"Les gouvernements sont quasiment impuissants, ils ont un peu peur d'agir sur ces sujets-là, et quand ils agissent c'est en mettant de l'argent sur la table", tranche Maxime Sbaihi.

( AFP / LOIC VENANCE )
Avec seulement 663.000 bébés nés en France en 2024, les naissances sont au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a annoncé l'Insee en janvier. Si Emmanuel Macron a appelé au "réarmement démographique" du pays, Maxime Sbaihi, auteur de l'essai Les Balançoires vides, estime qu'"on n'achète pas la fécondité, elle réagit très peu aux incitations monétaires et fiscales".
Pour cet économiste, notamment expert associé à l'institut Montaigne, il est "très compliqué" pour les gouvernants de "s'attaquer" à la dénatalité , souvent multifactorielle, qui a pourtant un impact majeur sur les systèmes de retraites ou de sécurité sociale du pays mais aussi, et souvent plus rapidement, sur son économie.
• Quand on parle dénatalité, on évoque surtout les effets sur le système de retraites, mais peu sur la consommation. Pourquoi ?
"C'est lié au fait que le modèle social français est très dépendant de la répartition de la démographie, on a donc l'habitude de voir l'impact sur le modèle social, plus que sur l'économie en tant que telle ou sur les modes et les volumes de consommation.
Pourtant, la chute des naissances sur ces cinq, dix, quinze dernières années n'a aucune incidence aujourd'hui sur le paiement des retraites et n'en aura que quand ces bébés manquants seront des cotisants en moins sur le marché du travail.
Mais dans l'immédiat, la dénatalité a un impact direct sur certains secteurs, l'alimentation, l'habillement, les jouets, tout ce qui est lié à la petite enfance, et ça se voit tout de suite par une limitation sur les quantités.
• Comment peuvent réagir les industries liées au secteur de la petite enfance ?
Il y une décrue, une marée descendante que les industriels ressentent côté consommation. En Italie par exemple, une marque d'aliments pour bébé, Plasmon, a fait une publicité choc contre la dénatalité, baptisée Adamo 2025, qui imagine le tout dernier enfant né en Italie.
La marque est allée chercher des économistes et des démographes pour essayer d'avoir de l'influence sur les politiques familiales, ça en dit assez long de l'inquiétude sur ce marché-là.
• Vous dites que la dénatalité "est la tendance à la fois la plus puissante et la moins considérée".
On a été pendant longtemps dans une illusion. On se berçait en croyant qu'on était encore l'exception française car encore en 2010 le taux de fécondité était très élevé. Mais ça a baissé rapidement, on a mis du temps à le comprendre et à le voir, on a d'ailleurs cru qu'avec le Covid il allait y avoir un rebond, mais la tendance est baissière. Cela a commencé l'an dernier à se voir avec une chute plus rapide des naissances. Il y a eu la fameuse formule présidentielle de 'réarmement démographique' et les chantiers qui ont été annoncés ont été complètement abandonnés depuis.
• Justement, dans quelle mesure les gouvernants peuvent-ils agir ?
La décision ou pas de faire un enfant est multifactorielle et dépend du logement, des revenus du travail, des modes de garde, de la conjoncture... Pour un décideur public c'est très compliqué d'aller s'attaquer à un sujet comme la dénatalité, déjà parce qu'il n'est pas forcément légitime pour le faire car il y a des questions de liberté individuelle qu'il faut respecter, et puis aussi parce qu'il n'y a pas un bouton sur lequel vous appuyez qui peut faire repartir la natalité à la hausse.
Les gouvernements sont quasiment impuissants, ils ont un peu peur d'agir sur ces sujets-là, et quand ils agissent c'est en mettant de l'argent sur la table, avec une allocation en plus, une augmentation de tel plafond, une exonération fiscale. Mais on n'achète pas la fécondité, elle réagit très peu aux incitations monétaires ou fiscales".
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