il s'est dit aussi "alarmé par les violations des droits de l'Homme" après le coup d'Etat.
A Bissau, la capitale, la circulation et les activités ont repris leur cours normal vendredi, ont constaté des journalistes de l'AFP. Le dispositif sécuritaire et la présence des militaires ont été allégés dans la capitale.
Jeudi, le HCM avait levé le couvre-feu nocturne imposé la veille, nouveau signe d'une certaine stabilité malgré le coup d'État, après l'annonce le même jour de la réouverture de "toutes les frontières, fermées depuis mercredi après-midi". Il avait aussi ordonné "la réouverture immédiate" des écoles, des marchés et des institutions privées.
- "De qui se moque-t-on ?" -
Le président déchu, M. Embalo, détenu par les militaires mercredi et jeudi, a trouvé refuge au Sénégal où il est arrivé "sain et sauf" jeudi soir à bord d'un avion affrété par Dakar, a indiqué, dans un communiqué, le gouvernement sénégalais dont le chef s'est exprimé sans détour sur le sujet vendredi.
Un soldat passe devant le palais présidentiel après le coup d'Etat militaire en Guinée-Bissau, à Bissau le 28 novembre 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )
"Ce qui s'est passé en Guinée-Bissau, tout le monde sait que c'est une combine. Qu'on continue le processus électoral et que la commission (électorale) dise qui a gagné" les élections organisées dimanche, a ainsi déclaré Ousmane Sonko lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Il s'est en outre prononcé pour "la libération des personnes arrêtées, surtout Domingos (Simoes) Pereira qui n'était même pas candidat".
M. Pereira est présenté par la presse locale comme un proche de M. Sonko. Principal opposant bissau-guinéen et dirigeant du puissant PAIGC, parti historique ayant mené le pays à l'indépendance, il a été écarté de la présidentielle du 23 novembre par la justice pour dépôt tardif de dossier.
Il a apporté dans ce scrutin son soutien au candidat de l'opposition, Fernando Dias, qui a affirmé jeudi à l'AFP avoir remporté la présidentielle et accusé M. Embalo d'avoir "organisé" le coup d’État pour empêcher son accession au pouvoir.
S'exprimant dans des médias nigérians vendredi, le président du Conseil des Sages et ancien chef d'Etat du Nigeria, Goodluck Jonathan, qui faisait partie des observateurs des scrutins du 23 novembre, a également émis des doutes.
"Ce qui s'est passé en Guinée-Bissau, je n'appellerai pas ça un coup (....) ou alors un coup factice", a-t-il déclaré. "C'est le président Embalo qui a annoncé le coup (...); et alors que le coup se déroulait, il utilisait son téléphone et annonçait à des médias à travers le monde qu'il avait été arrêté: comment cela est possible? De qui se moque-t-on?", a-t-il poursuivi.
La Guinée-Bissau, pays lusophone côtier d'Afrique de l'Ouest situé entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), avait déjà connu quatre coups d'État et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance du Portugal en 1974.
L'instabilité et la pauvreté ont favorisé l'implantation de narcotrafiquants qui utilisent ce territoire comme zone de transit de la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe.
Des responsables militaires ou des hauts fonctionnaires de l'administration de ce pays ont souvent été cités dans ce trafic ces dernières années.

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