
L'équipe de Joe Biden a expliqué comment la future administration prévoit de restreindre l'extraction de pétrole et de gaz sur les territoires terrestres et maritimes appartenant à l'État, d'augmenter les normes de kilométrage pour les voitures, de condamner les oléoducs qui transportent des combustibles fossiles et de débloquer des aides fédérales pour financer le développement des énergies renouvelables. (Crédits photo : Flickr - Gage Skidmore )
Tribune Libre. Par Randeep Somel, Gérant actions M&G
Le président Donald Trump a fini par accepter d'engager la passation de pouvoir à l'administration de Joe Biden. Même s'il n'a pas officiellement reconnu sa défaite, les actions internationales ont réagi à l'actualité en s'inscrivant en hausse après la période d'incertitudes ayant suivi l'élection.
Les politiques de Joe Biden et de Donald Trump diffèrent sur de nombreux points, mais l'une des questions qui les divisent le plus est celle du changement climatique. Celle-ci a été au cœur de la campagne électorale de Joe Biden, qui s'est engagé à revenir sur la décision de Donald Trump de se retirer de l'accord de Paris signé en 2015.
Élément important, la victoire du candidat du parti Démocrate à l'élection est intervenue très peu de temps après que la Chine a suscité la surprise en s'engageant à amorcer une reprise « verte » après la pandémie. Les deux plus gros émetteurs de CO2 ayant désormais officialisé leurs intentions en matière de changement climatique, l'effort pour atteindre l'objectif de neutralité carbone devient réellement international ; la communauté mondiale doit néanmoins continuer à aller de l'avant.
Opération Dragon : l'annonce surprise de Xi Jinping
L'accord historique de Paris signé en 2015 demandait aux pays d'établir leurs propres objectifs nationaux à compter de 2020. Même si la signature de l'accord représentait un premier pas dans la bonne direction, peu de temps après la Chine n'avait toujours pas fixé d'objectifs nationaux de neutralité carbone et Donald Trump avait été élu à la tête des États-Unis, promettant de retirer son pays de l'accord. Cela ne présageait rien de bon pour l'accord, car les deux plus gros émetteurs de carbone au monde (28 % pour la Chine et 15% pour les États-Unis) n'y étaient pas pleinement engagés.
Cependant, en septembre, juste après que Donald Trump ait qualifié l'accord de Paris « d'accord unilatéral » et qu'il ait reproché à la Chine d'être « le plus gros émetteur de carbone du monde », le président Xi Jinping a annoncé devant l'Assemblée générale des Nations Unies que son pays reverrait à la hausse ses intentions de contributions déterminées au niveau national dans le cadre de l'accord en adoptant des politiques et des mesures plus ambitieuses. En pratique, la Chine devrait plafonner ses émissions de dioxyde de carbone avant 2030 et atteindre la neutralité carbone avant 2060. Xi Jinping a exhorté les autres pays à amorcer une « reprise verte de l'économie mondiale dans l'époque d'après Covid ».
Le moment de cette annonce, intervenant juste avant l'élection américaine, avait des allures de politique politicienne, et il est vraisemblable qu'il ait été choisi pour montrer que les politiques du président des États-Unis en fonction étaient dépassées. Cela n'en est pas moins une avancée majeure. La Chine a fait de la croissance économique une priorité dans le cadre de sa stratégie nationale, mais le pays intègre désormais une politique climatique (avec des objectifs) dans son plan national.
Jusqu'à présent, l'engagement principal pris par la Chine en lien avec la réduction des émissions de CO2 est d'éliminer les moteurs non hybrides, c'est-à-dire uniquement à combustion interne, d'ici 2035. Dans le cadre de son nouvel objectif pour 2060, le gouvernement devra transformer tous les pans de l'économie qui émettent du carbone. Au cours de ces vingt dernières années, près des trois quarts des émissions de CO2 du pays provenaient de la production d'électricité au charbon ; il sera donc nécessaire d'agir immédiatement dans ce secteur.
La Chine devra aussi investir plus massivement dans les sources d'énergies renouvelables, et trouver une solution énergétique générant suffisamment de puissance de base à partir de sources renouvelables pour remplacer le charbon. Il faut s'attendre à une croissance des investissements dans les technologies de stockage de l'énergie, comme les batteries, mais aussi à une transition vers des carburants renouvelables pouvant être facilement transportés et stockés, comme l'hydrogène vert.
Le retour de l'Aigle : que signifie la victoire de Joe Biden pour la neutralité carbone ?
Au cours de la dernière élection, les Démocrates n'ont pas réussi à prendre le contrôle total de l'exécutif et des deux chambres du Congrès ; Joe Biden aura donc besoin de l'appui des Républicains pour promulguer des lois. La tâche sera ardue, mais avec 47 ans d'expérience en politique, dont la plupart passées au Sénat américain, Joe Biden a l'habitude des accords bipartisans et des procédures législatives. Le président peut aussi faire beaucoup de choses sans avoir besoin de passer par le Sénat pour promulguer une loi. Une première avancée significative en la matière pourrait être de renouer avec l'élaboration de politiques fondées sur des données scientifiques.
L'équipe de Joe Biden a expliqué comment la future administration prévoit de restreindre l'extraction de pétrole et de gaz sur les territoires terrestres et maritimes appartenant à l'État, d'augmenter les normes de kilométrage pour les voitures, de condamner les oléoducs qui transportent des combustibles fossiles et de débloquer des aides fédérales pour financer le développement des énergies renouvelables. Joe Biden s'est aussi engagé à débloquer 2 000 milliards de dollars américains d'aides du gouvernement fédéral pendant son mandat ; ces fonds seront destinés à encourager l'adoption de véhicules électriques, à améliorer l'isolation des bâtiments et à accroître l'utilisation des énergies renouvelables.
Les sommes considérables des mesures de relance qui ont été mises en place cette année pour compenser le ralentissement économique dû à la pandémie ont engendré une augmentation de la dette publique des États-Unis, dépassant les 26 000 milliards de dollars. Dans cette situation, les Démocrates et les Républicains pourraient s'accorder sur la nécessité d'une taxe carbone. Pour les Républicains, ce serait un moyen de faire preuve de prudence sur le plan budgétaire et de réduire le niveau d'endettement sans toucher l'impôt sur le revenu ; pour les Démocrates, ce serait une méthode de réduction des émissions de CO2 fondée sur le marché.
Aller de l'avant
Maintenant que les États-Unis et la Chine ont officialisé leurs intentions, l'avenir de l'accord de Paris sur le climat a changé en quelques semaines.
Il sera toutefois essentiel que l'ONU et le reste du monde continuent de faire pression sur la Chine pour s'assurer que le pays progresse dans ses objectifs. La Chine comprend qu'elle est restée à la traîne en matière de progrès technologiques et elle a désormais la possibilité de développer une nouvelle industrie dans les énergies propres et la technologie verte. Elle peut s'en servir pour soutenir sa propre croissance économique nationale et pour renforcer ses exportations. Mark Carney, l'ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre, a déclaré que la transition vers la neutralité carbone « crée l'opportunité commerciale la plus formidable de notre époque. »
On dénombre trois grandes catégories d'acteurs de la lutte contre le changement climatique : les consommateurs, les industriels et les gouvernements. Des études indiquent que les populations se préoccupent du changement climatique et que les individus sont prêts à changer leurs propres comportements. Les industriels peuvent désormais constater que l'économie emprunte la voie du développement durable et ils sont prêts à soutenir cet effort en y investissant des capitaux et en arrêtant de financer des activités « nuisibles ».
Restent les gouvernements. Si les gouvernements européens mènent la danse, c'est la prise de conscience ultime par les gouvernements chinois et américain qui donnera l'impulsion indispensable pour atteindre nos objectifs en matière d'émissions de carbone dans les prochaines décennies.
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